Canaries et El Hierro : changement climatique et poids des chiffres

Afin de connaitre le principal gaz à effet de serre et son actualité, le cadre mondial est caractérisé en 2016  par plus de 400 ppm (parties par million) – exactement 403 ppm – de CO2 (dioxyde de carbone) soit la valeur maximale  enregistrée dans l’atmosphère  depuis les dernières 800 000 années. Ce pic est lié à l’explosion de la pollution industrielle, l’extension des cultures et le boom démographique initiés – pour des raisons de convenance – en 1880, l’année qui correspond à celle du début des observations météorologiques coordonnées à l’échelle terrestre. En 2016, s’y est greffé aussi un épisode El Niño exceptionnel. 800 000 années (mais en fait l’Organisation Météorologique Mondiale pense, avec beaucoup de probabilités, qu’il faille remonter à 3 ou 5 millions d’années pour retrouver un tel cadre) est une haute époque dans laquelle l’homme ne pouvait aucunement intervenir dans le processus d’émissions de fortes valeurs de CO2. Les activités humaines sur toute la planète en produisaient 25 gigatonnes (25 milliards de tonnes) en 2000 contre 1,5 en 1950. En 2016, nous en avons collectivement émis 36,3 gigatonnes soit une croissance de 2 300 % du CO2 en 65 ans ! Chaque fois que 1 tonne de fuel lourd brûle plus de 3,1 tonnes d’équivalent CO2 sont émis dans l’atmosphère. L’équivalent CO2 désigne le potentiel de réchauffement global d’un gaz à effet de serre.
Que font les Canariens à leur échelle ? Comme bien des communautés régionales, ils émettent sans cesse plus de gaz à effet de serre. Toutefois, bien plus que d’autres en terme d’augmentation.

Nous mettons de côté ici le sujet de la mobilité aux Canaries avec un fort gros parc automobile dont la circulation est facilitée par une détaxe partielle des carburants fossiles par rapport à l’Espagne.

Les données suivantes sont tirées de l’Observatorio de la Sostenibilidad espagnol, un observatoire indépendant, aidé par un comité scientifique, créé en 2015  mais dont les origines remontent à 2005. Durant la plus grande partie du Protocole de Kyoto (1997-2015) soit, pour notre exemple entre 1990 et 2014, les émissions de l’ensemble des gaz à effet de serre ont augmenté de 51 % aux Canaries (El Día, 3 nov 2017, page 16). Cet accroissement est lié localement au développement du tourisme de masse (représentant plus de 70 % du PIB ou Produit Intérieur Brut), l’augmentation de la population et celui de l’usage des énergies fossiles.

Rappelons que ce protocole, signé par l’Espagne entre autres nations, visait à réduire, entre 2008 et 2012, d’au moins 5 % par rapport au niveau de 1990 les émissions de six gaz à effet de serre : dioxyde de carbone, méthane, protoxyde d’azote et trois substituts des chlorofluorocarbones. Selon le dernier rapport du PNUE (l’agence de l’ONU pour l’environnement) publié le 31 octobre 2017 (en anglais), même si les Etats respectaient leurs engagements – lesquels sont volontaires et donc non contraignants -, pris lors de la COP21 de 2015 à Paris, cela ne couvrirait qu’un tiers des réductions indispensables pour ne pas dépasser les + 2 °C à l’échelle de la Terre.

Le cadre est désolant comme dans « Sale temps pour la planète » une série de documentaires de France 5 qui devait s’arrêter cette année sur le cas de l’archipel. Le gouvernement des Canaries a créé, avec beaucoup de retard par rapport à bien des collectivités territoriales et des nations, un observatoire régional du changement climatique en 2017 (en espagnol). Son fonctionnement ne peut être que virtuel car, en 2016, les Canaries avaient émis 5 760 000 de tonnes en équivalent CO2 qui correspondaient à une augmentation de 1,38 % par rapport à 2015 .

La centrale thermique au fuel de Granadilla I et II de la société Unelco-Endesa avec ses 2 groupes de 40 MW chacun. Abona, Tenerife, Iles Canaries, Espagne. Le plus gros émetteur de CO2 des Canaries avec 1,8 million de tonnes relâchées dans l’atmosphère en 2016. © Empresarios Agrupados 2014.
Centrale thermique au fuel du Barranco de Tirajana 1 et 2. Elle est constituée de 2 unités de 80 MW. Unelco-Endesa, 2002-2004. Elle est le second plus gros émetteur de C02 de l’archipel des Canaries avec 1 580 000 de tonnes en 2016. Gran Canaria, Iles Canaries, Espagne. © INITEC Energía.

Les deux centrales de Granadilla et de Tirajama émettent à elles seules 59% du C02 relâché par l’archipel des Canaries. La proximité des centrales thermiques au fuel est tellement nocive que les riverains d’une autre centrale plus petite, celle de Candelaria sur Tenerife, demandent son déménagement à Granadilla.
L’île d’El Hierro toujours aux Canaries, à son niveau, bataille et fait mieux avec ses 40 % d’EnR en 2016 contre ses  quasi 100% d’énergies fossiles (fuel) jusqu’en 2013. Les résultats atteints  permettent une meilleure intégration du dessalement de l’eau de mer parmi les activités partiellement effectuées grâce aux EnR. Cette opération énergivore – 70 bars/cm2 sont nécessaires pour le dessalement par osmose inverse – a fourni en 2016, grâce à trois usines, 44 % de l’eau douce insulaire soit précisément 1 630 938 m3. Les 56 % restants de l’eau douce proviennent d’un système traditionnel de puits verticaux et horizontaux appelés localement minas ou pozos ou bien  galerias (mis au point pour ces dernières à la fin du XIXe siècle). Dans le matériau détritique des volcans des Canaries, il fonctionnent tels les drains miniers dans le sable des qanats de l’ancienne Perse, des foggara du Sahara algérien et des puquios des anciens Indiens Nazca du Pérou.

Le bilan hydrologique de l’île d’El Hierro en 2016. Production et consommation d’eau douce. © G. Alamo Alvarez, Consejo de Aguas de El Hierro.

L’intérêt le plus grand du modèle d’El Hierro est le fait que la plupart des bénéfices des EnR (66%) restent sur l’île alimentant une économie circulaire vertueuse. En 2016, ce sont près de 10 millions de bénéfices qui ont été réinvestis pour les quelque 10 000 habitants de l’île par l’administration insulaire. Toutefois, les premières années, il faudra rembourser les prêts contractés pour la construction de la centrale hydro-éolienne.

La photographie mise en avant montre l’entrée de la station thermique au fuel des Llanos Blancos de la commune de Valverde sur l’île d’El Hierro. Cette station n’a fourni que 60% de l’énergie nécessaire au fonctionnement de l’île en 2016 et elle devrait voir sa part dans le mix encore diminuer. © A. Gioda, IRD.

2 réflexions sur “ Canaries et El Hierro : changement climatique et poids des chiffres ”

  1. Bonjour,

    Je suis journaliste pour le journal du Dimanche, et je souhaiterai vous contacter dans les plus brefs délais. Or, je ne trouve ni adresse mail ni numéro. Est ce possible d’avoir un moyen de vous contacter pour une rapide interview ?

    Merci à vous

    1. Bonjour,
      Merci de votre intérêt.
      Vous pourriez me téléphoner dès demain matin le 29 à mon retour de mission de Paris mais d’abord veuillez me joindre grâce à mon courriel gioda_ird(at)yahoo.com qui se trouve à la fin de la rubrique “Qui suis-je ?” de ce blog.
      A bientôt
      AG

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