La vie a repris sa routine sur l’île d’El Hierro après un évènement, l’inauguration de la centrale hydro-éolienne et donc la quête réussie du 100% ENR, qui, à l’échelle d’un confetti océanique, ne peut se comparer à rien d’autre dans les siècles précédents. Il faudrait remonter le temps jusqu’à l’arbre fontaine ou Garoé des aborigènes, soit bien avant la conquête de l’île en 1405 par Jean IV de Béthencourt, pour retrouver tant de puissante originalité.
Au XXème siècle, il est difficile de mettre à pareil niveau le Mirador de la Peña. Ce dernier, couplé à un restaurant gastronomique géré par l’administration locale qui contrôle ses prestations, fut créé par l’architecte et plasticien César Manrique, dans la seconde moitié des années 1980. Le Mirador de la Peña concrétise, par sa qualité et son heureuse intégration dans la nature et le site grandiose, le tourisme choisi, tel un des objectifs de la communauté insulaire.
De même au-delà dans l’Histoire, en science et connue dans les cercles cultivés, il faut citer l’adoption du méridien zéro pour l’île du Fer (ou de Ferro, l’ancien nom d’El Hierro). Ce méridien virtuel passait par la pointe de la Orchilla, le cap insulaire le plus occidental de l’île, dès le temps des conquistadors et du contrôle du Nouveau Monde essentiellement par l’Espagne. Officiellement, c’est à partir de 1634 que la plupart des géographes européens l’adopteront, sous l’impulsion de la France. Le méridien de l’île du Fer perdra peu à peu de son importance en faveur de celui de Paris, qui le remplacera en 1792, lui-même cédant sa place à celui de Greenwich en 1884, comme la référence pour caler les mesures de longitude dans le monde.
L’île va continuer de creuser le sillon des énergies renouvelables et développer son rôle d’école d’un nouveau monde, différent de l’ancien, mais ici je parle en terme de comportements et d’écologie et non pas en terme de longitude et de géographie. La prochaine 21ème COP (Conférence des Parties) Climat de Paris en décembre 2014 va, au plan international, montrer la prégnance de l’enjeu de la lutte contre le réchauffement climatique, à l’échelle mondiale et donc aussi à celle des Etats, à partir aussi de l’exemple minuscule mais significatif d’El Hierro.
Différents articles ont bien marqué l’importance de ce changement de paradigme. Je pense à celui d’Alice Bomboy (présente sur l’île pendant une dizaine de jour) dans Le Courrier de Genève le 17 juillet et à celui de Pascal Riché sur Rue89 du 20 juillet. Certes, dans le texte du directeur de Rue89, pourrait se noter la tendance à limiter l’avancée d’El Hierro, de manière implicite, aux micro-régions insulaires pour, d’une certaine façon, la marginaliser ou la relativiser mais en fait ce n’est pas cela du tout. Le changement ne passe pas forcément par les petites îles mais le changement passe par des petites actions, au sens du niveau local qui est la base d’une nouvelle convivance.
La convivance vient de l’occitan et l’homme de lettres Alem Surre Garcia la définit ainsi : “ l’art de vivre ensemble dans le respect des différences en termes d’égalité “. Je remercie le poète Gérard Jacquemin pour ses lumières dispensées dans le blog Les jalons du temps sur Mediapart.
Par contre, le texte de Rue89 va à l’essentiel, en affichant l’importance de la régie locale de l’énergie comme un élément structurant ; c’est l’échelle pertinente des communautés territoriales pour la bonne gouvernance énergétique que je revendiquais avec d’autres Collègues français, le 22 juin 2013 sur Mediapart, mais dans un style on ne peut plus éloigné de celui d’un lettré occitan.
En pratique, sur El Hierro, les acteurs locaux espèrent maintenant une relance du tourisme en ciblant des visiteurs attirés par la nature et en particulier la vulcanologie, avec l’aide de l’Unesco et plus précisément grâce au projet de Géoparc, et des personnes intéressées par le développement durable, en accord avec le gouvernement espagnol. Sans se faire submerger par les plus de 11 millions de touristes, fréquentant les six autres îles des Canaries chaque année, il faudrait sur El Hierro décoller à nouveau des quelque 3 000 nuitées/an enregistrées en 2012 et 2013. Cette contraction, allant jusqu’à 90% des chiffres précédemment enregistrés, fut la conséquence de la crise économique espagnole, de la fin des rotations au moins journalières des catamarans venant de Tenerife et de l’éruption volcanique sous-marine de 2011-2012. Depuis quelques mois, le problème du transport maritime semble réglé après une phase extrêmement critique l’hiver dernier.
Un objectif de 30 000 nuitées annuelles semble réaliste, sachant que de nombreux gites ruraux ont été aménagés et que des séjours chez l’habitant sont possibles, sans compter des hôtels puissamment originaux tel celui de la Punta Grande dit le plus petit hôtel au monde, par le Guiness Book en son temps.