En kiosque en ce mois de mars : un numéro spécial de Ciel & Espace (N° 27) consacré à L’Homme sur Mars : le défi du siècle. J’ai eu le plaisir d’écrire plusieurs sections de ce numéro, en particulier ceux concernant les lanceurs et les vaisseaux nécessaires pour le vol— « S’arracher à l’attraction terrestre » (les lanceurs lourds) ; « L’alternative : le vaisseau interplanétaire de SpaceX », « Petits modules ou gros vaisseaux » (modules d’atterrissage et de séjour, module de remontée)—ainsi qu’un article sur les rayons cosmiques : « Les radiations, un risque maitrisable ».
Dans ce numéro vous trouverez également des articles sur les motivations du voyage (par Richard Heidmann), sur l’atterrissage et les sites pressentis (par Philippe Henarejos), sur les simulations conduites sur Terre (avec un interview d’Alain Souchier de l’Association Planète Mars), et bien d’autres sujets. Un numéro de référence pour les profanes comme pour les passionnés…
SpaceX et son président Elon Musk ont fait une nouvelle annonce fracassante en ce 27 février, annonçant leur intention d’envoyer un équipage de deux astronautes « touristes » vers la Lune au cours du dernier trimestre 2018, soit 50 ans après le vol historique d’Apollo 8 piloté par Borman, Lovell et Anders. SpaceX devancerait du même coup la NASA qui prévoit aussi un retour à la Lune, mais avec une mission sans astronaute fin 2018, ou bien avec un équipage, mais fin 2019 au plus tôt.
Les deux astronautes-touristes ont payé à SpaceX une première avance : tant la somme que l’identité des deux clients sont encore tenues secrètes. Dans son annonce, Elon Musk précise que d’autres clients s’inscrivent pour des vols ultérieurs. L’idée consiste à lancer un vaisseau Dragon 2—celui-là même que SpaceX développe pour lancer des équipages vers la Station Spatiale Internationale à partir de mai 2018—au moyen de la fusée Falcon Heavy en cours de construction par la même société SpaceX. Ces deux programmes—Dragon et Falcon Heavy—prennent du retard, et leur qualification pour des vols pilotés n’est pas encore acquise, ce qui peut jeter des doutes quant à leur disponibilité pour un vol circumlunaire fin 2018.
Cela étant, la mission en elle-même est tout à fait réalisable. Il ne s’agit ni de se poser, ni même de se mettre en orbite autour de la Lune, mais simplement de boucler une longue orbite qui frôlerait la Lune puis culminerait à 640 000 km de la Terre—conférant du même coup aux deux passagers le record d’altitude d’un vol spatial—avant un retour non propulsé vers la Terre (pas de risque de non-fonctionnement de moteur) sur une trajectoire balistique. Le vol, entièrement automatique (bien que les passagers seront formés pour toute éventualité de manœuvre), se terminerait par la rentrée de la capsule à haute vitesse dans l’atmosphère terrestre et un atterrissage par rétrofusées à Cap Canaveral.
Le coût de la mission serait étonnamment bas : un tir de fusée Falcon Heavy ne coûte que 90 millions $ environ, et en incluant le vaisseau Dragon et toute l’infrastructure à développer pour ce type de mission, il est fort à parier que les clients paieront chacun aux alentours de 100 millions $. À l’époque d’Apollo, et en ajustant aux devises actuelles, un vol autour de la Lune coûtait 10 milliards $ pour trois astronautes, soit 30 fois plus… Sur le papier, le vol lunaire de SpaceX est réalisable et relativement peu coûteux. Il y aura des risques et les clients (dont l’identité sera dévoilée dans les mois à venir) le savent. La grande question reste les délais. Il y a urgence, puisque l’idée est de battre la NASA à son propre jeu : une course qui n’est plus entre les Etats-Unis et l’Union Soviétique, mais entre le secteur public et le secteur privé, avec une échéance à tenir—le 50ème anniversaire d’Apollo 8, décembre 2018.
Deux robots automobiles continuent d’arpenter Mars en cette année 2017 : Curiosity, bien sûr, qui s’est posé le 6 août 2012 dans le cratère Gale et qui va vers ses 5 années de présence sur la planète rouge ; mais aussi le « vétéran » Opportunity, rover de la génération précédente qui s’était posé le 25 janvier 2004 dans les plaines de Terra Meridiani et a débuté sa 14ème année sur Mars !
Éclipsé par la nouvelle-venue, Opportunity continue à faire de l’excellent travail : véritable marathonien, il compte 44 kilomètres au compteur. Et il n’a pas froid aux yeux : à poste depuis 2011 sur la crête du grand cratère d’impact Endeavour—large de 22 kilomètres et profond de 300 mètres—il flirte avec une pente atteignant 20 degrés par endroits, faisant généreusement patiner ses roues. Son objectif en 2017 : descendre explorer une petite ravine ou gully qui pourrait avoir été formée autrefois par un écoulement d’eau.
Quant à la vedette Curiosity, elle finit de traverser le champ de dunes au pied du mont Aeolis—le massif central du cratère—et s’apprête à gravir une pente qui va le faire traverser plusieurs couches intéressantes, dont l’une riche en fer et l’autre riche en soufre. En attendant, Curiosity vient de photographier une plaque de sédiments craquelée, comme une boue qui se serait retrouvée exondée, ce qui confirme que le lac qui a occupé le cratère a changé maintes fois de profondeur, dont des périodes totalement à sec—du moins à l’endroit étudié.
Et déjà la Nasa prépare la prochaine mission : il s’agit du jumeau de Curiosity, qui n’a pas encore de petit nom, et qui sera lancé durant l’été 2020 pour une arrivée sur Mars début 2021. Si le système d’atterrissage (la grue volante) et le châssis de l’automobile seront peu ou prou identiques (les roues seront toutefois renforcées, vu les difficultés subies par Curiosity), les instruments scientifiques seront nouveaux : outre le bras manipulateur et des caméras et spectromètres avancés, il y aura un radar pour sonder le sous-sol et un appareil de démonstration pour transformer du dioxyde de carbone en oxygène dans la perspective des futures bases habitées.
Quant au site d’atterrissage pour ce nouveau rover, il se précise : il ne reste plus que trois candidats en lice. Bizarrement, l’un d’entre eux est un site déjà exploré par le rover Spirit (2004-2011), à savoir les Columbia Hills du cratère Gusev où le premier robot a découvert des dépôts laissés il y a des milliards d’années par des sources volcaniques hydrothermales. Il y a une logique d’aller approfondir l’analyse d’un site déjà étudié et prometteur en matière d’indices de vie potentiels, mais découvrir un nouveau site paraît plus intéressant, ne serait-ce que pour le public qu’il ne faut pas oublier. Se détachent ainsi la province volcanique équatoriale de Syrtis Major, où des sources hydrothermales auraient également pu barboter, et surtout le cratère d’impact Jezero où un ancien delta marque la présence d’un lac antique, avec des traces d’argiles et de carbonates. Il est fort à parier que Jezero sera l’heureux élu…
Lancé depuis Baïkonour le 17 novembre à bord de Soyouz MS3, et ayant rejoint dans la foulée la Station Spatiale Internationale , Thomas Pesquet est le dixième astronaute français à voler dans l’espace et le second à effectuer un vol de longue durée (6 mois) après Jean-Pierre Haigneré en 1999. Ainsi, Thomas Pesquet va connaître à son tour l’épreuve en zéro-g d’un vol vers Mars, sauf qu’il restera bien sûr en orbite terrestre. Son expérience est précieuse à ce titre et ses articles pour Le Parisien Magazine / Aujourd’hui-en-France Magazine et sur le site de l’ESA (http://blogs.esa.int/thomas-pesquet/fr/), ainsi que son blog sur les réseaux sociaux (https://www.facebook.com/ESAThomasPesquet/) permettent de suivre ses expériences en détail.
Ainsi sont précieux ses commentaires sur l’impesanteur : « Je crois que pour apprécier l’impesanteur, il faut tout simplement accepter de perdre le contrôle. Il ne faut pas s’accrocher à tout ce qu’on trouve pour se rassurer. », dit Thomas Pesquet, tout en soulignant la difficulté de certaines opérations, qui ne viendrait pas nécessairement à l’esprit : « Vous n’imaginez pas à quel point c’est une galère de taper un texte dans l’ISS. Il faut bien s’imaginer que vos mains et vos doigts flottent et que donc, pour atteindre les touches, il faut faire un effort considérable. ». Sans compter les aléas médicaux : en plus de la décalcification osseuse et de l’atrophie musculaire, l’astronaute précise que « moi qui ai une excellente vue sur Terre, je sens déjà qu’elle est en train de diminuer dans l’ISS. L’absence de gravité augmente l’afflux sanguin à l’intérieur du crâne. Cela crée une pression qui affecte les yeux. C’est l’un des prix à payer. »
Deux mois sont déjà passés, et il en reste quatre avant de retrouver la Terre. On notera, parmi les six astronautes à bord de l’ISS, la présence de la vétéran américaine Peggy Whitson, biochimiste de formation et spécialiste justement des questions médicales. C’est son troisième vol de six mois dans l’ISS, ce qui fait qu’à ce jour elle a passé plus de 430 jours dans l’espace, l’équivalent d’un aller-retour Terre-Mars. Une planète rouge qui est dans le fond de la pensée de tous les astronautes. « On a tous ça en tête”, reconnaît Thomas Pesquet, « nous sommes des explorateurs. Nous allons dans la station pour rendre possible des voyages au-delà. Nous avons tous Mars dans le viseur… »
À quelques jours de l’investiture de Donald Trump à la tête des Etats-Unis, le 20 janvier, l’avenir du programme spatial américain reste très flou. Si Hilary Clinton avait gagné, ou même un Républicain du sérail, il est fort à parier que le programme piloté aurait glissé vers un objectif résolument lunaire : le retour d’astronautes américains sur la Lune dans le cadre d’un vaste programme international impliquant l’Europe. Depuis l’élection de Trump, la constitution de son équipe de transition à la tête de la NASA, déjouant les pronostics quant aux cadres pressentis, ainsi que le peu d’informations qui filtrent en dehors de cette équipe, laissent les observateurs perplexes.
En premier lieu est sur la sellette la nouvelle fusée superpuissante SLS conçue par la NASA pour les missions pilotées loin de la Terre, et dont le vol inaugural est prévu pour 2018. De nombreux critiques pensent que les nouvelles fusées devraient dorénavant être construites par le secteur privé. L’administration Trump jouera-t-elle la continuité en laissant se poursuivre ce programme, ou le jettera-t-elle aux oubliettes, continuant à la suite de Bush et d’Obama la valse-hésitation qui mène la NASA nulle part ?
Le Sénat républicain a pris les devants pour voter un texte, sans valeur législative mais qui indique en tout cas les priorités qu’il voudrait voir Donald Trump adopter : soutien au programme de fusée SLS et à son vaisseau piloté Orion, mention d’une étape lunaire sur la route de Mars (avec en même temps un questionnement quant à l’utilité de se disperser en allant explorer un astéroïde), et—chose étonnante—une mission pilotée martienne en 2023. À si brève échéance (c’est dans six ans !) il ne pourrait bien sûr s’agir que d’un survol et pas d’un atterrissage sur la planète rouge. Mais ce ne sont là que les vœux pieux d’un Sénat qui exerce certes une grande influence sur le pays, mais qui n’aura pas le dernier mot. C’est donc toujours dans l’expectative totale qu’on attend de Donald Trump qu’il fixe les grandes orientations de la NASA pour les années à venir…
Un “beau” livre pour Noël, écrit en collaboration avec Patrick Baud qui en a eu l’idée : présenter des sites insolites de notre planète, avec des explications géologiques à l’appui. Nous avons sélectionné 100 sites remarquables et pour la plupart peu connus, dont un lac magnifique (“Spotted Lake” au Canada) qui intéresse les planétologues comme “analogue’ des processus lacustres qui se déroulent sur Mars. Une grande photo pour chaque site et un ouvrage très réussi qui caracole en tête des ventes sur Internet dans la rubrique “guides de voyage”. Et quels voyages !
Le robot automobile Curiosity de la NASA, avec à son bord des instruments d’analyse français, continue avec succès son exploration du cratère Gale, débutée en août 2012. Le robot roule actuellement sur le fond d’un ancien lac, une argile à grain fin (mudstone) cartographiée sous le nom de formation Murray (en honneur au feu planétologue et ancien directeur du Jet Propulsion Laboratory, Bruce Murray). Au terme de quatre années d’études sur le terrain, Curiosity confirme que le grand cratère d’impact a abrité un lac durant un long intervalle de temps. Continuer la lecture de Curiosity et son lac martien→
Dans un précédent article, nous avions souligné combien il était difficile de se poser sur Mars, et qu’il fallait d’abord passer par des échecs et en tirer des leçons pour maîtriser la séquence. Avec l’écrasement de sa sonde Schiaparelli, l’Europe en a fait aujourd’hui les frais, mais heureusement a récolté suffisamment de données pour reconstituer le scénario de l’accident.
Ce mercredi 19 octobre, la sonde TGO (Trace Gas Orbiter) de l’agence spatiale européenne (ESA) s’est mise en orbite avec succès autour de Mars. Après la première tentative également couronnée de succès en 2003 de la sonde Mars Express, c’est la deuxième fois sur deux tentatives que l’Europe réussit à placer un engin spatial en orbite autour de la planète rouge: un “sans faute”.
Le rôle de TGO est de traquer les gaz rares de l’atmosphère martienne et en particulier de voir si des bouffées saisonnières de méthane ont réellement lieu à certains endroits, ce qui pourrait attester d’une activité de microorganismes vivants dans le sous-sol, ou d’une forme de volcanisme, ce qui dans les deux cas serait une surprise de taille.
Seule onde au tableau : la petite sonde (600 kg tout de même !) Schiaparelli qui devait se détacher du bus orbital et se poser en douceur sur Mars—ce qui aurait constitué une première pour l’ESA—a bien effectué le début de son périple en plongeant, bouclier thermique en avant, dans les couches denses de l’atmosphère martienne, mais le signal radio a été perdu peu après. Heureusement, la sonde a transmis suffisamment de télémétrie avant de rendre l’âme pour que les ingénieurs puissent avoir une idée de ce qui a bien pu se passer sur le chemin de la descente. Il s’agissait en effet d’une tentative, il faut le souligner : apprendre à se poser sur Mars, ce qui n’est pas une sinécure. Il reste donc du pain sur la planche pour les ingénieurs de l’ESA : décidément, après déjà une tentative d’atterrissage soldée par un échec en 2004 (la sonde britannique Beagle 2), Mars ne se laisse pas conquérir facilement…
Extinctions : du dinosaure à l’homme C’est le titre de mon nouveau livre aux éditions du Seuil, qui traite de la fin des dinosaures et des extinctions actuelles dont l’Homme est responsable, avec des spéculations sur le déclin futur de la biosphère si nous n’enrayons pas le massacre. Heureusement, il existe des solutions, passées en revue dans le dernier chapitre. Et dans l’épilogue, sur nos propres chances de survie en tant qu’espèce, je mentionne qu’une colonie de chercheurs et d’heureux colons sur la planète Mars nous évitera de disparaître en tant qu’espèce, si les choses s’aggravent vraiment sur Terre… J’en parle ce jeudi 20 octobre à 14 heures sur France Inter : émission La Tête au Carréprésentée par Mathieu Vidard
La science ? Après tout, qu’est-elle, sinon une longue et systématique curiosité ? André Maurois