Tous les articles par Charles Frankel

Nouveau test dans l’Arctique

Le planétologue français Pascal Lee, de la Mars Institute et SETI Institute, a conduit avec son équipe des tests sur sa base HMP (Haughton Mars Project) de l’Arctique, concernant un “gant intelligent” pour piloter des robots depuis un scaphandre. Comme il l’explique sur le site presse-citron.net, « Une combinaison spatiale pressurisée est relativement rigide et les mouvements des mains et des doigts se heurtent à une résistance considérable. Avec l’Astronaut Smart Glove, la sensibilité des mouvements de la main est réglable et peut être réglée sur un niveau élevé, ce qui signifie que la technologie peut être adaptée à une combinaison spatiale pressurisée rigide ». Voir la vidéo qui montre le gant contrôlant un drone en vol,  ce qui donne au passage de jolies vues de la base arctique.

 

 

Test réussi du Starhopper de SpaceX

 

Le Starhopper en construction au texas, peu avant son vol d’essai (Crédit SpaceX)

Le développement du futur lanceur “poids lourd” de SpaceX, la “Big Fucking Rocket” plus prosaïquement rebaptisée SuperHeavy/Starship, se poursuit avec succès. Pour valider son nouveau propulseur à méthane liquide, le Raptor, ainsi que l’architecture générale en acier du vaisseau destiné in fine à poser des astronautes sur Mars, la société d’Elon Musk a conduit le 27 août un test de décollage de son prototype “StarHopper” depuis sa base de Boca Chica au Texas. L’engin de 20 mètres de haut a effectué une montée d’environ 150 mètres, une petite translation de 100 mètres, pour se reposer sur une aire d’atterrissage voisine.

Le Starhopper en vol, 27 août 2019. (Crédit SpaceX)

La prochaine étape consiste à construire la version complète en grandeur nature du vaisseau orbital Starship, propulsée par six moteurs Raptor, pour des tests sub-orbitaux attendus courant 2020. L’objectif à long terme du Starship, qui sera doté d’un premier étage surpuissant (Super Heavyweight) à 35 moteurs Raptor est de desservir l’orbite terrestre, mais surtout la Lune et Mars. Tout comme l’a effectué son petit modèle de test Starhopper ce mois-ci, Starship doit se poser à la verticale sur le corps céleste en question, puis redécoller pour gagner la Terre.

La prochaine version du système s’appellera Starship et comprendra 6 moteurs plutôt qu’un seul. Crédit SpaceX.

Les prochaines étapes du développement du système seront autrement plus complexes que le petit bond de puce effectué cet été au Texas. Mais petit poisson deviendra grand…

Crédit photo de première page: Trevor Mahlmann. Ci-dessous, la vidéo de l’essai en vol du Starhopper:

Année spatiale cruciale 2019–2020

Le Crew dragon de SpaceX devrait emporter ses premiers astronautes fin 2019 ou début 2020 (crédit Hiyu Space)

La nouvelle saison spatiale 2019–2020 nous promet bien des émotions, à commencer par les vols inauguraux de la nouvelle armada américaine : les vaisseaux pilotés de nouvelle génération Crew Dragon de SpaceX (propulsé par le lanceur Falcon 9) et Starliner de Boeing (propulsé par Atlas 5), destinés à desservir la Station Spatiale Internationale. Ces lancements avec équipage sont attendus pour novembre 2019 depuis Cap Canaveral, sauf nouveau glissement du calendrier.
A déjà glissé en 2020, pour sa part, le vol inaugural du nouveau lanceur poids lourd de la NASA : la fusée SLS (Space Launch System) dont les retards et les dépassements budgétaires deviennent de plus en plus inquiétants. Reprenant les moteurs à hydrogène et les boosters à poudre de la Navette Spatiale, ce lanceur de classe Saturn V sera la pièce maîtresse d’un retour à la Lune des Américains, avec à son sommet la nouvelle cabine Orion, un « Super-Apollo » qui fera un simple vol sur une orbite haute, en attendant d’emporter des astronautes autour de la Lune en 2022. Tout nouveau retard ou échec pourrait sonner le glas d’une fusée qui a déjà englouti des milliards de dollars et sur laquelle comptent la NASA et le gouvernement Trump pour poser leurs astronautes sur la Lune en 2024.

La start-up Blue Origin de Jeff Bezos (Amazon) proposera un concept d’alunisseur à la NASA cette année.

Annoncé en mars de cette année, ce projet Artemis de retour « précipité » des Américains sur la Lune –le Pôle Sud étant visé– doit faire usage d’une petite station spatiale à proximité de la Lune, dont l’intérêt et la fonction sont par ailleurs très contestés, et d’un nouveau module lunaire dont les études préliminaires ont été lancées. L’appel d’offres pour cet alunisseur devrait être lancé cet automne, pas moins de 11 constructeurs étant sur les rangs pour emporter le marché, parmi lesquels les traditionnels Northrop Grumman, Lockheed Martin, Boeing, et Aerospace Rocketdyne, mais aussi les « start-up » SpaceX d’Elon Musk et Blue Origin de Jeff Bezos.
L’autre aventure à suivre de près en cette année cruciale est le développement de la fusée géante de SpaceX : la « Big Fucking Rocket », renommée Heavy Weight (pour son premier étage à 51 moteurs) et Starship pour le second étage qui pourrait en principe emporter plusieurs dizaines d’astronautes à la fois, et une centaine de tonnes de fret, vers la Lune ou Mars, après ravitaillement en carburant en orbite terrestre. Un prototype du Starship est actuellement en cours d’essais sur la base texane de SpaceX pour des séquences de décollage et d’atterrissage –car tant le premier étage que le Starship reviendront de poser sur Terre et seront réutilisables– et Elon Musk entrevoit un premier vol orbital de l’ensemble en 2020. Rappelons que si tout va bien, la nouvelle fusée emportera un client japonais, Yuasaku Maezawa, autour de la Lune en 2023. On connaît les calendriers optimistes d’Elon Musk, appelés à glisser substantiellement. Mais si la NASA continue de s’empêtrer de son côté avec sa fusée SLS, Elon Musk pourrait bien se poser au terme de l’année 2019–2020 comme le seul pourvoyeur crédible de vols pilotés interplanétaires, et arracher au passage le leadership du programme lunaire des mains de la NASA…

Trump remet Mars dans la course

Imprévisible, Donald Trump n’a pas fini d’étonner son monde. Alors qu’au mois d’avril il a enjoint la NASA à accélérer ses projets jusqu’alors soporifiques de retourner « vers » la Lune, et asséné comme objectif d’y poser des astronautes avant 2024 –ce qui apparaît irréaliste à nombre de critiques, mais en tout cas provocateur– voilà que le président américain secoue une nouvelle fois le cocotier en clamant haut et fort que même cette ambition est insuffisante.
Trump avait déjà déboussolé la NASA en tweetant le 7 juin que « la NASA ne devrait pas parler de retour sur la Lune », rappelant que l’homme sur la Lune remontait déjà à 50 ans, « mais devrait se focaliser sur les plus grands projets que nous faisons, notamment Mars… dont la Lune fait partie. »

Les astronautes d’Apollo 11 Michael Collins (à gauche) et Buzz Aldrin (à droite) ont fait clairement savoir à Donald Trump qu’ils préfèrent Mars à la Lune. Crédit : AP Photo/Alex Brandon

Le 20 juillet, le président américain a remis le débat Lune/Mars sur la table, à l’occasion d’une cérémonie à la Maison Blanche en présence de Buzz Aldrin et Michael Collins, deux des astronautes de l’équipage mythique d’Apollo 11, et ardents supporters d’un projet de vol piloté visant directement la planète rouge. « Pourquoi pas ce concept de Mars direct ? », a lancé Donald Trump à l’intention de Jim Bridenstine, l’administrateur de la NASA également présent, « Y a-t-il une façon d’y aller directement sans se poser sur la Lune ? Est-ce que ça fait partie du possible ? »
Et si Bridenstine s’est lancé dans la ritournelle qu’il faut d’abord apprendre à séjourner sur la Lune et qu’un lancement vers Mars se ferait depuis la future station Gateway en orbite autour de cette dernière, le président tient à remettre en question cette pensée unique. En interrogeant Mike Collins, qui a livré le fond de sa pensée en lâchant un laconique « Mars direct », Trump a repris la balle au bond : « Ça me semble à moi être Mars direct. Je veux dire, qui en sait autant que ces deux hommes ? Ils font ce boulot depuis longtemps. Alors pourquoi pas ce concept de Mars direct ? » Et de tancer l’administrateur de la NASA en ces termes : « J’aimerais que vous écoutiez le camp opposé, parce qu’il y a des gens qui aimeraient faire ça d’une autre façon. Alors écoutez Buzz et ces gens-là […] Je sais qu’on est déjà bien engagé [avec le programme lunaire Artemis], mais j’aimerais entendre le camp opposé. D’accord ? »
Un surprenant soutien du président américain à l’exploration humaine de Mars, et une remise en cause du programme lunaire, prenant à contrepied son propre camp. Décidemment, Trump n’a pas fini de nous surprendre…

Voyage à la NASA

Le voyagiste NOMADE AVENTURE, spécialisé dans les randonnées et voyages hors du commun, met sur pied un périple aux USA cet automne, sur les traces des astronautes Apollo : visite notamment du centre de Houston et du Kennedy Space Center de Cap Canaveral. Je serai le guide de cette belle aventure.

La cabine d’Apollo 17 au Centre Spatial de Houston

Nous rencontrerons un astronaute actuel de l’ISS et si on arrive à nos fins, un astronaute vétéran du programme Apollo qui a volé autour de la Lune ! Pour plus d’informations, voir le site suivant :

https://www.nomade-aventure.com/voyage-aventure/usa/voyage-usa-nasa-lune/usa69

Et pendant ce temps là, Curiosity…

Alors que la sonde InSight a atterri avec succès le 26 novembre dans les plaines martiennes d’Elysium, il ne faut pas oublier notre vaillante automobile en activité sur la planète depuis plus de 6 ans maintenant : Curiosity (MSL) qui se trouve dans le cratère Gale, à 550 km seulement du nouvel arrivant.

Il faut aussi tirer un grand coup de chapeau à une autre automobile qui a rendu peut-être son dernier soupir, de l’autre côté de la planète : le rover Opportunity (MER), à poste depuis plus de 15 ans dans les plaines de Terra Meridiani. La tempête de poussière de cet été a tant obscurci ses panneaux solaires qu’à court d’électricité, elle s’est mise en hibernation. Son dernier signe de vie date du 10 juin. Il est à craindre que sur les pentes du cratère Endeavour qu’elle a tant exploré, la vaillante automobile a fini par s’éteindre. Mais 15 ans d’exploration : quel triomphe !

Le magnifique sol martien du cratère Gale, aux mystérieux minéraux sombres, photographié le 1er novembre par Curiosity.

Quant à Curiosity, elle est alimentée par un générateur radioisotopique (conversion de la chaleur d’une barre radioactive en électricité), donc elle ne craint pas l’obscurcissement des cieux et peut fonctionner hiver comme été. Elle n’a pas été épargnée par les soucis, néanmoins, le dernier en date ayant été une mémoire défectueuse de son ordinateur, incapable d’accumuler les données scientifiques et techniques. Les ingénieurs ont donc basculé de l’ordinateur B à l’ordinateur A (les deux étant redondants), et tout est rentré dans l’ordre. Curiosity vient d’atteindre une strate rocheuse baptisée Red Jura, sur le flanc de la crête Vera Rubin que le robot explore depuis plusieurs mois : une crête riche en hématite (un oxyde de fer) qui représente, tout comme les strates précédentes, les sédiments déposés au fond du lac qui a occupé le cratère Gale, il y a plus de 3 milliards d’années. Prochain objectif : des argiles en amont des couches à hématite (et donc en principe plus jeunes), sur lesquelles l’automobile roulera en s’approchant de la base d’Aeolis Mons—le massif au centre du cratère…

Une taupinière sur Mars ? Non, les rognures du carottage effectué sur Grey Jura, l’une des strates de la crête rocheuse Vera Rubin, où officie Curiosity.

InSight à poste sur Mars

La sonde InSight de la NASA s’est posée sur Mars le lundi 26 novembre, dans les plaines volcaniques d’Elysium, avec deux appareils scientifiques en cours de déploiement sur la planète rouge : un capteur du flux thermique émanant du sous-sol martien (instrument HP3 de l’agence spatiale allemande), et un sismomètre français, conçu par le CNES et l’Institut de Physique du Globe de Paris, sous la houlette de Philippe Lognonné.

Le sismomètre SEIS vu en coupe, avec sa cloche extérieure qui protège l’instrument du vent (NASA)

On attend beaucoup de ce sismomètre SEIS, en cours de déploiement par le bras robotique sur le sol, à proximité de la sonde. Protégé du vent par une cloche, il devrait pouvoir déceler des séismes de magnitude 3,5 ou plus, à grande distance de la sonde (pour mémoire, un séisme de magnitude 3,5 sur l’échelle de Richter est tout juste décelable par un être humain s’il se déclenchait dans ses environs immédiats). On s’attend à ce qu’il y ait une cinquantaine de tels séismes sur Mars chaque année. Des séismes encore plus énergétiques, de magnitude 4,5 ou plus (sur Terre, de tels séismes font vibrer les maisons dans un rayon de plusieurs kilomètres autour de l’épicentre) devraient également survenir sur Mars une demi-douzaine de fois par an.

Modèle de l’intérieur de Mars, avec le manteau en brun et le noyau de fer en orange, dont on ignore encore s’il est solide ou liquide. (© IPGP/David Ducros)

Non seulement l’instrument français va nous donner une estimation précise du nombre de séismes sur Mars, mais en analysant les trains d’onde reçus—qui auront traversé en chemin l’intérieur de la planète—les planétologues devraient être capables d’estimer les épaisseurs respectives de la croûte, du manteau et du noyau. Les dimensions et l’état du noyau de fer au centre de la planète rouge les intéressent tout particulièrement. Comme ce noyau ne dégage plus de champ magnétique depuis très longtemps (environ 4 milliards d’années), la tentation est grande de penser que le fer autrefois liquide s’est solidifié, empêchant tout brassage générateur de champs électriques et magnétiques. Mais ce n’est pas si simple que cela : la partie supérieure du noyau peut encore être liquide, mais trop mince pour abriter de telles cellules de convection. Ou même être totalement liquide, mais pareillement « à l’arrêt », par manque de gradient thermique en son sein, car trop bien isolé du reste de la planète, et donc en état « isotherme ». On attend donc avec impatience les premiers tremblements… de Mars.

Pour en savoir plus : devenez membre de l’Association Planète Mars (APM). J’y consacre un article plus détaillé sur la sismologie martienne, qui paraîtra dans son prochain bulletin : planete-mars.com

Musk persiste et signe

Malgré ses déboires récents avec la commission boursière des Etats-Unis (pour déclarations frauduleuses quant aux actions de sa firme Tesla), Elon Musk poursuit la conception et la réalisation de sa super-fusée « martienne », la Big Falcon Rocket ou « BFR », capable de lancer 100 tonnes de charge utile vers la planète rouge.

“Relooking” du BFS—le second étage de style navette de la fusée géante BFR d’Elon Musk (© SpaceX)

Par rapport à la version précédente, le projet de lanceur qu’il a redéfini—dévoilé en octobre 2018 au Congrès International d’Astronautique—fait état d’un vaisseau spatial ou « navette » (BFS pour “Big Falcon Spaceship”) de 55 mètres de long, contre 48 mètres précédemment. Il sera équipé de sept moteurs Raptor à méthane et oxygène liquide (plutôt que six), l’idée étant de pouvoir transporter 100 astronautes d’un coup vers la Lune ou vers Mars, l’habitacle ne mesurant pas moins de 1000 mètres cubes, soit le volume habitable d’un Airbus A380. Et on notera l’apparition d’un troisième aileron à l’arrière—ailerons qui serviront également de pieds d’atterrissage, Elon Musk précisant qu’il avait été influencé dans ce choix par la belle symétrie de la fusée d’Hergé, dans l’Objectif Lune de Tintin : « J’adore le design de la fusée de Tintin », a avoué l’entrepreneur, « donc j’ai voulu me rapprocher de son concept. Si vous avez un doute, faites confiance à Tintin ! »

Quant au premier étage qui lancera l’engin, équipé de 31 moteurs Raptor, il développera une poussée de 5400 tonnes au décollage, soit presque deux fois la poussée de la Saturn V des vols Apollo. Musk estime le coup de développement de l’engin entre 5 et 10 milliards de dollars, et les tests de la partie Navette doivent commencer dès l’an prochain, courant 2019.

Le BFS a désormais pour toile d’arrière-fond la Lune, nouvel objectif affiché pour la nouvelle fusée. (©SpaceX)

La grande nouvelle est que le premier exemplaire de la fusée complète devrait voler dès 2023 autour de la Lune avec à son bord le mécène japonais Yuasaku Maezawa qui a pré-acheté le premier exemplaire de l’appareil.

Volontaire pour un premier vol autour de la Lune avec le BFS, Yuasaku Maezawa pose avec Elon Musk.

Quant à des vols habités vers Mars, Elon Musk avait autrefois fait état de dates similaires : 2022 pour un premier vol automatique ; 2024 pour un premier vol piloté ; il a aussi désormais annoncé la date de 2028 pour le début de la construction d’une base martienne. Musk est coutumier des effets d’annonce et de calendriers très optimistes. Affaire à suivre, car avec le génial entrepreneur, on n’a en tout cas pas le temps de s’ennuyer…