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Montpellier et Monde : Anthropocène, art et « Les formes du désastre »

Dans cette exposition artistique intitulée « Permafrost. Comment appréhender les formes du désastre ? », il ne s’agit point de dénoncer, tel que le ferait l’artiste urbain Ernest Pignon Ernest, ni de démonter la prégnance et la violence des effets de l’Anthropocène. Cette dernière, l’ère dans laquelle nous vivons et qui est caractérisée par le poids énorme des activités humaines sur la planète, doit-elle être entendue tel un désastre majeur ? Si la réponse était positive, elle pourrait être, par exemple, dans le fil de ce qui est représenté dans le film La Route de 2009, lui-même tiré du roman post-apocalyptique homonyme de Cormac McCarthy. Le film fut réalisé sur le site du volcan Mont Helens brutalement modifié par l’éruption de 1980, dans la ville dévastée de La Nouvelle-Orléans par l’ouragan Katrina en 2005, dans des mines à ciel ouvert, etc.

Je vous en parle car je devais participer, avec Clémence Agnez, à une conférence autour de cette exposition qui a été renvoyée par ses organisateurs, le jeudi 12 mars au MO.CO La Panacée de Montpellier, avant même l’annulation ou le report par les administrations de toute manifestation non essentielle pour cause de l’épidémie du coronavirus. L’exposition, inaugurée le 3 mars, a été fermée à la fin de la semaine dernière et cela jusqu’à une date qui reste à préciser. En ce moment compliqué, j’ai décidé de mettre en ligne ce billet, même s’il est imparfait, afin de remercier de leur invitation Rahmouna Boutayeb, Caroline Chabrand et Victor Secretan du MO.CO.

A l’inverse, il s’agit d’une démarche artistique proche d’une recherche fondamentale selon Victor Honoré, le commissaire de l’exposition au MOCO Panacée, centre d’art contemporain.

Exposition "Permafrost, les formes du désastre" à la Panacée

11 artistes internationaux donnent leur vision d'un monde après le désastre. Permafrost, les formes du désastre, une exposition à voir jusqu'au 3 mai au MO.CO. Montpellier Contemporain Panacée à Montpellier.

Publiée par Métropolitain sur Vendredi 31 janvier 2020

Le problème principal de mon article est que ces œuvres relèvent de l’art conceptuel et que, sans un initié, leur compréhension est difficile. A défaut, toutefois nous pourrions aussi renverser le paradigme en posant que cet art, étant proche d’une recherche fondamentale, se suffit à lui-même. Heureusement nous en sommes pas à ce stade parce que nous possédons une introduction, par presque tous les artistes eux-même, à leurs œuvres exposées et à leur démarche qu’il s’agisse de Deniz Aktaş, Ozan Atalan, Nina Beier, Dora Budor, Max Hooper Schneider, Heloise Hawser, Pakui Hardware (en réalité un duo) et Laure Vigna. Enfin, au sujet du travail de Nicolás Lamas, j’ai trouvé une présentation récente même si elle est en anglais, une langue que ce créateur péruvien adopte le plus souvent sans doute dans un souci de globalisation.
L’artiste avec des formes réagit différemment toutefois que le scientifique qui privilégie la raison et qui cherche, pour certains comme moi-même, quelque part à changer le monde en mettant en place de « bonnes pratiques » et en les illustrant. Technicien, je travaille sur l’île d’El Hierro des Canaries à des solutions bon marché ou industrielles afin de limiter l’impact de lAnthropocène. Cette dernière, provoquée par l’homme et ses activités intenses, fait disparaitre aussi des animaux à métabolisme lent tels les limules de Pakui Hardware et autres crocodiles, tortues et tatuaras ayant pourtant survécu à la dernière extinction de masse du passé, celle des dinosaures.

Limule de l’espèce Tachypleus gigas de 50 cm de long y compris la queue. Cet animal marin est apparenté aux araignées et scorpions même s’il ressemble à un crustacé et sa lignée remonte à 450 millions d’années. Son sang bleu est intensivement utilisé en médecine moderne pour ses propriétés antibactériennes d’où la raréfaction de l’espèce atlantique (Limulus polyphemus) aux Etats-Unis. Ici, la photographie de la limule de l’Indo-Pacifique vient de la région côtière d’Odisha (anciennement Orissa), Bengale Occidental, Inde. © Shubham Chatterjee pour CC Wikipedia.
Deux limules en gel accrochées aux vêtements suspendus par le duo Pakui Hardware. MO.CO La Panacée, Montpellier. © Pakui Hardware.

Des animaux discrets, souvent nocturnes ou cachés car par exemple aquatiques, habitués à manger des déchets et des carcasses soit des éboueurs naturels. Toutefois, leur lenteur qui les avait préservés des chocs climatiques antérieurs les plus radicaux en fait, de nos jours, des proies faciles : elles sont de grande valeur marchande ne serait-ce que pour leur rareté doublée d’étrangeté souvent due à leur caractère d’espèces-reliques (nautiles, limules, tatuara, etc.).

Le tatuara ou sphénodon (Sphenodon punctatus) est un reptile de Nouvelle-Zélande qui est d’une origine antérieure aux autres vivant de vos jours : tortues, crocodiliens, lézards et serpents. Il présente des traits fort anciens le rapprochant des batraciens. Il vit très longtemps (jusqu’à 100 ans) mais se reproduit très lentement (tous les quatre ans), et aussi croît très doucement. Les rats de Polynésie, introduits par l’homme, l’ont donc presque fait disparaitre en mangeant ses rares œufs et ses jeunes. Sa lignée ou mieux dit, en zoologie, son ordre remonte au minimum à 240 millions d’années et la disparition de tous les dinosaures (hors les petits oiseaux) à 65 millions. © NZPA, Dianne Manson.
Poussin de puffin de Scopoli (Calonectris diomedea) écrasé par une voiture. Port de La Restinga, El Hierro. Octobre 2019. C’est un oiseau marin qui ne vient sur la côte que nuitamment pour échapper à la prédation des goélands et qui donne seulement un poussin par an qui est niché dans un terrier donc accessible aux rats. Lors de son premier vol nocturne, ce dernier encore maladroit confond souvent, de manière fatale, la lune qui est son guide sur la mer avec les lumières de la ville. © A. Gioda, IRD.

En parallèle à la préservation de la biodiversité, il est urgent d’abattre les émissions de CO2 des énergies fossiles et du méthane, libéré grandement par la fonte du permafrost. Ceci permet de souligner la pertinence de l’art virtuel à l’instar, dans l’exposition Permafrost, du travail vidéo sur le recyclage des déchets anglais à Istanbul d’Eloise Hawser et du petit théâtre des guignols turcs (les marionnettes du Karagöz) de Max Hooper Schneider, tous deux qui avait été présentés déjà à la 16ème biennale d’Istanbul de fin 2019.

Cela m’autorise également de souligner la prégnance de l’architecture, un art appliqué. Au-delà de ses formes multiples, il reste que le béton dont l’architecture a du mal à se passer est un énorme émetteur, lors de sa fabrication, de CO2 tout comme le design industriel trop souvent est fils du plastique, à l’origine du 7ème continent flottant sur l’océan Pacifique, et donc du pétrole. Une architecture vernaculaire revisitée par pourrait être une part de la solution comme l’usage de béton de chanvre.

Exemple d’architecture vernaculaire avec la réutilisation de vieilles briques et pierres issus de la destruction d’édifices traditionnels, lors de la modernisation chinoise. Le musée South Gate de Ningbo (2008) par Wang Shu. Ningbo est un grand port sur la mer de Chine orientale. @ Siyuwj pou CC Wikipedia.

Toutefois, il est possible artistiquement d’aller au-delà de ces problèmes avec le minimalisme de Michael E. Smith, son mur blanc à l’échelle humaine et la brève définition de son travail : « En gros, je dessine des fantômes ».

Michael E. Smith. Exposition à Marseille septembre-décembre 2018. www.atlantis-lumiere.art. © Mark Blower.

C’est aussi une allusion à l’évaporation des habitants de sa cité natale de Détroit, ancienne capitale mondiale de l’automobile et aujourd’hui ruinée et pillée (voir la bande-annonce du film Lost River de l’acteur Ryan Gosling).

Ceci nous interpelle également à propos la nécessité de gaspiller le moins possible d’énergie, ici celle thermique brûlée dans et par les voitures. Une ode à l’efficacité énergétique et encore mieux à la sobriété. Tout n’est pas écrit dans l’Anthropocène sur le chemin vers l’effondrement, dans le sens de la collapsologie. Il faut évoquer certes l’essai de Jared Daimond « Effondrement » (2006 pour l’édition française et « Collapse » pour celle américaine de 2005) mais se rappeler aussi qu’il devrait s’écrire en entier « et épanouissement des sociétés insulaires ». Pourquoi ? Parce que, pour son auteur Jared Daimond, c’est l’homme qui tient le manche de la destinée de l’humanité depuis l’Anthropocène et surtout depuis l’apocalypse nucléaire de 1945, ajouterais-je.

Un taxon Lazare : le lézard géant d’El Hierro (Gallotia simonyi). Une espèce considérée éteinte par la science mais retrouvée dans les années 1970 dans des falaises inaccessibles, après avoir été décimée partout ailleurs par les chats et rats. Maintenant elle est sauvée par la reproduction en captivité et ce n’est point le plus rare lézard d’Europe comme à la fin des  années 1990. Centre de Conservation de Guinea, Frontera, île d’El Hierro, Canaries. © S. Quiquampoix-Staunton, Lycée Jean Monnet/Club Jeunes IRD.
Retour à la nature et nouvel envoi d’un poussin de puffin de Scopoli après son sauvetage et son requinquage. Campagne sur Grande Canarie 2017. Archipel des Canaries, Espagne. © Canarias Noticias et Cabildo Insular de Gran Canaria.

En conclusion, une lecture conseillée, afin de rebondir intellectuellement dans un contexte difficile, est le tout nouveau livre tonique de divulgation scientifique du biologiste de l’évolution Hervé Le Guyader : « Biodiversité : aller au-delà du catastrophisme ».

L’œuvre de Nicolás Lamas mise en avant est un mélange de sculpture classique et d’objets industriels. L’artiste est né à Lima au Pérou, ville où j’ai vécu deux années, et on retrouve la photocopieuse, appareil caractéristique de la modernité et ultra-utilisé là-bas car la notion de copyright ou de droits d’auteur n’y existe qu’en théorie. Un câblage extrait de la photocopieuse (?) sort d’une tête antique réalisée en un matériau bon marché et, du marbre, elle n’a que la blancheur. Le CV de Lamas dans son site est minimaliste et l’artiste laisse toute sa place à ses œuvres.

 

Vérargues : 46 °C à l’ombre, canicule, architecture frugale et Viavino

Afin d’aller au-delà d’un article de la journaliste Nathalie Mayer sur Futura au sujet des canicules records de 2019 auquel j’avais eu la chance de collaborer, j’approfondis des thèmes laissés en marge, sur ce portail scientifique généraliste, le 31 juillet dernier. L’article au sujet des chaleurs records en France et en Europe de 2019 avait bénéficié aussi de l’apport de Christelle Robert, ingénieur prévisionniste à Météo France.
Selon Wikipedia, « le 28 juin, le record national de température, tous mois confondus, est battu par Vérargues (Hérault) où le thermomètre a atteint 46 °C sous abri (à l’ombre dans un milieu ventilé), dépassant le record de 44,1 °C de Conqueyrac [commune du Gard mais proche de l’Hérault] en août 2003. C’est la première fois en France métropolitaine qu’une température atteint et dépasse les 45 °C ». J’ajouterais que cela s’est vérifié à plusieurs stations météorologiques, proches les unes des autres, ce qui écarte tout risque d’erreur de mesure.

Le village de Vérargues d’Entre-Vignes (Hérault) au milieu de son vignoble. Cette localité a enregistré un pic de chaleur record de 46 °C le 28 juin 2019. La photographie, mise en avant dans cet article, montre des grappes de raisin sur pied de son terroir calcinées le 28 juin 2019 en fin d’après-midi. © A. Gioda, IRD.

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