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El Hierro : première bougie de la centrale hydro-éolienne

Le 27 juin 2014, en présence de nombreuses autorités, la petite île de El Hierro inaugurait son originale et novatrice centrale électrique hydro-éolienne, une STEP (Station de Transfert d’Energie  par Pompage et turbinage) qui devrait faire école.
Cela se passe bien ce samedi 27 juin 2015 (il est toujours possible de connaître au temps T la production électrique insulaire  et aussi de revenir en arrière sur ce tableau de bord, comme sur un compte bancaire, en cliquant, en bas à gauche, sur le tout petit calendrier puis sur « Ver fecha”).
Je scrute la production de l’électricité d’El Hierro, en liaison avec le concepteur de la centrale hydro-éolienne qui la suit également avec le technicien ayant porté le chantier jusqu’à son démarrage. Je la connais finement grâce au réseau électrique espagnol (en anglais). Dans le détail, retournons sur El Hierro :  il y a également le “camembert électrique” du mix énergétique à droite et en haut et, en dessous, les émissions de CO2.
Maintenant après une année de fonctionnement, vous trouverez mon point de vue, n’engageant que moi, mais il est enrichi par un échange épistolaire.
1) Les élus d’El Hierro affichèrent l’objectif de 100% EnR soit l’autonomie énergétique parce que s’il n’avaient pas mis la barre haut, très haut,  ils n’auraient rien fait ou, mieux dit, ils n’auraient pas été suivis financièrement ; donner l’exemple est essentiel et il faut apprendre à “simplifier, simplifier, simplifier” pour reprendre le motto de H.D. Thoreau, l’un des père de l’écologie. Il n’a jamais été question de détruire ou de mettre sous cocon la station thermique au fioul mais d’éviter le plus possible de s’en servir. Il s’agit d’un mix énergétique comme le veulent l’Europe, l’Espagne, l’Allemagne,  le Danemark et enfin la France. Les gens d’El Hierro veulent de l’électricité, “La fée électricité” comme l’appelait Raoul Dufy. Toutefois, les îliens la souhaitent la plus propre possible, selon les résultats des dernières élections espagnoles du 24 mai 2015, qui ont primé localement un parti ayant fait de son soutien aux énergies renouvelables son étendard. En Espagne, Il y a un autre aspect apparaissant avec l’usage du mot “autonomie” qui correspond à celui de la Région administrative  ici la Comunidad autonóma de Canarias. Par conséquent, en espagnol ce mot “autonomie” invite à penser régional, local avec l’idée affichée, de manière officielle, aussi d’un destin communautaire.

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Fresque murale de Raoul Dufy, une commande de la Compagnie Parisienne de Distribution d’Electricité datée de 1937-38 pour l’Exposition Universelle de Paris. Cliché : blog d’Azoline dans Peinture “La fée électricité” – MNAM Paris.

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El Hierro le 17/02/2014 : essais de la centrale hydraulique

El Hierro le 17/02/2014 : début des essais de la centrale électrique hydraulique qui est une STEP (Station de Transfert d’Energie par Pompage) avec deux réservoirs et une haute chute d’eau de plus de 600 mètres utilisée pour le turbinage, en cas de panne de vent. Les réservoirs sont alimentés en eau de mer dessalée par l’énergie éolienne qui assure aussi toute la phase de pompage.
Le 17 février, la centrale hydraulique d’El Hierro passe en phase d’essai avec ses 4 turbines Pelton fournies par le groupe suisso-suédois ABB (en anglais).

Cette phase d’essais durera jusqu’à cet été (en espagnol).

Détail de la salle des machines. Partie électro-mécanique liée à une Pelton horizontale dont les caractéristiques sont les suivantes : puissance 2.86 MW; chute 650 m; diamètre turbine 1 m. Photo début 2013. © A. Gioda, IRD.
Détail de la salle des machines. Partie électro-mécanique liée à une turbine Pelton horizontale. Centrale hydraulique Gorona del Viento. Photo janvier 2013. © A. Gioda, IRD.
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Encore emballées, les machines dans leur salle : les carénages bleus correspondent à la partie électro-mécanique dont les pompes de l’autrichien Andritz Hydro ; et ceux rouges abritent les turbines hydrauliques d’ABB. Pour chacune de ces 4 turbines, les caractéristiques sont les suivantes : diamètre 1 m; puissance 2.86 MW après une chute d’eau de 650 m .  Centrale hydraulique de Gorona del Viento, El Hierro, photo janvier 2013. © A. Gioda, IRD.

El Hierro : le fait de la transition écologique et énergétique

Laissés de côté depuis les années 1970 par le boom touristique de l’archipel canarien, les représentants élus de l’île d’El Hierro (270 km, 10 000 habitants aujourd’hui) se trouvèrent, 20 ans plus tard, face à la volonté expansionniste de l’armée espagnole . Cette dernière cherchait d’y agrandir son emprise foncière afin d’installer des radars, profitant de sa position géographique la plus avancée dans l’Atlantique de l’archipel et de la clarté de ses ciels , conséquence de la faiblesse de sa population et des activités humaines.

Prendre son destin en main ou devenir autonome signifièrent pour la population faire le choix de l’indépendance énergétique. Un parti insulaire appelé Agrupacion Herrena Independiente (AHI), membre de la Coalition Canarienne qui gouverne la région autonome de l’archipel, avait pris par la voie électorale le pouvoir sur El Hierro dès 1987 et le conserva, sauf de courtes interruptions, jusqu’en 2011 . Ce parti présentait la particularité d’être animé, jusqu’à 2012, par le responsable de l’unique centrale énergétique de l’île, alors propriété de l’Etat, et fonctionnant au fioul. Cette conjonction technico-politique favorisa la transition énergétique qui prit plus de 30 ans nécessaires pour concevoir, financer et construire l’originale centrale hydro-éolienne à 100% alimentée par les énergies renouvelables. Toutefois le terrain avait été préparé par la transition écologique, déjà en route depuis les années 1940, qui fut un effort collectif consacré par le classement en 2000 de toute l’île en Réserve de la biosphère par l’Unesco pour les succès suivants : fortification des activités agro-pastorales avec les coopératives fruitière (bananes et ananas), laitière , fromagère, apicole et de pêche; reforestation avec des espèces locales ; plantation d’arbres fontaines  et pose de filets attrape-brouillard ; redécouverte, sauvegarde et réintroduction d’un rarissime lézard géant endémique…

Ensuite, pour réussir la transition énergétique , il fallut implanter 5 éoliennes de 2,1 MW chacune, réaliser le dessalement de l’eau de mer en utilisant leur énergie, bâtir une centrale hydraulique de 11 MW avec 4 turbines Pelton prenant leur relais en cas de panne de vent et donc construire deux réservoirs, à des altitudes différentes, fonctionnant en STEP (Station de Transfert d’Energie par Pompage).

D'un volume de 500 000 m3 et installé dans l'étage du brouillard près de l'arbre fontaine, le réservoir supérieur permet une chute d'eau de plus de 600 mètres vers la centrale hydraulique
D’un volume de 500 000 m3 et installé dans l’étage du brouillard près de l’arbre fontaine, le réservoir supérieur permet une chute d’eau de plus de 600 mètres vers la centrale hydraulique. Février 2012. © A. Gioda, IRD.

Néanmoins tout cela ne veut pas dire mettre sous un cocon voire démonter l’ancienne centrale thermique au fioul, d’ailleurs installée sur un site très proche. L’objectif est un mix ou bouquet énergétique parce qu’il faut sécuriser l’approvisionnement de l’île.

Depuis plusieurs décennies, les îliens ont par conséquent considérablement changé leurs comportements avec des démarches concrètes et avant-gardistes de développement durable. De nos jours, la mobilité électrique et la fabrication de biodiesel commencent à se développer. Sur une île où par tradition les coopératives et les mouvements politiques et citoyens sont très actifs, il ne faut pas oublier la wifi gratuite partout dans les lieux de réunion tandis que l’éclairage public led se diffuse. Enfin, les sports au contact de la nature se développent y compris chez les îliens : trekking, chasse photographique sous-marine, parapente, voile .