Tchad : 2) Crédit-carbone, Derk Rijks, cuisine solaire et réfugiées du Darfour

Dans ce second épisode qui court jusqu’en 2020, je reprendrai la saga de Derk Rijks, de l’ONG néerlandaise KoZon Foundation qui fusionna plus tard avec Cuisine Solaire Pays-Bas. Nous sommes début 2010 et Derk (il avait alors 76 ans sonnés) travaillait, depuis 5 années, avec les cuisines solaires dans six camps tchadiens des réfugiés du Darfour et particulièrement dans ceux d’Iridimi, de Touloum et d’Ouré ou Oure Cassoni. Au total, il y avait eu 14 000 cuisines solaires fabriquées localement puis distribuées à la mi-2009. Afin de faire un lien illustré entre les deux périodes 2004-2009 puis 2010-2020, je présenterai une très brève vidéo de l’organisation d’un pique-nique solaire, au camp d’Iridimi organisé en mai 2007, durant lequel l’équipe des formateurs compta 4 200 Cookits (les cuiseurs solaires) en train de chauffer des repas.

Progressivement et bien que le gain en terme d’émission de CO2, (dioxyde de carbone ou encore gaz carbonique) des cuiseurs solaires tchadiens au niveau de la planète, soit faible par rapport à la cuisine au feu de bois, Derk Rijks va explorer la voie d’un financement pérenne par le crédit-carbone. Dans sa tâche, Derk Rijks sera, dès 2013, aidé par Pierre Meyssignac, alors professeur de Sciences de la Vie et de la Terre (SVT) au Lycée international de Ferney-Voltaire (Ain). Ensuite, le relais sera passé à Olivier Levallois, du bureau d’études Hamerkop, qui maîtrisait déjà la problématique de l’énergie bas-carbone dans les camps des réfugiés intérieurs du Soudan, grâce à une expérience réussie dans celui d’El Fasher au Darfour du Nord. Ce travail avait reçu le label du Gold Standard®, comme il avait été dûment enregistré parmi les actions pour le climat de la UNCCC (United Nations Climate Change Conference) ou, en français, la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

Vue aérienne d’El Fasher, la capitale du Darfour du Nord au Soudan et la grande ville administrative de la région. Elle est doublée par un camp de réfugiés ou ” déplacés intérieurs”, selon les termes des Nations unies. Il s’agit des personnes ayant fui la guerre civile du Darfour avant d’être regroupées dès 2004, toujours au Soudan, dans un milieu moins dangereux. Le quartier général de la Mission d’assistance des Nations unies (MINUAD) se trouve aussi dans la ville d’El Fasher qui atteint, au sens large, aujourd’hui plus de 500 000 habitants. © Sudan Envoy pour CC.

Vous regarderiez la brève vidéo suivante, en anglais, tournée pour l’essentiel au camp contigu de la ville soudanienne d’El Fasher : « Les fourneaux à faible fumée du Darfour ». Maintenant,  Olivier Levallois œuvre, sur le dossier compensation carbone Tchad, pour le Fair Climate Fund. Nous sommes, dans ce dernier cas, dans la mouvance du commerce équitable via Fairtrade International ® qui, en France, est plus connu par sa branche Max Havelaar, une association fondée en 1988 par le missionnaire néerlandais Frans van der Hoff.

Pour mémoire, une Unité de Réduction Certifiée des Émissions (URCE) correspond à l’émission d’une tonne métrique d’équivalent dioxyde de carbone, mise sur le marché du carbone. « En fait, les URCEs correspondent aux unités délivrées par la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Toutefois dans le cas du projet de Derk Rijks, sachant qu’il n’est pas enregistré auprès de la CCNUCC, notre objectif est plutôt d’obtenir des unités de réduction des émissions. D’abord, ce terme permet de ne pas utiliser une appellation contrôlée. Par ailleurs, ces unités représentent une tonne d’équivalent CO2 réduite ou évitée » dit Olivier Levallois.

Au Tchad, la situation économique, politique et sociale dans les camps de réfugiés du Darfour resta hostile lors de cette décennie 2010. En anglais et arabe tchadien, la vidéo suivante tournée, sous les auspices du Programme Alimentaire Mondial (PAM de la FAO ou en anglais WFP), montre, vers 2015, la situation dramatique de la quête quotidienne de la nourriture autour du camp de Gaga (ouvert en 2005). Toutefois la dégradation du milieu était déjà patente dès fin 2005.


Dans cet environnement en voie de désertification avancée, les cuiseurs solaires ont toute leur place car pertinents pour limiter la coupe de bois de feu. A la suite du rapport favorable d’évaluation de 2009, les responsables du programme de cuiseurs solaires – porté depuis son origine en 2005 par les ONG KoZon, hollandaise où évoluait Derk Rijks, et Tchad Solaire, celle-ci locale et animée par Marie-Rose Neloum puis Gilhoubé Patallet, – avaient été confortés dans leur choix.

Les camps de réfugiés du Darfour en 2007 dans l’Est du Tchad. Les localités où sont intervenues les ONG Tchad Solaire et KoZon, sont pour l’essentiel les 3 camps situés le plus au nord : Iridimi, Touloum et Ouré Cassoni soit dans l’environnement le plus désertique. L’ensoleillement y est de 330 jours par an. Gaga, où la vidéo précédente avait été tournée, est un autre camp situé plus au centre du dispositif d’accueil et il est proche de la route principale vers Abéché. © Alternatives Economiques.

Un des évaluateurs était Patrick Fourrier qui travaille depuis longtemps dans les communautés rurales d’Altiplano sud-américain, avec l’association Inti Bolivia – Sud Soleil basée à Nantes, au développement des cuiseurs solaires dans un milieu aride et particulièrement ensoleillé du fait de son altitude à plus de 3 700 m. Ensuite, Patrick Fourrier était intervenu au Tchad notamment, comme formateur en 2011, dans le camp de Gaga.

Cuisines ou cuiseurs solaires dans les champs de réfugiés du Darfour. Est du Tchad. © Patrick Fourrier / Bolivia Inti – Sud Soleil

Le compte-rendu des activités de Derk Rijks dans la décennie 2010 passera à travers le filtre de notre amitié. Je m’en excuse par avance car je ne suis que peu de chose et cela introduit un biais mais, par contre, ça donne un côté plus vivant au récit. Aussi, il sera plus facile de faire comprendre le cheminement intellectuel de Derk. En 2012, nous avions travaillé ensemble, avec succès, afin que l’un des anciens collaborateurs au Niger et au Tchad (alors à peine sorti d’une guerre civile) dans les années 1970 et 80 Andrés Acosta Baladón soit honoré de son vivant dans son pays, en Uruguay : Andrés avait obtenu le médaille du CELADE, une division d’un organisme des Nations unies dédié au développement des pays du tiers-monde. Par contre, nous avions échoué à faire venir au Tchad dans les camps de réfugiés du Darfour, l’écrivain-voyageur, diplomate et divulgateur scientifique Erik Orsenna de l’Académie française. Ce dernier s’était bien rendu au Niger en avril 2012, le pays voisin, avec le mandat de l’Unicef et encadré en partie par l’IRD, lors d’une famine. Néanmoins Erik Orsenna avait finalement renoncé à se rendre, au Tchad, sur le terrain plus difficile et moins sécurisé de Derk Rijks. En 2013, se fut le fils de Derk, Herman Rijks, ayant été scolarisé dans les années 1970 à Niamey au Niger et donc un bon connaisseur du Sahel, qui s’y attela.

« En novembre 2013, j’ai voyagé avec lui [Derk] à Iriba et Iridimi pendant trois semaines, c’était une expérience forte !  [Iriba est la ville tchadienne voisine des camps de réfugiés du Darfour d’Iridimi et de Touloum] ». Herman Rijks.

Camp de réfugiés d’Iridimi au Tchad en 2012. Vue aérienne du camp comptant 19 400 âmes en février 2012 regroupées sur 9,3 km2 de tentes et d’habitations sommaires dans le désert. Le focus ici est mis sur le projet, devenu une réalité, de bibliothèque publique de plus de 20 000 ouvrages, entre the Book Wish Foundation et l’UNHCR. Heureusement tout n’est pas gris ou jaune comme le sable, même là-bas. © Tom Sponheim / Solar Cookers International (SCI).
Des femmes réfugiées soudanaises se reposent à l’ombre légère d’un arbrisseau près du camp de réfugiés d’Iridimi. Est du Tchad. Photo d’archives 2014. © UNHCR / Corentin Fohlen.
” Des femmes et des enfants attendent patiemment, assis sur le sable, devant le bureau de la CNARR (Commission Nationale tchadienne d’Accueil de Réinsertion des Réfugiés et des rapatriés) au camp de Touloum, la régularisation de leur enregistrement dans la base de données. Ceci permettra à leur famille de recevoir une aide alimentaire “. Région d’Iriba, est du Tchad© UNHCR / D. Marie / Novembre 2011.

En 2014 en Californie, s’est éteint le rabbin charismatique, natif du quartier populaire du Bronx de New York, Harold M. Schulweis. C’était  le fondateur du Jewish World Watch (JWW) en 2004, à la suite à la guerre civile du Darfour, et historiquement un pilier du soutien au projet d’énergie de KoZOn et Tchad Solaire.

Le Rabbin Harold M. Schulweis (1925-2014), grand combattant de la lutte contre tous les holocaustes, dans sa synagogue de Valley Beth Shalom qu’il anima pendant près de 50 années. 1998, Encino, Californie. © Hans Gutknecht / Los Angeles Daily News.

Il n’est pas impossible de lier son décès au retrait, décidé en 2016 par JWW, du développement de l’implantation des cuiseurs solaires au Tchad. L’ONG nord-américaine qui travaillait, main dans la main, avec CORD, celle-ci issue de l’Eglise baptiste, a préféré se centrer au Tchad sur le sort des femmes autour des camps car la violence de genre est très forte dans un milieu quasi désertique où les tensions entre locaux et réfugiés sont devenus quotidiennes : la pénurie des fruits et légumes sylvestres oblige, chaque jour davantage, à s’éloigner les femmes des camps et donc, pour celles-ci, se multiplient les risques de viol et d’autres maltraitances. En fait, les camps de réfugiés sont devenus de véritables villes ayant trouvé leur rythme et le PAM (Programme Alimentaire Mondial) a décidé de réduire les rations journalières car la précarité alimentaire en leur sein est devenue moindre. Les plus gros problèmes sont au dehors des camps, estima l’ONG JWW suivie par l’autre ONG CORD, et le drame est bien illustré dans la vidéo suivante tournée en 2017, ainsi que dans le reportage photographique récent de Jan Grarup.

A côté de choses dites, à l’instar de la nécessité de renouveler assez fréquemment (au mieux tous les 2 ans) les cuiseurs, le JWW avait travaillé autour de ces ustensiles de cuisine déjà pendant 10 années. Bien des projets internationaux notamment européens pour l’aide au développement ne dépassent pas aussi la décennie : c’est une manière simple de vérifier la viabilité d’une réalisation. Toujours en 2016 et du fait du retrait de plusieurs volontaires, les deux fondations néerlandaises KoZon et Cuisine Solaire Pays-Bas fusionnent pour abattre les coûts, notamment ceux administratifs.
Toutefois pendant toutes ces années depuis 2010, Derk Rijks était resté très actif et réactif : quand il n’était pas sur le terrain au Tchad, il surveillait, de son petit appartement de Ferney-Voltaire (Ain) – tout proche de Genève (Suisse) qui regroupe les sièges de la Croix-Rouge internationale, de l’OMS, du UNHCR et de l’OMM – le bon approvisionnement des pièces importées nécessaires à la confection locale des cuiseurs solaires et il sécurisait les sources de financement de Tchad Solaire, tout en cherchant toujours et encore de nouvelles aides. C’est à Ferney-Voltaire que je le rencontrais en juillet 2013, d’abord chez lui, assis au sol en tailleur au milieu des dossiers, et, ensuite, à la cafétéria de la cité scolaire internationale. Il était en train de travailler notamment autour du crédit carbone avec des élèves, professeurs et parents d’élèves de la cité scolaire internationale de Ferney-Voltaire.

Derk Rijks (au centre) reçoit un chèque de l’APE (Association des Parents d’Elèves) de la cité scolaire de Ferney-Voltaire (Ain), en avril 2014. Le montant du chèque est destiné à la continuation de la réalisation des cuiseurs solaires au Tchad pour les réfugiés du Darfour. Le Professeur Pierre Meyssignac qui a travaillé avec lui, grâce à ses élèves, sur le crédit-carbone est à droite. © APE, Ferney-Voltaire.

Moi, j’étais actif sur l’île d’El Hierro aux Canaries (quelque 6 000 habitants de nos jours) où l’abatement du CO2 a été de 23 000 t pour l’année 2019, grâce aux énergies renouvelables (EnR), contre une estimation fine d’une réduction de 56 000 tonnes/an pour les cuisines solaires des camps de réfugiés du Darfour au Tchad. Les deux réalisations sont du même ordre de grandeur : 10 puissance 4. Rappelons, qu’au niveau mondial, les émissions de CO2 furent estimées à 43,1 gigatonnes en 2019 soit de l’ordre de 10 puissance 10. Les deux réalisations, El Hierro et ses EnR et celle des cuiseurs solaires au Tchad, sont donc, à l’échelle planétaire, des micro-projets ce qui ne leur ôtent pas du tout leur valeur d’exemples concrets.
En 2014-2016, un premier travail sur les cuisines solaires du Tchad de Derk Rijks, leur contribution à la limitation d’émission de CO2 et le crédit-carbone ou compensation carbone, fut porté par le professeur Pierre Meyssignac et fait avec les jeunes au Lycée international de Ferney-Voltaire. Avec Derk Rijks, Pierre Meyssignac essayait de faire une vente « directe » aux particuliers ou, du moins, aux écoles.

Selon Pierre Meyssignac,  « Certes, on ne peut que difficilement comparer un projet, tel celui des cuiseurs solaires, avec les émissions mondiales. Aussi, il me paraîtrait plus opportun de le comparer, par exemple, aux émissions d’un français moyen qui sont d’environ 8 t/an de CO2 (hors importation, sinon ce serait plutôt 11 t/an). Dans ce cas, le projet de cuiseurs solaires permettrait à 5 à 6 000 français de compenser leurs émissions, ce qui est considérable ».

Le site Carbone Solidaire existe toujours : le terme compensation carbone a été préféré pour expliquer, en seulement deux mots, l’achat de crédit-carbone ; et vous en avez sa page d’accueil ci-dessous.

La photographie de la page d’accueil du site Carbone Sol-ID-aire représente une discussion entre deux réfugiées du Darfour et Derk Rijks, tous assis par terre comme souvent au Sahel entre égaux. https://pmeyssignac.wixsite.com/carbonesolidaire.

« Le 11 janvier 2016, Gold Standard® a définitivement enregistré le projet [Tchad Solaire]. Un grand soulagement, même si une validation de principe avait déjà été donnée depuis 2 ans lorsque le projet avait été déposé… Les tonnes de CO2 à vendre ne sont toutefois pas encore disponibles (ce serait trop simple). Il faut encore terminer la base de données : un tableur d’une trentaine de colonnes (nom, prénom, identification, bloc n°, nombre de personne(s) dans le foyer, arrivée en …, premier cuiseur obtenu le…, renouvelé le…, etc.) et cela sur environ 40 000 lignes soit le nombre de foyers bénéficiaires ! Ce tableur est en cours de finition. Il faudra ensuite organiser une vérification des données, en choisissant 100 personnes au hasard, puis en contrôlant sur le terrain que les informations soient correctes.Une fois cette vérification en interne accomplie, Gold Standard® fera de même de son côté. Enfin, le calcul exact de la quantité de CO2 économisé sera certifié et le CO2 pourra être vendu… Au mieux tout sera fini en décembre 2016 ! C’est pourquoi en attendant, nous ne pouvons vous vendre directement le CO2. Mais comme dans les projets de financement participatif, nous vous proposons de soutenir financièrement le projet, et votre contrepartie sera la quantité de CO2 correspondant à votre don (pour vous c’est exactement la même chose. Le preuve d’achat du CO2 sera juste décalée dans le temps, pas aujourd’hui mais fin 2016). De toute manière, le CO2 que vous préacheterez a bien été économisé puisque aujourd’hui 40 000 foyers cuisinent déjà avec le soleil… ». Pierre Meyssignac, mars 2016.

Compensation carbone – Schéma. https://www.info-compensation-carbone.com/comprendre/

Ensuite, les aléas de la vie et sa carrière à l’étranger ont éloigné Pierre Meyssignac de la ville de Ferney-Voltaire et donc de Derk Rijks.
Mais qu’est donc le Gold Standard® ? La Fondation Gold Standard est une ONG basée à Genève, qui a été créée en 2003 par le WWF® (implanté à Gland, toujours sur le Lac de Genève) et d’autres ONG puis qui fut rejointe par Fairtrade, Fair Climate Fund (que l’on retrouvera plus avant), Care®, l’UICN (dont je suis membre-expert depuis 1994, et qui est toujours basée à Gland), etc. La Fondation Gold Standard propose de lutter, de façon globale, contre différents problèmes : pollution de l’air intérieur, maladies, réduction de la biodiversité, non-potabilité de l’eau, etc. Ainsi, l’approche par crédit-carbone que propose la Fondation Gold Standard permet de mettre en œuvre de nombreux projets de coopération Nord-Sud.

Fabrication de cuiseurs solaires au camp d’Iridimi par une équipe de réfugiées de la guerre civile du Darfour au Soudan. Environs d’Iriba, est du Tchad. © Melanie Stetson Freeman/The Christian Science Monitor via Getty Images, photo libre de copyright).

Auparavant, il faut savoir que l’ONU avait mise en place, notamment à travers sa Convention Cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), datant déjà de Rio 1992, des mécanismes de compensation carbone volontaire. Le compte CO2 permet de compenser ses émissions à partir de projets accrédités par l’ONU. Il avait donc le degré de certification le plus important pour un projet de compensation carbone, un palier au-dessus du Gold Standard, qui en dérive mais ce dernier, de nos jours, est quasiment de même niveau, quant à sa qualité. Il permet à des particuliers ou à des entreprises de valoriser leurs réductions de CO2 ou de mettre en place des projets de compensation carbone volontaire. La double certification d’un projet par le Gold Standard et par l’ONU, via le compte CO2 pour cette dernière organisation supranationale, est compatible. En effet, le Gold Standard donnait initialement son label à des projets de coopération Nord-Sud dans la mise en place de MDP (Mécanisme pour un Développement Propre) des projets « onusiens ». Toutefois, déjà depuis la période 2006-2008, le Gold Standard propose de délivrer ses propres crédits-carbone, indépendamment du MDP. La finalité de deux labels n’est donc pas exactement la même. Le MDP a été mis en place pour les pays ayant ratifié le protocole de Kyoto mais qui ne se sont pas fixés d’objectifs de réduction de leurs émissions de CO2. Il s’agit souvent de pays en plein développement économique et industriel mais aussi de pays très pauvres, tel le Tchad, avec un boom migratoire et plus généralement démographique. Leur demande énergétique est donc en pleine expansion.

Mise en place face au soleil d’un cuiseur. https://solarcookingkozon.nl/cuisine-solaire-pays-bas-et-kozon-continuent-ensemble/?lang=fr

Cette demande en énergie peut potentiellement se traduire par une explosion de leurs émissions de CO2. Le principe du MDP est dinciter les pays industrialisés (soumis à une obligation de réduction de leurs émissions de CO2) à investir dans ces pays en développement dans des projets qui réduisent ou qui évitent des émissions. Les pays industrialisés sont alors récompensés sous la forme de crédits-carbone qui peuvent servir à atteindre leurs propres objectifs. La finance du carbone a pour objectif de réduire dans l’atmosphère les émissions de gaz à effet de serre dont le plus important est le CO2, en favorisant des investissements financiers dans des techniques moins polluantes.
Après différentes tentatives, Derk Rijks, conseillé par ses enfants Jolianne Wietske et Herman Rijks, a choisi de pérenniser son travail grâce au Fair Climate Fund (FCF), une ONG basée à Utrecht en Hollande et animée notamment par Gert Crielaard qui s’occupe des cuisines solaires de nos jours : 9 000 cuiseurs, 20 000 utilisatrices et  une réduction annuelle de l’émission du CO2 de 56 000 t.  Olivier Levallois estime que les 9 000 cuiseurs, mentionnés par le Fair Climate Fund pour lequel il travaille, correspondent à ceux dont bénéficient les seuls ménages du camp d’Iridimi : 4 500 ayant chacun 2 cuiseurs.
La dernière sortie officielle de Derk Rijks est datée de décembre 2018 quand il participa, en tant qu’homme-ressource et technicien de référence, à la 4ème Mission économique Benelux-Tchad à N’Djamena.

Derk Rijks en train d’exposer en décembre 2018 aux Rencontres de la 4ème Mission économique Benelux-Tchad de N’Djamena. © www.afric-eu.com

Derk Rijks montra le volet économique des cuisines solaires, en soulignant leur faible coût unitaire : de l’ordre de 15 euros. Egalement, il présenta deux membres tchadiens de l’équipe technique de terrain : Mme Eklass Saleh Ali qui est cheffe de l’atelier de manufacture des cuisines solaires dans le camp des réfugiés d’Iridimi ; et M. Gilhoubé Patallet, 35 ans de la ville d’Iriba (toute proche du camp précédent, toujours dans l’est du pays), qui est en charge de toutes les activités entreprises par Tchad Solaire.

Mme Eklass Saleh Ali, cheffe de l’atelier de manufacture des cuisines solaires dans le camp des réfugiés du Darfour d’Iridimi à l’est du Tchad. Décembre 2018 aux Rencontres de la 4ème Mission économique Benelux-Tchad de N’Djamena. © www.afric-eu.com

Pour plus d’informations de première main sur les deux projets de crédit-carbone, issus respectivement du Lycée de Ferney-Volaire et du FCF, j’attends sur ce blog, à une date ultérieure de leur choix, les lumières de deux protagonistes : le Professeur Pierre Meyssignac du Lycée international de Munich et Olivier Levallois d’Amerkop.
Nous nous rapprochons de la fin de ce long développement, aussi je voudrais souligner que les camps de réfugiés ne sont pas que des lieux de tristesse. La vie y a toute sa place, ainsi avec la fête des lumières. Dans la nuit du jeudi 14 décembre 2017, les réfugiés du camp d’Iridimi, à 17 km de la ville d’Iriba, dans l’Est du Tchad, ont organisé un évènement, dans le cadre de l’accès à l’énergie renouvelable. Cette fête de la lumière a été célébrée sous le thème de « la gestion efficiente de l’énergie ».

La Nuit lumineuse du camp des réfugiés d’Iridimi, parrainée par la Fondation Ikea et organisée par le HCR. Le 19 décembre 2017. Est du Tchad. © Tchad Infos, Ngonn Lokar, 19/12/2017.

La distribution des lampes solaires avait été effectuée d’août à septembre 2017 par le partenaire, l’ONG ADES, en collaboration avec le UNHCR et la CNARR. Chaque ménage dans les camps d’Iridimi, Touloum et Am Nabak et dans une dizaine de villages aux alentours, avait reçu d’une lampe solaire. Au total, 16 205 ménages de réfugiés et 2 600 ménages autochtones furent les bénéficiaires. Ensuite, les 286 lampadaires ont été répartis entre les trois camps et installés sur des sites choisis, de commun accord, avec les communautés de réfugiés. Afin de garantir la pérennité des équipements, 13 jeunes des camps d’Iridimi (8) et Touloum (5), soit 3 filles et 10 garçons, ont bénéficié d’une formation en électricité et énergies renouvelables, pendant 9 mois, au Centre de Formation Professionnelle de Farchana, supervisé par le partenaire l’ONG luthérienne FLM. Les jeunes ont regagné leur domicile, en décembre 2017, ayant en main, pour chacun, un diplôme en électricité et un kit d’électricien.
De même, il y a un Internet café avec un club fort actif des jeunes d’Iridimi sur Facebook, tourné vers les études et leur futur.
Au niveau géopolitique, la tension au Soudan est tombée, avec la mise en place d’un nouveau pouvoir en 2019 qui examine et révise le passé récent
du gouvernement central, même si les retours au pays des réfugiés restent très limités.
Ma récente visite chez Derk Rijks, aux portes de Genève, a eu lieu le 3 août et je lui laisse les derniers mots :

« Après plus de 20 années dans les lieux [les camps de réfugiés du Darfour au Tchad et plus généralement au Sahel],  je sais que les vraies actrices à admirer sont les femmes et les jeunes filles qui acceptent d’utiliser ce qui leur était inconnu, mais surtout qui montrent par leur action, le plus sérieusement du monde, ce qui est à faire. C’est à elles que revient toute l’appréciation positive sur les cuisines solaires qu’on peut donner. » D.R., 5 juillet 2020.

Derk Rijks et moi (A. G.) à son domicile d’Ornex (Ain), aux portes de Genève, le 3 août 2020. © Stéphanie Gioda.

Enfin, vous retrouveriez cette histoire sur le site du Fair Climate Fund (Story about the origin of the project: part 2) et la photographie mise en avant de cet article montre une réfugiée du Darfour en train de préparer son cuiseur solaire dans un camp de l’est du Tchad. @ M.D. pour Jewish World Watch, 2016.

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