Le film Seul sur Mars (The Martian), d’après le roman d’Andy Weir, fait une jolie carrière sur les écrans du monde entier. Réalisé par Ridley Scott avec Matt Damon dans le rôle principal, il traite du périple d’un astronaute laissé pour mort sur la planète rouge lors de l’une des premières missions habitées dans les années 2030, à la suite d’une tempête de poussière, le reste de l’équipage ayant précipitamment redécollé et repris la route de la Terre. En voici ma critique.
Tout d’abord, il s’agit à mes yeux du film le plus intéressant et le plus réussi traitant d’une mission pilotée à destination de la planète rouge. Les deux précédents films hollywoodiens, Mission to Mars (Brian de Palma, 2000) et Red Planet (Antony Hoffman, 2000) manquaient singulièrement de réalisme, avec des scénarios tirés par les cheveux. Seul sur Mars décrit l’aventure d’un vol martien avec un bon degré d’exactitude, et malgré le côté MacGyver et les larmoyants leitmotivs des grandes productions américaines (famille, patrie, il faut sauver le soldat Damon), le scénario rend intéressantes et divertissantes la technologie et la science, ce qui est assez rare pour être souligné. On en ressort ayant compris le scénario d’une mission martienne pilotée (les modules arrivés en avance, les trajectoires de rendez-vous, les habitats et le rover, et ainsi de suite).
Quelques petits détails m’ont gêné, toutefois, dictés par l’obligation de créer du suspens et de l’action pour les uns, et pour faciliter le tournage et en réduire les frais pour les autres. Premier compromis : ne pas représenter la faible pesanteur martienne qui ne vaut que 38 % de la gravité terrestre. Que ce soit en scaphandre et plus encore en bras de chemise dans son habitat, Matt Damon aurait dû se mouvoir avec grâce et légèreté (avec l’aide d’un léger ralenti et quelques effets spéciaux), renforçant l’impression d’être sur une autre planète.
Second détail : la faible pression atmosphérique (7 millibars) se traduit par des vents rapides mais non-violents, incapables de culbuter un vaisseau spatial et de projeter l’astronaute et les débris comme des fétus de paille. Mais si on respecte cette réalité, pas de catastrophe possible au début du film. De même, le flottement des bâches qui contiennent l’air de l’habitat, rendus étanches par quelques sparadraps, est loin de la vérité : dans le quasi vide de Mars, un tel tissu serait constamment tendu par la pression interne de l’air de l’habitat jusqu’au bord de la rupture.
Que le sol martien soit un substrat adapté pour la culture des plantes est un autre raccourci : le sol de la planète rouge est superoxydant, chimiquement agressif, et aurait besoin d’un traitement complexe pour devenir neutre et se prêter à l’agriculture.
Techniquement, le scaphandre de sortie sur Mars paraît simpliste au niveau de son tissu qui semble bien mince, et le déplacement de l’astronaute bien facile. Si seulement un scaphandre pouvait être aussi confortable : les prototypes à l’étude pour Mars ont une rigidité, une masse et un encombrement importants que l’on n’est pas prêts de contourner d’ici les années 2030.
Quant au vaisseau spatial Terre-Mars Hermès, il est surdimensionné et exagérément spacieux : plus un hôtel de luxe qu’un vaisseau spatial devant faire la chasse aux kilogrammes superflus. Mais pour la fiction et le plaisir des spectateurs, c’est compréhensible.
Un coup de chapeau au décor : le choix de Wadi Rum en Jordanie n’est pas une surprise, car le site fut déjà utilisé pour les films martiens précédents (Mission to Mars et Red Planet), bien que je soupçonne qu’un volcan-table islandais (un tuya) ait été ajouté par effets spéciaux dans plusieurs panoramas. Petit clin d’œil : l’équipe de tournage n’a pas pris la peine de dissimuler quelques buissons et plantes émergeant du sol, et il est vrai que cela m’a complètement échappé lors de la projection, tellement la beauté du panorama et l’action accaparent notre œil. Seul sur les photos fixes du film s’amuse-t-on à repérer les plantes. Bravo donc à Ridley Scott et à son équipe pour nous avoir envoûtés au point de rendre ces détails invisibles. On est heureux d’être sur Mars et d’admirer ses paysages. Il ne nous reste désormais que le plus dur : y débarquer pour de bon…