Archives pour la catégorie Des particules au cosmos

Faut-il construire un nouveau collisionneur géant ?

Au CERN, à Genève, la communauté internationale a construit un fleuron de technologie scientifique : le grand collisionneur de particules LHC. Celui-ci permet à des protons ayant une énergie environ 1000 milliards de fois plus grande que celle de la lumière visible d’entrer en collision. Grâce à la fameuse équivalence masse-énergie (E=mc2), il est ainsi possible de créer de nouvelles particules. C’est de cette manière que le « boson de Higgs » a effectivement été découvert. Le succès est incontestable. Même s’il est honnête de rappeler qu’il ne constitue pas une surprise mais plutôt la corroboration de ce qui était déjà connu et que les véritables « nouvelles » particules tant attendues manquent toujours à l’appel.

Collision dans ATLAS, crédit CERN

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Non, Einstein n’avait pas raison !

Je le précise dès la première ligne : le titre est une provocation.

Commençons par les faits. Il y a peu, de nouvelles observations réalisées à l’aide du grande télescope européen VLT ont permis de cartographier en détails le mouvement des étoiles autour du trou noir qui se trouve au centre de notre galaxie. Ce trou noir géant a une masse égale à environ 4 millions de fois celle du Soleil. Les clichés ont été pris durant plusieurs décennies et montrent les mouvement elliptiques des étoiles qui « frôlent » le trou noir. Ces observations sont magnifiques car elle requièrent de tenir compte d’un « double » effet relativiste.

D’une part, il faut tenir compte de la « relativité restreinte » car les vitesses en jeu sont élevées (environ 8000 km/s) et, d’autre part, il faut tenir compte de la « relativité générale » parce qu’on se trouve dans un champ gravitationnel intense. Les observations sont pratiquement impossible à expliquer avec la gravitation universelle classique de Newton. Pour la première fois, on montre donc des effets purement « einsteiniens » autour d’un trou noir supermassif. C’est un résultat remarquable (même s’il était évidemment attendu).

orbites des étoiles autour du trou noir central. ESO/Calçada/spaceengine.org

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Un neutrino qui change tout ?

Récemment, un neutrino cosmique d’énergie considérable a été détecté en provenance d’un trou noir. Est-ce une révolution ? Qu’en est-il ?

D’abord que sont les neutrinos ? Ce sont des particules connues depuis longtemps et considérées comme élémentaires et insécables (c’est-à-dire non composées d’autres particules). Elles demeurent néanmoins un peu étranges. D’abord elles n’ont ni charge ni couleur : cela signifie qu’elles n’interagissent presque pas. Ni via l’électromagnétisme, ni via la force nucléaire forte. Ensuite, elles ont une masse minuscule mais … pas tout-à-fait nulle ! Et on ne sait pas bien d’où vient cette masse, c’est encore une énigme à ce jour.

En astronomie, les neutrinos peuvent être très précieux pour une raison simple : ils ne sont pas altérés par la propagation. Quand on regarde la lumière émise par le Soleil, on n’observe pas directement le lieu de production de cette lumière : les photons ne peuvent pas traverser librement le Soleil. En revanche, les neutrinos, eux, ne sont pas arrêtés par la matière présente sur le chemin, en l’occurrence au sein même de l’astre. Et, comme la lumière, ils se déplacent en ligne droite.

Icecube

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Trous noirs et trous blancs : quelques nouvelles

Je suis en ce moment à Varsovie, invité à une conférence dédiée à l’étude des singularités en relativité générale. Mon exposé portera principalement sur la cosmologie quantique et les modèles où un rebond remplace le Big Bang.

Je souhaite néanmoins dans cette brève note évoquer un autre point très discuté ici, concernant les trous noirs (suite aux travaux de Rovelli, Haggard, Vidotto, Bianchi, etc.).

Il faut d’en premier lieu aborder la question de la « taille » d’un trou noir. Typiquement, un trou noir de la masse du Soleil possède un diamètre de quelques kilomètres. C’est un calcul simple et l’affaire semble entendue. Mais c’est aller un peu trop vite en besogne ! En réalité, même si sa masse – et donc sa taille vue depuis l’extérieur – ne change pas, le volume interne d’un trou noir augmente avec le temps (voir ici). Un « petit » trou noir peut donc en réalité contenir un volume immense si tant est que celui-ci soit formé depuis suffisamment longtemps.

NASA/FQtQ

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Une origine quantique des galaxies ?

La théorie de l’inflation repose sur une croissance considérable du facteur d’échelle (disons de la taille, en première approximation) de l’Univers juste après le Big Bang. Durant cette phase d’inflation toute les distances ont été multipliées par un facteur considérable, au moins exp(60) et peut-être beaucoup plus. Ce modèle inflationnaire n’est évidemment pas certain mais il est très vraisemblable et soutenu par de nombreuses observations.

Or, dans ce cadre, la formation des structures cosmologiques est expliqué par un phénomène quantique. Les fluctuations quantiques du champ (dit d’inflaton) qui emplissait à cet époque l’Univers induisent des fluctuations quantiques de la métrique (c’est-à-dire de la géométrie) qui induisent à leur tour la formation des galaxies et des amas. En un sens, il s’agit donc même d’un effet de gravitation quantique, mais dans le régime de « faible intensité » qui ne pose pas véritablement problème.

Inflation cosmologique (origine Cospa)

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Voir avant le Big Bang ?

Peut-on voir avant le Big Bang ?

Je présente ici une idée nouvelle que nous venons de publier dans Physical Review D, ici, pour tenter d’ouvrir une fenêtre sur l’avant Big Bang.

La théorie de la relativité générale est claire : la question de l’avant Big Bang n’a aucun sens. Il n’y a pas d’avant Big Bang. Il n’y a pas de temps « avant » le Big Bang. Quand on remonte dans le passé, ça s’arrête au Big Bang : il s’agit de la singularité primitive.

Néanmoins, la relativité générale n’est sans doute pas la théorie ultime. Elle n’intègre pas les effets quantiques. Or il y a de rares circonstances où tout laisse penser que ces effets quantiques peuvent jouer un grand rôle sur l’espace-temps et le Big Bang est justement l’une d’elles ! Autrement dit : il est fort possible que la réponse claire de la relativité générale en ce qui concerne l’absence d’ « avant Big Bang » soit fausse puisque la théorie ne peut plus être crue au moment du Big Bang.

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L’antimatière vient-elle de révéler la matière noire ?

Nous avons aujourd’hui de très bonne raisons de croire que l’essentiel de la masse de l’Univers est de nature inconnue. C’est ce qu’on nomme l’énigme de la matière noire. Il y a bien quelques explications alternatives mais elle sont de moins en moins convaincantes. Et cette matière noire est tout de même environ 40 fois plus abondante que les étoiles dans l’Univers ! Elle est donc tout sauf un détail …

Il est possible que la matière noire soit composée de particules massives non-encore observées directement. Il était espéré que l’accélérateur LHC du CERN produise de telles particules mais jusqu’à ce jour ce n’est hélas pas le cas. Pourtant tout n’est pas perdu : ces particules pourraient s’annihiler lorsqu’elles se rencontrent dans l’espace. Or, lors de leur annihilation ces corpuscules de matière noire doivent émettre autant de matière que d’antimatière. (Il n’est absolument pas question de dire que la matière noire serait de l’antimatière.)

(via le site Socratic Astrophysics)

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Et si les atomes d’espace avaient été détectés ?

Que l’espace soit peut-être une structure granulaire, composée de petits « atomes », c’est ce que de nombreuses théories de gravitation quantique suggèrent. L’idée est simple et presque évidente. Mais comment la tester ? Si ces « atomes » existent, ils sont certainement si petits qu’aucun de nos instruments actuels et futurs ne permet d’en envisager l’observation.

Dans un milieu cristallin, la lumière interagit avec les atomes de matière et il s’ensuit une relation de dispersion. Cela signifie essentiellement que les rayons de lumière de différentes couleurs ne se propagent pas de la même manière. Rien d’étonnant : la lumière est une onde et suivant que sa longueur d’onde est plus ou moins grande par rapport à la taille de la maille du réseau dans laquelle elle se propage, les chose ne se passent pas « de la même manière ».
Si tout l’univers, même sans matière, est lui-même composé de petits atomes d’espace, le même phénomène ne devrait-il pas se produire ?

Copyrights Alamy

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Le problème immense de l’accélération de l’Univers est-il enfin résolu ?

En mathématiques, on utilise souvent ce qu’on nomme un développement limité. Cela consiste à approximer une fonction suffisamment régulière par une série de termes dont chacun fait intervenir une dérivé d’ordre plus élevée que le précédent (la dérivé renseigne sur la vitesse de variation de la fonction).

Si l’on considère le facteur d’échelle de l’Univers – que l’on peut intuitivement penser comme sa taille si la courbure est positive – et son évolution en fonction du temps, on peut là aussi mener un développement limité de cette fonction.
Le terme d’ordre zéro de ce développement est connu depuis toujours : c’est l’existence de l’Univers.
Le terme d’ordre un de ce développement est la grande découverte du début du vingtième siècle : l’Univers est en expansion.
Le terme d’ordre deux de ce développement est la grande découverte de la fin du vingtième siècle : l’expansion de l’Univers est accélérée.

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Trous noirs et gravitation quantique : une nouveauté

Les trous noirs sont des zones de l’espace dont rien, pas même la lumière, ne peut s’échapper. Bien que très étranges à plus d’un titre, ils sont globalement bien compris et bien décrits par la grande théorie d’Einstein. L’existence de trous noirs dans notre Univers est maintenant presque avérée et plus personne n’en doute sérieusement. Leurs propriétés, en particulier l’émissions d’ondes gravitationnelles – de petites vibrations de l’espace – lorsque deux trous noirs fusionnent, sont correctement expliquées par les modèles usuels de l’astrophysique.

Néanmoins, si l’on s’intéresse aux petits trous noirs, les choses ne sont plus si simples. Il devient alors indispensable de tenir compte des effets quantiques. Or, une théorie tout à fait convaincante de la gravitation quantique est précisément ce qui manque le plus cruellement à la physique théorique depuis un siècle. Dans un article récent publié dans Physical Review Letters (voir la version PRL ou le preprint téléchargeable), je me suis intéressé à la possibilité d’entrevoir des effets de gravitation quantique grâce aux trous noirs.

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La gravitation est-elle émergente ?

La vision usuelle de la physique suggère qu’il existe quatre forces fondamentales :
– la force électromagnétique
– la force nucléaire faible
– la force nucléaire forte
– la force gravitationnelle

Mais rien n’assure que ces forces fondamentales soient … vraiment fondamentales ! Elles pourraient émerger de quelque chose de plus fondamentale encore. Pour ce qui concerne la gravitation, quelques indices existent en ce sens : pourquoi est-elle si faible ?, pourquoi ne se laisse-t-elle pas quantifier simplement ?

Les ondes sonores, par exemple, sont émergentes. Elles proviennent d’effets collectifs dans les molécules de l’air. Elles ne sont pas des phénomènes fondamentaux et, pour cette raison, il n’est par exemple pas envisagé de les quantifier. La connaissance du processus d’émergence change notre façon de comprendre le phénomène de façon non-triviale.

La question essentielle est ici celle du « type » d’émergence. Il se pourrait par exemple que la gravitation émerge de la théorie des cordes. Il s’agit d’une description unificatrice du monde dans laquelle les entités fondamentales seraient des sortes de petits élastiques en vibration. C’est une hypothèse ancienne, spéculative, qui serait évidemment très novatrice mais à mon sens pas révolutionnaire au sens de l’émergence. Une autre possibilité serait celle de la gravitation quantique à boucles que je décris en détails ici.

Mais la forme d’émergence particulière que je veux évoquer dans ce billet est différente. Elle est thermodynamique. La thermodynamique est une science qui montre que les propriétés d’un système physique constitué d’un grand nombre de petits éléments peuvent être comprises indépendamment des détails des constituants fondamentaux. C’est une science extraordinairement belle et fiable.

Représentation imagée de la légende de la pomme de Newton (de LOTHARLORRAINE)

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Les ondes gravitationnelles révèlent-elles une physique au-delà de la relativité générale ?

Il y a peu, l’expérience LIGO a mesuré les ondes gravitationnelles – petites vibrations de l’espace – engendrées par la danse de deux trous noirs. Il ne s’agissait pas vraiment d’une découverte puisque les ondes gravitationnelles ont été détectées il y 40 ans grâce à un système binaire de pulsars (le prix Nobel a été donné il y a 20 ans pour cela). Il ne s’agissait pas vraiment d’une détections tout-à-fait directe puisque nous n’avons jamais accès à l’en-soi des choses en physique et toute mesure est une très complexe et très indirecte mise en évidence du phénomène recherché. Il ne s’agissait pas non plus d’une « preuve » de la théorie d’Einstein puisqu’aucune théorie n’a été prouvé en sciences de la Nature et aucune ne le sera jamais (pour la simple raison que toutes les théories sont fausses, elle sont seulement la meilleure proposition dont nous disposons à un instant donné).

Pour autant, ces mesures sont très loin d’être inutiles ! Tout au contraire, elles ouvrent un champ nouveau et fascinant ! C’est une véritable astronomie gravitationnelles qui va maintenant émerger et donner accès à des visages du cosmos qui nous sont pour le moment inconnu. Une nouvelle ère s’ouvre. Nous disposons d’un « nouveau sens » pour scruter et comprendre notre environnement.

Simulation d'Alain Riazuelo
Simulation d’Alain Riazuelo

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Gravitation quantique : où en est-on ?

Durant les 15 derniers jours, j’ai eu le plaisir de participer à deux congrès internationaux de recherche sur la gravitation quantique auxquels j’étais invité pour présenter les travaux réalisés avec mes proches collègues (en particulier Boris Bolliet, Julien Grain, Killian Martineau, Francesca Vidotto). Le premier « Experimental Search for Quantum Gravity » avait lieu à l’Institute for Advanced Studies de Frankfort, le second « Emergent Spacetime in quantum gravity and Fundamental Cosmology » se tenait à l’Institut Albert Einstein de Gölm.

Ce fut pour moi l’occasion de mesurer une fois de plus la formidable vitalité des recherches en cours sur ces thématiques ! Commençons par expliquer ce qu’est la gravitation quantique. Nous avons, en physique, deux grandes théories pour décrire le réel. D’une part, il y a la mécanique quantique. Elle rend compte du comportement de la matière, en particulier à l’échelle microscopique. D’autre part, il y a la relativité générale. Elle rend compte de la nature et de l’évolution de l’espace-temps. Autrement dit, la première renseigne sur le contenu, la seconde sur le contenant. Hélas, ces deux théories sont incompatibles l’une avec l’autre !

Variété de Calai-Yau en théorie des cordes (by Stewart Dickson)
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Une galaxie faite à 99.99% de matière noire !

La matière noire a une longue histoire. Son existence a été supposée pour la première fois en 1933 et a été confirmée de façon fiable en 1970. C’est un mystère qui dure et c’est rare ! Il y a quelques temps, une petite anomalie, peut-être un signe de nouvelle physique, a été détectée auprès du grand collisionneur LHC du CERN. S’ensuivit une intense excitation. Hélas il ne s’agissait que d’une fluctuation statistique : rien de sérieux. Au contraire, les indications en faveur de l’existence de matière noire ne font que s’accumuler avec le temps ! Il est maintenant presque certain que la matière noire existe bel et bien.

Mais qu’est-elle ? Ca, nous ne le savons pas ! Il existe de la matière noire « standard », composée de protons et de neutrons. Elle est sans doute 10 fois plus abondante que la matière visible (elle-même essentiellement faite d’étoiles). Mais il existe aussi de la matière noire « exotique » qui n’est pas faite de protons et de neutrons ! Nous ignorons tout des particules qui la compose. Et elle est environ 5 fois plus abondante que la matière noire standard et donc 50 fois plus abondante que les étoiles.

La galaxie Dragonfly 44.
La galaxie Dragonfly 44.

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