L’énigme des sursauts radios se dévoile

Depuis une dizaine d’années, de mystérieux flashs sont observés dans le domaine des ondes radio. Il semble qu’ils témoignent de phénomènes cosmiques lointains libérant en un bref instant une quantité considérable d’énergie. Différents modèles ont été proposés pour expliquer leur origine. Les plus crédibles se fondent sur des objets astrophysiques bien connus. D’autres sont plus exotiques, comme celui que j’ai suggéré avec Carlo Rovelli et Francesca Vidotto (voir ici), utilisant des effets de gravitation quantique faisant rebondir les trous noirs en trous blancs.

CSIRO's Parkes radio telescope (credit: Swinburne Astronomy Productions)
CSIRO’s Parkes radio telescope (credit: Swinburne Astronomy Productions)

La nouveauté vient de ce que pour la première fois il a été possible, il y a quelques jours, d’identifier la galaxie qui hébergeait un sursaut ! Elle se trouve à 6 milliards d’années-lumière de la Terre.
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Sursauts gammas et fusions de trous noirs : des sirènes gravitationnelles ?

Récemment, l’expérience LIGO a annoncé la détection d’ondes gravitationnelles émanant de la fusion de deux trous noirs. Il s’agit d’une avancée majeure. Pour la première fois, nous avons observé sans ambiguïté des effets qui sont directement liés à la présence d’un horizon, la caractéristique essentielle des trous noirs. De plus, il a même été possible de mesurer l’énergie émise sous la forme de ces ondes d’espace et la vitesse à laquelle le trou noir final tourne sur lui-même.
(Crédit : SXS project)
(Crédit : SXS project)
Le satellite Fermi a annoncé avoir observé un sursaut de rayons gammas presque au même moment que la coalescence détectée par LIGO et provenant de la même direction. Cette annonce est sujette à caution car d’autres détecteurs ne l’ont pas confirmée et la position est très mal mesurée avec les deux antennes de LIGO. Si néanmoins elle s’avérait exacte, elle ouvrirait d’intéressantes perspectives.

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Big Bang et au-delà

Voici la nouvelle édition de mon petit livre « Big Bang et au-delà », juste publié chez Dunod.

Il s’agit une balade en cosmologie, sans prétention à l’exhaustivité. Je tente de passer en revue les avancées majeures de la science de l’Univers, mais aussi de souligner l’immensité de ce que nous ne comprenons pas encore. On y croise des trous noirs et des particules élémentaires, on s’y interroge sur les fondements théorique et les bases observationnelles du modèle du Big Bang. En conclusion, se pose la question des univers multiples. Quelques préoccupations philosophiques et poétiques, évidemment biaisées par mes intérêts propres et sans la moindre vocation au “panorama”, s’invitent ici et là.
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Pour souligner que la science est aussi une aventure humaine, je conte également — en filigrane — un certain nombre d’anecdotes personnelles, de révoltes et de positionnement sociétaux. La question de la souffrance infligée aux animaux ou de l’exclusion des plus faibles, quoique non directement reliée, ne peut pas ne pas se poser, je crois, quand on tente de scruter notre environnement.

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Et si le temps disparaissait proche du Big Bang ?

La relativité générale, la grande théorie d’Einstein, fonctionne remarquablement bien ! Nous venons d’en avoir une nouvelle confirmation avec la magnifique mesure des ondes gravitationnelles par LIGO. Elle nous apprend que l’espace est une entité dynamique et que l’expansion de l’Univers est en fait une dilatation de l’espace. Grâce à elle, il est possible de rendre compte de façon fiable et précise de l’essentiel de l’histoire de l’Univers. Hélas, elle ne fonctionne plus au moment du Big Bang ou juste autour de celui-ci. Il faudrait alors disposer d’une théorie « meilleure » que la relativité générale : une théorie de gravitation quantique, c’est-à-dire conciliant les deux piliers de la physique de 20ème siècle.
Illustration imagée de l'espace en gravité quantique à boucles (crédit : Carlo Rovelli)
Illustration imagée de l’espace en gravité quantique à boucles (crédit : Carlo Rovelli)
À l’heure actuelle aucune théorie consensuelle de gravitation quantique n’existe. Parmi les modèles les plus étudiés, on trouve la théorie des cordes et la gravitation quantique à boucles. Cette dernière fait apparaître des espèces « d’atomes d’espace ». Depuis une quinzaine d’années, elle a été appliquée avec succès à l’Univers lui-même et montre que le Big Bang disparaitrait et serait remplacé par un grand rebond, un Big Bounce. Il s’agit naturellement d’un modèle spéculatif mais il est cohérent.

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Vient-on vraiment de découvrir les ondes gravitationnelles ?

Les ondes gravitationnelles sont de petites vibrations de l’espace et la journée du 11 février fut historique pour celles-ci ! Nous venons de vivre un événement majeur.

La publication ‘historique’ est ici.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je veux commencer par commenter le titre provocateur de ce billet : il ne s’agit nullement de contester ou de dénigrer la magnifique détection opérée par l’expérience LIGO et moins encore d’en contester l’intérêt phénoménal. Il s’agit d’une mesure à la fois sidérante et émouvante. Voir des trous noirs de cette manière est sans précédent dans notre histoire et je vais y venir en conclusion. Mais je crois néanmoins qu’il est important de produire certains éclaircissements par rapport à différentes analyses un peu trop rapides qui fleurissent ici et là, de façon que cette avancée exceptionnelle soit appréciée pour ce qu’elle est vraiment !

1) Vient-on de découvrir les ondes gravitationnelles ?

Non. La découverte est ancienne. Une découverte, en effet, est une indication que l’on considère comme suffisamment fiable pour lui accorder notre crédit. Ce n’est jamais une preuve irréfutable. C’est un faisceau d’indices qui convergent. On ne peut pas être certain, par exemple que ce qu’a mesuré le CERN est bien le boson de Higgs prévu par nos théories. Mais cela semble si crédible que nous pouvons collectivement nous mettre d’accord sur ce qu’il s’agit très vraisemblablement de la découverte expérimentale du Higgs.
Et ce sens, je crois qu’on peut s’accorder à considérer que les ondes gravitationnelles avaient déjà, et depuis bien longtemps, été découvertes ! En effet, le système binaire de Hulse-Taylor, un pulsar tournant autour d’une étoile à neutron, étudié dès 1974 a permis de montrer que la variation de période orbitale observée était exactement expliquée par l’émission d’ondes gravitationnelles. S’ensuivit le prix Nobel en 1993. D’autres systèmes de ce type furent découverts, tous en parfaite adéquation avec ce que prédisait l’émission d’ondes gravitationnelles (cf figure ci-dessous). À ma connaissance, plus personne ne doutait de l’existence des ondes gravitationnelles. La détection a donc déjà eu lieu il y a des décennies.
On pourrait objecter qu’il s’agissait d’une détection indirecte tandis que celle, toute récente, de LIGO est directe. Je pense que cette distinction n’a aucun sens épistémologique. Aucune détection n’est jamais “directe” : on observe les effets secondaires d’un phénomène physique sur des objets utilisés comme outils de mesure. C’est ce qui a lieu dans les deux expériences considérées et la seconde (LIGO) n’est pas plus « directe » que la première. Je suis persuadé que si l’interféromètre de type LIGO existait naturellement et que nous avions nous-mêmes construit le système binaire c’est à ce dernier que nous donnerions le qualificatif de « détection directe ».

Mesure (points), indépendantes de la récente détection par LIGO, de l'évolution de la période et comparaison (trait plein) avec la prédiction due à l'émission d'ondes gravitationnelles, pour un système binaire.
Mesure (points), indépendantes de la récente détection par LIGO, de l’évolution de la période et comparaison (trait plein) avec la prédiction due à l’émission d’ondes gravitationnelles, pour un système binaire.

2) A-t-on enfin vu les gravitons ? Continuer la lecture

LSST : un géant pour le cosmos

Le grand télescope LSST est actuellement en construction au Chili. Il fait partie de la classe des 8 mètres (typiquement la taille des plus grands télescopes actuellement en fonctionnement). Mais il présente une caractéristique très particulière qui le distingue des autres instruments et va sans doute constituer une vraie révolution dans le domaine : il a un champ de vue extrêmement large ! Il ne cherche pas à regarder avec un très fort grossissement une planète, une étoile ou une galaxie, il cherche à réaliser une carte globale de l’Univers. Jusqu’à maintenant nous ne connaissons, jusqu’à des profondeurs importantes, que de petites zones du ciel.

L’instrument permettra de cataloguer plusieurs milliards de galaxies (et 10 milliards d’étoiles), améliorant considérablement notre image du cosmos à grande échelle. De plus, parce qu’il reviendra périodiquement sur les mêmes zones du ciel, plus qu’une photographie il réalisera en fait un « film » permettant de mettre en évidence d’éventuels phénomènes variables. C’est une première à ce niveau de qualité et de sensibilité.

LSST tel qu'il sera dans quelques années (crédits : LSST collaboration)
LSST tel qu’il sera dans quelques années (crédits : LSST collaboration)

Pour quels enjeux scientifiques ? Continuer la lecture