Schiaparelli : leçons d’un échec

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Dans un précédent article, nous avions souligné combien il était difficile de se poser sur Mars, et qu’il fallait d’abord passer par des échecs et en tirer des leçons pour maîtriser la séquence. Avec l’écrasement de sa sonde Schiaparelli, l’Europe en a fait aujourd’hui les frais, mais heureusement a récolté suffisamment de données pour reconstituer le scénario de l’accident.

Si les Soviétiques n’ont connu que des échecs lors de leur demi-douzaine de tentatives d’atterrissage sur Mars, la référence reste les Etats-Unis qui n’ont connu qu’un seul échec sur sept tentatives : après Viking 1 & 2—coup de maître lors de leurs premières tentatives en 1976—puis Pathfinder en 1997, et avant la série ininterrompue de succès avec Spirit et Opportunity en 2004, Phoenix en 2008 et Curiosity en 2012, l’exception fut le crash de Mars Polar Lander en 1999. Or, coïncidence troublante ou maillon faible des séquences d’atterrissage sur Mars, l’échec de Schiaparelli lui ressemble bigrement.

On se rappelle de cet échec de 1999 qui fut ressenti comme un camouflet par la NASA. À trop tirer sur le budget, les ingénieurs avaient fait des impasses dans les simulations mécaniques de l’atterrissage. Or après avoir perdu l’engin et s’être résigné à refaire ces coûteuses simulations, les ingénieurs américains se sont aperçus que lorsqu’elle dépliait ses pieds à un kilomètre d’altitude—pieds muni d’un capteur de contact censé transmettre à l’ordinateur de bord l’ordre de couper les rétrofusées une fois au sol—la sonde fut secouée au point que les capteurs ont mépris la vibration pour le contact en question. Moteurs coupés à un kilomètre d’altitude, Mars Polar Lander est allée en chute libre s’écraser au sol.

Le cratère d'impact (en noir) du crash de la sonde Schiaparelli sur Mars
Le cratère d’impact (en noir) du crash de la sonde Schiaparelli sur Mars

Pour Schiaparelli, la reconstitution à partir des données retransmises est la suivante. C’est lors du déploiement du parachute principal à 12 kilomètres d’altitude que des vibrations plus importantes que prévu ont transmis à l’ordinateur de bord des mesures erronées lui faisant croire, une vingtaine de secondes plus tard, que la sonde était déjà au sol. Vers 4 kilomètres d’altitude, l’ordinateur s’est donc mélangé les pinceaux, commandé le largage du parachute, suivi d’un bref allumage anarchique puis extinction des rétrofusées, et Schiaparelli a plongé en chute libre, pour s’écraser au sol à une vitesse frisant les 500 kilomètres/heure, les réservoirs de propergol à peine entamés ayant de surcroît explosé lors du choc.

Test du parachute de Schiaparelli: il reste du travail à faire
Test du parachute de Schiaparelli: il reste du travail à faire

Si les ingénieurs de l’ESA se veulent optimistes, notant que c’était bien lors de cette mission de validation technique que l’échec était permis, pour « ajuster le tir » et ne pas se rater la fois suivante, ils n’ont plus de carte joker : cette mission suivante ExoMars de 2020 est très précieuse et très coûteuse, et pour la science martienne comme pour la réputation de l’Europe, espérons que les leçons ont été tirées.

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