Le projet MARS ONE, visant à poser des équipages sur Mars avec des fonds privés à partir de 2024, vient d’annoncer le 16 février la liste des 100 candidats finalistes, sélectionnés à partir des 200 000 candidats qui ont payé chacun quelques dizaines d’euros pour participer à ce qui se réduit à un cirque médiatique. Un point sur ce projet aussi délirant que préjudiciable aux véritables efforts de missions pilotées vers Mars.
Mars One : un rappel
« Mars one établira une colonie humaine permanente sur Mars. Des équipages de quatre personnes partiront tous les deux ans, à partir de 2024. Notre première sonde automatique sera lancée en 2018… » Ainsi se présente en page d’accueil de leur site web (www.mars-one.com) le projet Mars One, monté à l’initiative de l’ingénieur néerlandais Bas Lansdorp. L’idée est de poser des équipages sur Mars grâce à un programme monté avec des fonds privés, tous les espoirs étant placés sur un généreux financement par des chaînes de télévision dans le cadre d’une série de « téléréalité ».
Le budget déclaré des missions spatiales de Mars One est en effet de 6 milliards de dollars, un budget irréaliste et fondé de surcroît sur le principe que les astronautes ne reviendront pas (on se dispense du coûteux vol retour). Bref, un projet de science fiction dommageable pour la crédibilité de vrais programmes d’exploration humaine de la planète Mars, et que j’ai déjà eu l’occasion de critiquer dans un blog antérieur (4 mars 2014, rubrique Opinions).
Où est la télé ?
Il est toutefois intéressant de faire le point sur le projet. L’idée fondatrice est de monter des émissions de téléréalité qui mettront en scène la sélection et l’entraînement des équipages sur Terre. Comme je l’ai déjà évoqué, que les équipages volent ensuite vers Mars n’est pas crédible, mais la « téléréalité » aura eu lieu et les investisseurs auront récupéré leurs billes. On note toutefois un retard dans le montage audiovisuel de ces émissions dont on n’entend pas grande nouvelle. Comme le programme prévoit la sélection finale de 24 candidats d’ici juillet (6 équipages de 4), pour commencer à tourner le show, il faudrait peut-être se dépêcher.
DSP/Endemol, spécialiste des téléréalités, a bien signé un contrat exclusif avec Mars One en juin 2014, mais il semblerait que les chaînes de télévision ne se pressent pas au portillon. Leur demanderait-on trop d’argent ? Car après tout, il faut que les droits de télévision financent la majorité des 6 milliards de dollars du soi-disant programme spatial…
Les 100 candidats retenus
En attendant, le buzz médiatique est assuré par la sélection des 100 « demi-finalistes », buzz qui sera prolongé par leur écrémage à 24, d’ici juillet. On notera que parmi les 100 candidats retenus, il y a une parité hommes/femmes. La ventilation par tranche d’âge est également intéressante : 2 candidats de 19 ans ; 40 dans la tranche 20-29 ans ; 38 dans la tranche 30-39 ans ; 9 dans la tranche 40-49 ans ; et 11 dans la tranche 50 ans et plus, le record revenant à Réginald (Pakistan) qui a 60 ans aujourd’hui. À noter que le premier vol habité vers Mars étant prévu en 2023, si tout va bien, il faut ajouter 8 ans à tous les âges répertoriés.
Pour ce qui est des nationalités, les USA arrivent en tête avec 33 candidats, puis l’Australie, le Royaume-Uni, l’Afrique du Sud, le Canada et la Russie comptent 4 à 7 candidats chacun. Les 40 candidats restants se partagent entre une trentaine de pays. On notera que les pays « spatiaux » d’Europe sont sous-représentés (à part le Royaume-Uni) avec seulement 1 Français, 2 Allemands et 1 Italien.
Les métiers et spécialités des candidats sont variés : sur un petit pointage au hasard d’une douzaine de candidats, j’ai relevé deux étudiantes (astronomie ; anthropologie) ; une médecin d’hôpital ; cinq techniciens ou informaticiens ; un bricoleur et agriculteur, spécialiste des droits de l’homme ; une chef d’entreprise spécialisée dans les métaux et alliages pour l’aérospatiale ; et deux artistes (comédie, musique, chorégraphie).
La suite…
Outre la poursuite—qui est donc loin d’être bouclée—d’une téléréalité, le calendrier très serré du programme spatial en lui-même est rattrappé par… la réalité. L’équipe de Mars One avait passé des contrats de faisabilité de deux sondes automatiques martiennes qui devaient voler en 2018, l’une en orbite martienne pour le relais radio (constructeur SSTL) et l’autre pour se poser au sol reconnaître le terrain de la future base (constructeur Lockheed). Or les deux sociétés, contactées par Spacenews.com, ont reconnu qu’aucun travail ultérieur ne leur a été commandé, à trois ans du soi-disant décollage…
On l’a compris : malgré tout le buzz, il n’y a pas d’argent dans les caisses. On peut s’attendre à ce qu’une petite télé-réalité de compétition entre équipages sur Terre ait quand même lieu, histoire pour les investisseurs de récupérer leurs billes, quoique avec les 5 ou 6 millions d’euros sous-tirés aux 200 000 candidats qui ont cru à la supercherie, tout le monde n’a pas été perdant.
Prochain blog d’opinion : et où en est-on avec les vrais projets de vols pilotés vers Mars ?