C’est l’été et donc je passerai quelques vidéos rafraîchissantes et une provocante liées à des arbres fontaines et à une artiste les ayant mis en scène. Au-delà de l’exemple que j’illustre souvent dans ce blog de l’arbre fontaine d’El Hierro aux Canaries, il y a bien d’autres au Pérou, au Chili, au Maroc, sur l’archipel du Cap-Vert, à Djibouti, dans le Dofar du sultanat d’Oman, sur l’île de La Réunion… Sur cette dernière terre, département d’outre-mer dans l’Océan Indien, je vous invite à voir le bois de couleur des Hauts qui est un milieu propice localement aux arbres fontaines. Le bois de couleur est une forêt de montagne tropicale typique des Hauts, une zone à forte nébulosité, de l’île de La Réunion.
Le bois de couleur est remarquable pour sa biodiversité. Sophora denudata, nommé le plus souvent à La Réunion, le petit tamarin des Hauts est un endémisme de l’île (voir la photographie mise en avant de J.-F. Bègue). Cet arbre est présent à partir 1 400 mètres d’altitude dans la partie méridionale de la Plaine des Cafres, du côté du Volcan, et jusqu’à la Plaine des Remparts. Sur l’île de La Réunion, on le nomme aussi « arbre fontaine » pour sa capacité à capter et absorber l’eau dans l’atmosphère (brume ou brouillard qui ne sont que des gouttelettes de pluie), maintenant ainsi élevé le niveau d’humidité de la terre qui l’accueille.
L’arbre fontaine d’El Hierro m’avait valu un prix Ushuaïa en 1993 sans doute grâce à une intervention du botaniste Francis Hallé, relayé par le Prof. Henri Pujol qui fut le président de la Ligue contre le cancer, deux poids-lourds de la recherche d’alors en Languedoc. J’avais compté aussi avec le soutien du toujours vert Jean Larivière, un ancien du Museum de Paris qui contribua à l’ouvrir, par ses photographies animalières, vers la vulgarisation et le monde économique. Ainsi, avais-je décroché en 1994 mes galons d’écologiste patenté auprès de l’UICN-France grâce au regretté Marcel Kroenlein, directeur du Jardin Exotique de Monaco, et à son complice en plantes succulentes Yves Delange du Museum. Yves est aussi le nouvel éditeur des textes entomologiques de Jean-Henri Fabre (1823-1915) et, par là, une tête pensante de Micropolis en Aveyron. Je fais appel aux grands anciens en sciences naturelles car cette histoire, entendue au sens grec de récit, est aussi académique.
Le concept de l’arbre fontaine fut repris largement avec succès par le botaniste Francis Hallé dans ses entretiens et ses livres puis récemment par Pierre Cousin, un auteur de roman pour la jeunesse ayant lu ce dernier, comme il avait été par le journaliste Pierre Lefebvre dans Science & Vie Junior. Ce concept a été donc encore utilisé à La Réunion, un signe de sa vitalité ou, pour parler pompeusement, de sa prégnance.
Parallèlement et sans connaître – je le pense – cet exemple naturel des Canaries, il y eut l’arbre de vie-fontaine en 1992 dit aussi l’arbre aux serpents de Niki de Saint Phalle.
La fameuse vision des artistes habités et la belle Niki de Saint Phalle en avait-elle une aussi véloce qu’une balle de fusil ? Peut-être bien.
Enfin en ces temps de canicule, j’évoquerais un arbre fontaine original, localisé légèrement à l’est de la capitale du Monténégro, Podgorica, à quelques kilomètres de son aéroport. Dans le cadre hydrogéologique du puits artésien naturel ou, peut-être mieux dit, de la résurgence de Dinoša, seulement mise en charge lors des grandes précipitations, il y a un vieux mûrier (Morus sp.) qui possède un gros tronc creux : c’est l’arbre artésien. Ce phénomène donnant une fontaine naturelle, de façon épisodique, est dû à la mise sous pression d’un aquifère, lorsque l’inclinaison de la couche géologique imperméable qui le surmonte le contraint sous le niveau de sa ligne piézométrique (ligne d’égale pression de l’eau souterraine).
Tout cela, me diriez-vous, est fort beau mais bien loin, soit dans l’espace et le temps, mais toujours dans un cadre de fortes chaleurs, je vous inviterais à visiter et à vous baigner dans le très bel établissement balnéaire de La Butte-aux-Cailles de Paris. Sa piscine des années 1920 est alimentée par un puits artésien, foré entre 1866 et 1904, donnant accès à une eau naturellement à 28 °C, provenant de plus de 580 m de profondeur. En fait pour être précis, devant la vétusté de ce puits artésien, un autre forage, tout proche, a été fait en l’an 2000 à 620 mètres de profondeur. Bonne baignade, Amis parisiens ou de passage dans la capitale, et bel été !
La photographie mise en avant représente un bel exemplaire de Sophora denudata en fleurs ou petit tamarin des Hauts ou encore arbre fontaine. Localité : montagne du Nez de Bœuf, La Réunion. © Jean-François Bègue pour le Parc National de La Réunion.