De l’eau coule sur Mars !

Mary Beth Wilhelm, doctorante à Georgia Tech et l'une des auteurs de l'étude.
Mary Beth Wilhelm, doctorante à Georgia Tech et l’une des auteurs de l’étude.
La conférence de la NASA de ce lundi 28 septembre va faire couler un peu d’encre, et surtout un peu d’eau : rien de révolutionnaire dans cette « résolution d’un mystère martien » claironnée par l’agence spatiale, puisqu’il s’agit seulement d’une confirmation de ce que les planétologues soupçonnaient depuis longtemps. À savoir que des filets d’une eau très saumâtre, chargée en sels et en poussières, dévalent régulièrement la pente des collines et des cratères martiens, lorsqu’elle est chauffée par le soleil. La nouveauté, c’est qu’on a bien la preuve physique aujourd’hui que le fluide est bien à base d’eau (et non un liquide exotique, comme du dioxyde de carbone liquide) grâce au spectromètre CRISM embarqué à bord du satellite Mars Reconnaissance Orbiter (MRO).
Schéma d'un balayage du terrain par le spectromètre infrarouge CRISM de la sonde MRO
Schéma d’un balayage du terrain par le spectromètre infrarouge CRISM de la sonde MRO

Dans une étude conduite par Lujendra Ozha et Mary Beth Wilhelm, doctorants à la Georgia Institute of Technology, des spectres infrarouges recueillis par le satellite et correspondant à l’emplacement de tels écoulement ont pu être isolés, une prouesse quand on sait que ces écoulements sont larges d’un à cinq mètres en moyenne (et longs de quelques centaines de mètres). La signature est celle de perchlorates hydratés, sels dont la présence avait déjà été repérée par des études conduites au sol, tant par la sonde Phoenix en 2008 que par la sonde Curiosity aujourd’hui.
Les stries d'écoulement observées sur le flanc d'un cratère martien.
Les stries d’écoulement observées sur le flanc d’un cratère martien.

Reste à préciser où ces sombres écoulements rectilignes—connus des spécialistes sous l’acronyme RSL pour Recurring Slope Linae—puisent leur eau. Pour Alfred McEwen, vétéran planétologue sur l’équipe de la sonde orbitale MRO, de la vapeur d’eau est aspirée de la fine atmosphère par les sels qui s’hydratent alors (phénomène de déliquescence). Mais la question se pose—et je doute qu’elle l’ait été lors de conférence de presse : comment autant de vapeur d’eau se trouve-t-elle disponible pour l’opération, et à la pression minimaliste à la surface, comment peut-elle physiquement devenir liquide. L’autre solution serait que de l’eau saumâtre sous pression (donc avec plus de chance d’être liquide) puisse remonter du proche sous-sol à l’endroit de l’écoulement. Affaire à suivre.
Une vue en 3D d'une colline et de ses sombres écoulements (NASA/JPL/U of A)
Une vue en 3D d’une colline et de ses sombres écoulements (NASA/JPL/U of A)

Il s’agit plus de coulées de boue que de ruisseaux (on peut spéculer qu’il y a 5 % d’eau seulement dans la mixture). Et en tout état de cause, cela reste des quantités infimes d’eau mobilisées sur ces pentes à chaque fin de printemps, les estimations parlant de 100 000 mètres cubes comme ordre de grandeur sur l’ensemble de la planète, soit une trentaine de piscines olympiques. Le véritable réservoir d’eau martienne reste toute celle emprisonnée dans les glaces polaires, qui correspond à de véritables mers gelées. Mais toute confirmation d’eau liquide coulant actuellement sur la planète est bonne à prendre et nous éloigne du stéréotype d’une Mars gelée en permanence, ravivant l’optimisme des chercheurs de vie extraterrestre. Et comme Alfred McEwen l’a dit dans un sourire : ces pentes sont trop raides pour un robot. Un astronaute, en revanche…