Le vendredi 5 décembre 2014 a eu lieu le premier lancement dans l’espace d’une capsule Orion, pour l’instant sans équipage : un « super Apollo » conçu pour les futurs vols pilotés de la NASA « vers des destinations de l’espace profond (deep space), tels des astéroïdes et éventuellement la planète Mars », selon les propres dires de l’agence. Construit par Lockheed Martin, le vaisseau pèse 8,6 tonnes—deux fois la masse d’Apollo—et mesure 5 m de diamètre contre 3 m pour son illustre prédécesseur, ce qui donne 50 % de plus de volume habitable. Le lancement a eu lieu avec un jour de retard, en raison de fortes rafales de vent et de basses températures ayant causé quelques soucis avec des valves fonctionnant au ralenti. Mais tout est entré dans l’ordre.
Tiré à l’aube (7h05 heure locale), le premier test en vol du 5 décembre a consisté en une mise en orbite du vaisseau Orion autour de la Terre, depuis Cap Canaveral, au moyen d’une fusée Delta IV Heavy : la plus puissante fusée en service aux USA à l’heure actuelle, en attendant le lanceur dédié SLS (lui aussi en cours de développement) qui propulsera les futurs vols pilotés. Le vaisseau Orion a accompli une première orbite autour de la Terre, puis après réallumage de l’étage supérieur de la fusée qui lui était encore attaché, une seconde orbite beaucoup plus haute, culminant à 6000 km d’altitude. Au terme de cette seconde boucle, Orion s’est séparé de son étage de fusée et a plongé dans l’atmosphère terrestre au-dessus du Pacifique à une vitesse de 9 kilomètres par seconde, proche de la vitesse de retour d’une mission lunaire. L’amerrissage a eu lieu au large de la Basse Californie, non loin de San Diego, à l’issue d’un vol de 4heures 24 minutes.
La mission—assez simple, il faut l’avouer—s’est très bien déroulée. Ce sera le test suivant, en 2018, qui sera critique et beaucoup plus spectaculaire puisque, bien que toujours sans astronautes à bord, il s’agira cette fois d’utiliser la fusée géante SLS pour propulser Orion et son module de service européen sur une boucle qui passera derrière la Lune, soit un vol de type Apollo (Exploration Mission 1). Le troisième vol d’Orion (Exploration Mission 2), prévu pour 2021, emportera cette fois un équipage en banlieue lunaire, avec l’objectif d’échantillonner un petit astéroïde qui aura été parqué là par un remorqueur automatique. La finalité de cette mission est très contestable (et contestée), car on ne voit pas très bien à quoi servira la dépense en temps et en argent de développer toute une technologie pour capturer un roc dans l’espace, si on prétend vouloir un jour poser des astronautes sur Mars.
On peut donc, dans un premier temps, applaudir le baptême de feu du vaisseau Orion. Mais il est temps aussi pour les Etats-Unis—et pour l’Europe leur partenaire—de lui prévoir un avenir et une utilisation logique et structurée, soit pour retourner sur la Lune, soit pour se rendre sur Mars. Tout autre objectif n’aurait ni grande ambition, ni grand sens.