La comète qui a frôlé Mars

Mars-Comet over Olympus
Vue d’artiste du passage de la comète Siding Spring au-dessus d’Olympus Mons (NASA/JPL-Caltech)

Parmi les nombreuses occupations auxquelles se livreront les futurs Martionautes, j’ai toujours pensé que l’astronomie occuperait une place de choix, notamment l’étude des objets « aréocroiseurs »—astéroïdes et comètes qui frôleraient de près Arès la planète rouge. Sur Mars on se trouve en effet idéalement placés près de la frontière intérieure de la ceinture des astéroïdes pour étudier les corps qui en sont éjectés et viennent errer près de Mars et auraient le potentiel de s’approcher de la Terre. Mars serait en quelque sorte notre poste avancé pour recenser et étudier astéroïdes et comètes menaçants. Ce n’est donc pas une surprise, mais plutôt une belle démonstration que vient de nous faire en ce dimanche 19 octobre la comète Siding Spring en passant à 130 000 km de Mars—un tiers de la distance Terre-Lune.


Jamais comète n’est passée aussi près de la Terre, le record chez nous étant un éloignement 10 fois supérieur (environ 1,5 million de kilomètres) le 20 février 1491 et le 1er juillet 1770. Pour Mars, on est enclin à dire qu’un passage à une distance si courte est nécessairement exceptionnel, certains astronomes et journalistes parlant d’un seul événement de la sorte tous les millions d’années. Comme je ne crois pas que nous soyons des privilégiés et que nous vivons à une époque particulièrement chanceuse, j’imagine que de tels croisements rapprochés avec Mars sont beaucoup plus fréquents qu’on ne le pense. Et que pour les comètes comme pour les astéroïdes, Mars est vraiment bien placé pour leur observation et leur étude.

La base martienne MDRS de la Mars Society possède une coupole et un télescope de 13 pouces, cofinancé par Elon Musk de SpaceX (photo mars-russia.ru)
La base martienne MDRS de la Mars Society possède une coupole et un télescope de 13 pouces, cofinancé par Elon Musk de SpaceX (photo mars-russia.ru)

Les Martionautes et leurs télescopes ne sont pas encore à poste et c’est dommage, mais heureusement il nous reste nos dignes représentants : les sondes au sol et en orbite martienne. Pour de futurs astronautes, on peut rêver. Lorsque j’ai participé à des simulations de séjour sur la planète rouge avec l’Association Planète Mars dans la base MDRS (Mars Desert Research Station) dans le désert de l’Utah, en novembre 2002, mon coéquipier Alain Souchier et moi-même avons simulé une sortie nocturne en scaphandre pour observer le ciel, lors d’une pluie d’étoiles filantes causée par le passage de la Terre dans la trajectoire d’une comète. Ce fut un souvenir mémorable, et de retour dans notre module, nous avions concocté une soupe à l’oignon comme si nous venions de revenir d’une boîte de nuit. Et quelle boîte de nuit ! Dans la bulle de notre casque, nous avions vu les météores fuser à travers le ciel de l’Utah et avions pu nous projeter vers le jour—pas si lointain—quand hommes et femmes assisteront sur Mars à de pareils spectacles.

Vue d'artiste de la pluie d'étoiles filantes sur Mars lors du passage de la comète Siding Spring (NASA/JPL-Caltech)
Vue d’artiste de la pluie d’étoiles filantes sur Mars lors du passage de la comète Siding Spring (NASA/JPL-Caltech)

Mars a-t-elle connu un feu d’artifice céleste en ce 19 octobre 2014 ? D’après les calculs, les poussières cométaires se seraient concentrées dans le ciel martien au-dessus de 8°S de latitude et 319° de longitude, pas loin du grand cratère d’impact Huygens, large de 450 km. Si la comète Siding Spring avait percuté Mars, elle aurait ajouté un joli cratère au relief martien, mais certainement beaucoup plus petit. Les estimations de la taille du noyau cométaire tournent autour de 700 mètres à l’heure actuelle, ce qui en cas d’impact aurait poinçonné sur Mars une cicatrice de 10 km de diamètre. Pour référence, ce genre d’impact doit survenir sur Terre tous les 100 000 à 200 000 ans environ. Heureusement, la comète Siding Spring ne nous était pas destinée. Mais le poste avancé que représente Mars servira peut-être un jour à notre défense.
Nous reviendrons sur les observations par les sondes martiennes—à défaut que ce soit par des astronautes sur place—du passage de cette comète Siding Spring…

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