En cette fin 2024, il est temps de commenter le bouillonnement que va créer dans le programme spatial américain le second mandat de Donald Trump.
On peut penser ce que l’on veut du président américain, et je fais partie de ceux qui sont affligés par son élection, ses valeurs, et son programme politique et économique en général. Je suis tout autant affligé par les valeurs affichées par Elon Musk qui a décidé de soutenir le candidat républicain, mais c’est un calcul intelligent, comme toujours, et Musk en récoltera les dividendes.
Un nouveau directeur de la Nasa
On peut aussi être surpris par la nomination en cours, par les deux compères, du nouveau directeur général de la Nasa, en la personne de l’entrepreneur Jared Isaacman, pionnier milliardaire des logiciels de paiement sur Internet, tout comme son mentor Elon Musk, et surtout client et protégé de ce dernier, auquel il a acheté deux vols sur vaisseau spatial Dragon, en tant que passager du premier et commandant du second pour des missions en orbite terrestre.
Pilote de voltige aérienne de par ailleurs, Isaacman connaît bien l’aéronautique et l’astronautique, et surtout fait partie de la nouvelle génération de visionnaires qui sont prêts à casser les stratégies conservatrices et sans cesse remaniées de l’establishment pour révolutionner le programme de la Nasa, avec Elon Musk dans les coulisses.Jared Isaacman, futur directeur de la Nasa (AFP)
Le programme lunaire sur la sellette
Je fais personnellement partie de celles et de ceux qui critiquent depuis longtemps le programme lunaire américain et le projet de station orbitale autour de la Lune, qui n’a aucune utilité, baptisé Gateway (“portail de passage”, mais on se demande vers quoi), qui draine le budget et surtout l’énergie et le talent de l’agence spatiale américaine. Tout comme je déplore le gouffre financier et l’impasse technologique de la fusée lunaire de la Nasa, le SLS (Space Launch System), dont la facture atteint déjà 30 milliards de dollars pour un seul vol. Elle n’est même pas capable à elle toute seule de poser un équipage sur la Lune, à la différence de la Saturn V, il y a plus de cinquante ans maintenant. De fait, le projet américain Artemis de poser un homme ou une femme sur la Lune avant la Chine est une course perdue d’avance. Les Chinois, avec leur programme cohérent et bien dimensionné à l’objectif établi, sont pour moi nettement favoris.Le lanceur SLS, un gouffre financier et sans avenir (Nasa/Joel Kowsky)
Et pourquoi pas l’Homme sur Mars ?
Quitte à perdre cette course, autant voir plus grand.
Déjà les éditorialistes du secteur, comme Rick Tumlinson de spacenews.com, entrevoient un rebattage majeur des cartes. Aussi pénible que cela puisse paraître, la logique qui sera vraisemblablement mise en avant par Musk et Isaacman consistera à annuler la station lunaire Gateway, annuler le développement à fonds perdus de la fusée SLS, et redéfinir un programme d’alunissage qui misera sur les fusées renouvelables – le Spaceship de Musk et le New Glenn de Jeff Bezos. Surtout, elle pourrait focaliser les énergies sur le vol piloté vers Mars. Car c’est là que se joue l’avenir du programme spatial automatique et piloté, qui redonnera à l’astronautique ses lettres de noblesse et relancera l’exploration du Système solaire par l’espèce humaine.