L’avenir des sondes martiennes

La Nasa a renouvelé son intérêt pour une exploration assidue de la planète Mars au moyen de sondes automatiques. Avec deux robots automobiles encore en activité – Curiosity qui s’est posé dans le cratère Gale en 2012 et Perseverance qui s’est posé dans le cratère Jezero en 2021 – l’agence américaine n’avait pas de projets fermes sur le long terme. Il y avait bien le projet Mars Sample Return (MSR), un « serpent de mer » longtemps promis, qui ferait atterrir une plateforme près de Perseverance et un petit mobile pour aller en chercher les tubes à échantillons, et les stocker à bord d’une petite fusée qui les auraient catapultés en orbite martienne. Là, ils auraient été récupérés par un autre vaisseau automatique reprenant la route de la Terre pour les délivrer dans le désert américain. Toutefois, l’ardoise d’une dizaine de milliards de dollars est devenue inacceptable, et la Nasa cherche une solution moins coûteuse, au risque d’abandonner le projet.

La Nasa propose une stratégie de sondes peu coûteuses, par exemple plus robustes pour diminuer les coûts d’atterrissage en douceur (NASA/JPL-Caltech)


Une nouvelle vision à long terme de l’exploration robotique de Mars est en train de le devancer, sinon de s’y substituer : le retour à de petites sondes peu coûteuses – entre 100 et 300 millions de dollars – conduisant des missions simples et ciblées. Les trois axes de recherche seraient la vie sur Mars, la géologie ou l’étude climatique et atmosphérique de la planète rouge, et la préparation des futures missions pilotées, mettant l’accent par exemple sur l’exploitation des ressources au sol, gazeuses, liquides et solides.

En résumé, les chercheurs voudront cerner des questions précises avec des instruments simples, l’idée maîtresse étant désormais de profiter, grâce au moindre coût de ces petites sondes, de toutes les fenêtres de tir, c’est-à-dire tous les deux ans. La Nasa n’attend plus que les propositions, ouvertes également à leurs partenaires internationaux.

Trump, Musk et Mars

En cette fin 2024, il est temps de commenter le bouillonnement que va créer dans le programme spatial américain le second mandat de Donald Trump.
On peut penser ce que l’on veut du président américain, et je fais partie de ceux qui sont affligés par son élection, ses valeurs, et son programme politique et économique en général. Je suis tout autant affligé par les valeurs affichées par Elon Musk qui a décidé de soutenir le candidat républicain, mais c’est un calcul intelligent, comme toujours, et Musk en récoltera les dividendes.

Un nouveau directeur de la Nasa

On peut aussi être surpris par la nomination en cours, par les deux compères, du nouveau directeur général de la Nasa, en la personne de l’entrepreneur Jared Isaacman, pionnier milliardaire des logiciels de paiement sur Internet, tout comme son mentor Elon Musk, et surtout client et protégé de ce dernier, auquel il a acheté deux vols sur vaisseau spatial Dragon, en tant que passager du premier et commandant du second pour des missions en orbite terrestre.
Pilote de voltige aérienne de par ailleurs, Isaacman connaît bien l’aéronautique et l’astronautique, et surtout fait partie de la nouvelle génération de visionnaires qui sont prêts à casser les stratégies conservatrices et sans cesse remaniées de l’establishment pour révolutionner le programme de la Nasa, avec Elon Musk dans les coulisses.Jared Isaacman, futur directeur de la Nasa  (AFP)

Le programme lunaire sur la sellette

Je fais personnellement partie de celles et de ceux qui critiquent depuis longtemps le programme lunaire américain et le projet de station orbitale autour de la Lune, qui n’a aucune utilité, baptisé Gateway (“portail de passage”, mais on se demande vers quoi), qui draine le budget et surtout l’énergie et le talent de l’agence spatiale américaine. Tout comme je déplore le gouffre financier et l’impasse technologique de la fusée lunaire de la Nasa, le SLS (Space Launch System), dont la facture atteint déjà 30 milliards de dollars pour un seul vol. Elle n’est même pas capable à elle toute seule de poser un équipage sur la Lune, à la différence de la Saturn V, il y a plus de cinquante ans maintenant. De fait, le projet américain Artemis de poser un homme ou une femme sur la Lune avant la Chine est une course perdue d’avance. Les Chinois, avec leur programme cohérent et bien dimensionné à l’objectif établi, sont pour moi nettement favoris.Le lanceur SLS, un gouffre financier et sans avenir (Nasa/Joel Kowsky)

Et pourquoi pas l’Homme sur Mars ?

Quitte à perdre cette course, autant voir plus grand.
Déjà les éditorialistes du secteur, comme Rick Tumlinson de spacenews.com, entrevoient un rebattage majeur des cartes. Aussi pénible que cela puisse paraître, la logique qui sera vraisemblablement mise en avant par Musk et Isaacman consistera à annuler la station lunaire Gateway, annuler le développement à fonds perdus de la fusée SLS, et redéfinir un programme d’alunissage qui misera sur les fusées renouvelables – le Spaceship de Musk et le New Glenn de Jeff Bezos. Surtout, elle pourrait focaliser les énergies sur le vol piloté vers Mars. Car c’est là que se joue l’avenir du programme spatial automatique et piloté, qui redonnera à l’astronautique ses lettres de noblesse et relancera l’exploration du Système solaire par l’espèce humaine.