La sabina d’El Hierro est un très ancien genévrier de Phénicie (Juniperus phoenicea) dont le vent a façonné le tronc, telle la Vénus de Samothrace, et la couronne de feuillage, telle une chevelure de dame préraphaélique.
La conservation de la sabina était mise en péril à la suite à des déprédations de touristes anglais, sans doute involontairement attirés par la photographie de cet arbre caractéristique de l’île sur la pochette d’un disque de Brian May, le guitariste du groupe pop Queen mondialement connu depuis les années 70. Ce disque de Brian May, sorti en 1998, s’appelle un « Another World ». Sa chanson-titre homonyme (dont il a écrit les paroles très simples alors qu’il passait un moment personnel difficile) est dédiée à El Hierro. L’île est présentée telle une alternative au monde actuel et il y a avec un autre paysage insulaire, celui de la Roque de la Bonanza, sur le verso de la pochette.
Pourquoi le guitariste rock Brian May s’intéresse-t-il durablement à la sabina et à El Hierro ?
Parce qu’il connut les Canaries à la fin des années 60, avant de devenir un rockeur professionnel de grand succès, en tant qu’étudiant avancé en astrophysique de l’Imperial College de Londres. Le groupe Queen trouve ses racines universitaires à Londres avec un autre ancien étudiant de l’Imperial College Roger Taylor, son batteur et multi-instrumentiste, et donc Brian May. D’autre part, l’archipel des Canaries compte l’ensemble d’observatoires astronomiques les plus performants d’Europe sur les îles de Tenerife (dont celui d’Izaňa sur le volcan Teide où étudia Brian May) et de La Palma, à plus de 2 500 mètres, au-dessus de la mer de nuages qui correspond à l’étage biogéographique des forêts du brouillard ou bien de la brume ou encore des formations végétales nébuleuses. Dans les années 90, lors de sa carrière solo qui se développa après le décès de Freddy Mercury des Queen, Brain May grava et publia « Another World ». C’est un album très rock mais aussi dans lequel, par touches lors des passages lents, son intérêt pour la préservation de la nature apparaît clairement ; un titre de morceau porte le nom évocateur de “Wilderness” soit le mot fétiche de John Muir.
L’âge venu, son intérêt pour le rock s’éloignant quelque peu, Brian May reprit ses études pour les conclure par un doctorat en astrophysique finalement obtenu en 2007, quelque 37 années (!) après son début de thèse. Cela toujours auprès du prestigieux Imperial College de Londres où le Dr. Brian Harold May (CBE, PhD, FRAS) a depuis le statut de chercheur visitant. Sa publication scientifique la plus notable est la suivante : Hicks, T., May, B., & Reay, N. (1972). MgI Emission in the Night Sky Spectrum, Nature, 240 (5381), 401-402. Ses conclusions sont expliquées ici (en anglais).
A côté de la science, Brian May est aussi connu en Grande-Bretagne depuis longtemps comme un défenseur de la nature et donc des animaux sauvages, tels les renards, les hérissons et les blaireaux, notamment grâce à son blog. Ici, est présentée la partie de son blog datée de décembre 2011, et en allant au 7 précisément, en déroulant le menu, vous liriez la mésaventure subie par la sabina de El Hierro lors de cette année.
Emu par les déprédations subies par l’arbre, Brian May s’excusa sur son blog de l’avoir mis en vedette sur son disque de 1998. Le service de l’Environnement d’El Hierro prit les choses en main et protégea début 2012 son autre arbre symbole, avec le Garoé, par un cordon pour éviter aussi tout piétinement au-dessus de ses racines, mit un beau panneau en xylogravure et l’équipa d’un code-barres QR pour rendre son histoire accessible par l’Internet y compris sur le terrain.
« Les climats, les saisons, les sons, les couleurs, l'obscurité, la lumière , les éléments, les aliments, le bruit, le silence, le mouvement, le repos, tout agit sur notre machine, et sur notre âme . » Jean-Jacques Rousseau, Les confessions.