Il y a quelques semaines, eut lieu à Marseille une conférence internationale un peu particulière. Il était en effet question à la fois de réunir les spécialistes de gravitation quantique à boucles pour discuter des dernières avancées de la théorie – comme il est d’usage dans les congrès – mais aussi de fêter le soixantième anniversaire d’une personnalité hors du commun : Carlo Rovelli.
Carlo Rovelli est d’abord un physicien exceptionnel. Il a inventé – avec Lee Smolin – la gravitation quantique à boucle qui est l’une des rares théories prometteuses tentant de concilier la relativité générale avec la physique quantique. Mais il a aussi contribué de façon notable à la mécanique quantique elle-même (surtout au niveau de l’interprétation) et à la relativité générale. Il a également lancé plusieurs directions de recherche qui se sont avérées très fructueuses. Enfin, c’est aussi un philosophe qui pense avec subtilité et lucidité sa discipline et le sens de la science en général.
Mais, au-delà de tout ceci, Carlo Rovelli est surtout un esprit libre et singulier. Il est de ces hommes rares qui concilient une immense exigence intellectuelle avec une incroyable bienveillance humaine. Il y a toujours, dans le regard de Carlo, une leur d’amour et d’intelligence qui – même quand on s’oppose à lui – « console d’être là », pour reprendre les mots de Baudelaire sur Wager.
La conférence fut aussi l’occasion d’échanges purement scientifiques en présence des plus grands spécialistes du domaine. Elle témoigne de la grande vitalité de la communauté de « gravitation quantique à boucles ». Il s’agit d’une tentative de conciliation de la physique d’Einstein, d’une part, avec celle de Schrödinger, Heisenberg, Dirac, de Broglie, d’autre part, sans ajouter des hypothèses supplémentaires drastiques comme c’est le cas en théorie des cordes. L’espace devient, en quelque sorte, composé de petits atomes élémentaires. Plus précisément, on nomme l’image résultante un « réseau de spin ».
La théorie de la gravitation quantique à boucles est loin d’être achevée. Il y a encore beaucoup de problèmes à résoudre. Mais l’ensemble des exposés tent à montrer que le corpus se fiabilise et devient cohérent. Pour ma part, ainsi que Francesca Vidotto et Abhay Ashtekar, j’ai surtout insisté sur les possibles conséquences observationnelles de la théorie en ce qui concerne les trous noirs et l’univers primordial.
Cette aventure n’en est qu’à son début et Carlo Rovelli est un étonnant et réjouissant capitaine pour notre équipe de pirates et de corsaires. Nous verrons où la mer nous porte …
Merci Aurélien pour cet bel article. Savez-vous si les vidéos des conférences seront disponibles?
Et très bon anniversaire à Carlo!
Imaginons (je dis bien : imaginons !) que tout s’arrête :
La terre ne tourne plus autour du soleil ni autour d’elle-même, les ondes se figent, les photons arrêtent leur course, les électrons ne tournent plus autour du noyau, etc…
Bref, tout est là, mais rien ne bouge.
Qu’est-ce qui différencie alors le temps T1 du temps T2 ?
Rien : on a imaginé supprimer le temps…
Restent les objets et l’espace. On peut imaginer supprimer ensuite les objets.
Reste l’espace… (au passage, il est difficile d’imaginer des objets sans espace, car ils occupent une portion de l’espace).
Sans objet dedans, imaginons un espace isotrope et infini : qu’est ce qui différencie alors un endroit E1 d’un endroit E2 ? Ai-je ainsi supprimé l’espace ? Ou alors, pour qu’il existe sans objet, ne faut-il pas qu’il soit discontinu ou ‘anisotrope ? Quelle est la structure d’un espace infini et vide ?
Einstein pense que temps et espace sont irrémédiablement liés. Pourtant, si on s’amuse à pousser la réflexion, notamment en ayant à l’esprit les développements de la physique quantique (mur de Plank entre autres), on aboutit à une multitude de questions nouvelles à se poser… Qu’en penser ?
Pour ma part, je n’arrive pas à penser à un espace isotrope et infini où l’on ne pourrait distinguer l’emplacement E1 de l’emplacement E2. En d’autres termes, je n’arrive pas à supprimer l’espace, même isotrope. Pourtant, il faut bien que je distingue l’emplacement E1 de l’emplacement E2 !… Et pour cela, je ne vois qu’une solution : l’espace ne peut être que discontinu … corpusculaire ? Des “grains” d’espace ? Tous identiques ? Mais alors au moins dénombrables… Et, puisque je peux les dénombrer, ils prennent une identité et ainsi je peux les distinguer. Le grain G1 n’est pas le grain G2 … Il s’en suit, que même dans leur isotropie, (ou isomorphisme ?) je les distingue, grâce à leur dénombrement.
Reste à connaître les caractéristiques, les lois, les propriétés – que sais-je ? – de ces grains d’espace. Là, laissons la place aux physiciens (Carlo Revelli ?) mais je subodore que la physique quantique pourrait apporter des voies nouvelles sur l’étude de l’espace, notamment en approfondissant la notion du “mur” de Plank et du principe d’indétermination d’Heisenberg. Je m’avance peut-être imprudemment, mais il me semble que le “mur” de Plank pourrait donner des indications sur la “forme” des grains d’espace, forme non pas au sens géométrique, mais au sens des propriétés qu’ils auront. Par ailleurs, munis de l’idée de ces grains et de leurs propriétés, le principe d’indétermination pourrait expliquer les constantes, les invariances, en particulier on pourrait peut-être savoir pourquoi la vitesse de la lumière n’est “que” de 300 000 Km/s.
La théorie de la gravitation quantique à boucles ne pourrait-elle donner quelques précisions sur ces idées (farfelues ?).