Vient-on vraiment de découvrir les ondes gravitationnelles ?

Les ondes gravitationnelles sont de petites vibrations de l’espace et la journée du 11 février fut historique pour celles-ci ! Nous venons de vivre un événement majeur.

La publication ‘historique’ est ici.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je veux commencer par commenter le titre provocateur de ce billet : il ne s’agit nullement de contester ou de dénigrer la magnifique détection opérée par l’expérience LIGO et moins encore d’en contester l’intérêt phénoménal. Il s’agit d’une mesure à la fois sidérante et émouvante. Voir des trous noirs de cette manière est sans précédent dans notre histoire et je vais y venir en conclusion. Mais je crois néanmoins qu’il est important de produire certains éclaircissements par rapport à différentes analyses un peu trop rapides qui fleurissent ici et là, de façon que cette avancée exceptionnelle soit appréciée pour ce qu’elle est vraiment !

1) Vient-on de découvrir les ondes gravitationnelles ?

Non. La découverte est ancienne. Une découverte, en effet, est une indication que l’on considère comme suffisamment fiable pour lui accorder notre crédit. Ce n’est jamais une preuve irréfutable. C’est un faisceau d’indices qui convergent. On ne peut pas être certain, par exemple que ce qu’a mesuré le CERN est bien le boson de Higgs prévu par nos théories. Mais cela semble si crédible que nous pouvons collectivement nous mettre d’accord sur ce qu’il s’agit très vraisemblablement de la découverte expérimentale du Higgs.
Et ce sens, je crois qu’on peut s’accorder à considérer que les ondes gravitationnelles avaient déjà, et depuis bien longtemps, été découvertes ! En effet, le système binaire de Hulse-Taylor, un pulsar tournant autour d’une étoile à neutron, étudié dès 1974 a permis de montrer que la variation de période orbitale observée était exactement expliquée par l’émission d’ondes gravitationnelles. S’ensuivit le prix Nobel en 1993. D’autres systèmes de ce type furent découverts, tous en parfaite adéquation avec ce que prédisait l’émission d’ondes gravitationnelles (cf figure ci-dessous). À ma connaissance, plus personne ne doutait de l’existence des ondes gravitationnelles. La détection a donc déjà eu lieu il y a des décennies.
On pourrait objecter qu’il s’agissait d’une détection indirecte tandis que celle, toute récente, de LIGO est directe. Je pense que cette distinction n’a aucun sens épistémologique. Aucune détection n’est jamais “directe” : on observe les effets secondaires d’un phénomène physique sur des objets utilisés comme outils de mesure. C’est ce qui a lieu dans les deux expériences considérées et la seconde (LIGO) n’est pas plus « directe » que la première. Je suis persuadé que si l’interféromètre de type LIGO existait naturellement et que nous avions nous-mêmes construit le système binaire c’est à ce dernier que nous donnerions le qualificatif de « détection directe ».

Mesure (points), indépendantes de la récente détection par LIGO, de l'évolution de la période et comparaison (trait plein) avec la prédiction due à l'émission d'ondes gravitationnelles, pour un système binaire.
Mesure (points), indépendantes de la récente détection par LIGO, de l’évolution de la période et comparaison (trait plein) avec la prédiction due à l’émission d’ondes gravitationnelles, pour un système binaire.

2) A-t-on enfin vu les gravitons ? Continuer la lecture

LSST : un géant pour le cosmos

Le grand télescope LSST est actuellement en construction au Chili. Il fait partie de la classe des 8 mètres (typiquement la taille des plus grands télescopes actuellement en fonctionnement). Mais il présente une caractéristique très particulière qui le distingue des autres instruments et va sans doute constituer une vraie révolution dans le domaine : il a un champ de vue extrêmement large ! Il ne cherche pas à regarder avec un très fort grossissement une planète, une étoile ou une galaxie, il cherche à réaliser une carte globale de l’Univers. Jusqu’à maintenant nous ne connaissons, jusqu’à des profondeurs importantes, que de petites zones du ciel.

L’instrument permettra de cataloguer plusieurs milliards de galaxies (et 10 milliards d’étoiles), améliorant considérablement notre image du cosmos à grande échelle. De plus, parce qu’il reviendra périodiquement sur les mêmes zones du ciel, plus qu’une photographie il réalisera en fait un « film » permettant de mettre en évidence d’éventuels phénomènes variables. C’est une première à ce niveau de qualité et de sensibilité.

LSST tel qu'il sera dans quelques années (crédits : LSST collaboration)
LSST tel qu’il sera dans quelques années (crédits : LSST collaboration)

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« Et le centre était une mo­saïque d'éclats, une espèce de dur marteau cosmique, d'une lourdeur défigu­rée, et qui retombait sans cesse comme un front dans l'espace, mais avec un bruit comme distillé. Et l'enveloppement cotonneux du bruit avait l'instance obtuse et la pénétration d'un regard vivant. » Antonin Artaud