Je reproduis ici un petit éditorial invité qui m’a été demandé par une revue Suisse.
La vérité n’est pas négociable. Elle ne devrait évidemment l’être nulle part mais, en sciences peut-être plus qu’ailleurs, aucun compromis n’est en ce domaine acceptable. Les récents débats autour d’une ère « post-vérité » (bien que le phénomène ne soit en réalité absolument pas nouveau) ont souligné la dangerosité de tout laxisme avec l’exigence de vérité. Le respect de la vérité est plus qu’un guide : il est la condition de possibilité du discours rationnel.
Pour autant, comme cela fut rappelé avec finesse par Foucault et Deleuze (parfois victimes d’une lecture à contre-sens radical), il ne suffit pas de proclamer – à la manière d’un rituel presque magique – son attachement inconditionnel à la vérité. Encore faut-il avoir le courage de questionner la vérité pour mieux la comprendre, pour mieux la servir.
Que cela plaise ou non, ça ne fait pas question : le concept de vérité a évolué avec le temps. Et sauf à nous croire les incarnations de la « fin de l’histoire », il nous faut convenir qu’il évoluera sans doute encore. De plus, même à une époque donnée, il n’est pas le même pour toutes les cultures. En Grèce antique il était parfois synonyme d’éloquence et de capacité à convaincre, sans lien ferme avec ce qui peut advenir hors du discours – en opposition presque totale avec l’acception usuelle contemporaine. Respecter la vérité exige donc de la scruter, de la travailler et de la comprendre dans la diversité de ses significations (fut-ce pour en réfuter certaine).