Le nouvel auditorium de Radio – France

AuditoriumInauguré récemment, le nouvel auditorium de la Maison de la Radio est une grande salle de concert (près de 1500 places) à l’architecture surprenante puisque le public est réparti dans un vaste espace circulaire autour de la scène. La décoration intérieure est très belle, réalisée dans divers bois précieux et l’on note les irrégularités aléatoires des parois, destinées à maîtriser les réflexions parasites résonnantes, sans doute un peu à la manière d’un billard de Sinaï.

Les premiers concerts auxquels j’ai assisté ont toutefois confirmé les craintes que le bon sens peut susciter : sauf à se trouver dans les gradins face à l’orchestre, permettant une perception auditive à la fois naturelle et traditionnelle, les places latérales n’offrent qu’une audition assez décevante pour des raisons évidentes, les différents pupitres de l’orchestre étant fortement déséquilibrés malgré la présence en hauteur d’un diffuseur acoustique sensé rétablir, avec plus ou moins de bonheur, ce que la morphologie de la salle inévitablement dénature. A ce déséquilibre au niveau des masses orchestrales s’ajoute le fait que le soliste est parfois quelque peu inaudible, comme ce fut le cas le 19 décembre dans le concerto pour violoncelle de Dvorak, alors que la partition du compositeur tchèque est un modèle d’œuvre concertante où l’instrument et l’orchestre dialoguent dans une splendide harmonie mélodique où l’équilibre sonore est à tout instant maîtrisé.

Déception ? Oui, au moins jusqu’à présent, mais avec l’espoir que ces défauts seront vite corrigés si c’est possible. Sinon, un conseil s’impose : quitte à choisir les places  les plus onéreuses ou à s’éloigner un peu de la scène, s’assurer impérativement que l’on se trouve face à l’orchestre et non exilé en hauteur dans l’une des loges latérales !

Schrödinger et Valéry

L’un des Pères-fondateurs de la théorie quantique et l’auteur de Monsieur Teste : quoi de commun entre ces deux grands hommes ?ImageSchValeryBlog

Au premier, on doit les fondements d’une théorie physique permettant de comprendre, à toutes les échelles aujourd’hui observables, pourquoi l’univers ne collapse pas, pour reprendre les mots de Sin-itiro Tomonaga. Le second a accompli une œuvre littéraire et poétique considérable (on ne peut oublier “Ce toit tranquille, où marchent les colombes” ni “Le vent se lève… il faut tenter de vivre !”), tout en étant un professeur d’exception, un conférencier soulevant à chaque fois l’enthousiasme de son auditoire et une référence absolue dans le royaume des arts et lettres.

Tous deux furent des intellectuels ayant marqué leur époque d’une empreinte définitive irradiant l’avenir, chacun étant d’ailleurs nourri de réflexions à l’opposé du champ disciplinaire que l’histoire retient usuellement, les humanités et la philosophie pour l’un, les mathématiques et les sciences pour l’autre.

Alors, au-delà de la fécondité de leur œuvre et du rayonnement universel de leur pensée, en quoi leur destin et leur vie se ressemblent-ils ?

On le découvre en lisant la biographie de Schrödinger par Walter Moore (“Schrödinger, Life and Thought”, Cambridge University Press, 1989) et le passionnant livre de Dominique Bona (“Je suis fou de toi : le grand amour de Paul Valéry”, Grasset, 2014), où l’on apprend que ces deux personnages illustres furent aussi des hommes, en proie à des passions amoureuses hors du commun.

Moore raconte avec tact et délice comment l’on ne connaîtra sans doute jamais l’identité de la dame d’Arosa, la première femme à avoir vu écrite sur un carnet de travail l’illustrissime équation de Schrödinger à Noël 1925, prodigieuse percée de l’esprit humain à propos de laquelle Hermann Weyl, l’ami de toujours, écrivit “He did his great work during a late erotic outburst in his life”.  Michio Kaku dans “Einstein’s Cosmos” (Atlas Books, 2004) évoque l’impossibilité d’en savoir plus sur la mystérieuse lady d’Arosa en raison des “innumerable girlfriends” de Schrödinger (tout comme sur ses enfants illégitimes…).

Late dit Weyl, n’exagérons rien, Schrödinger n’avait que 38 ans… Dominique Bona, elle, nous révèle comment à 65 ans passés, au bout d’une vie amoureuse déjà bien remplie, Valéry a éprouvé une folle passion pour celle qui signait ses romans du nom de Jean Voilier mais dont le prénom était Jeanne, sa cadette de plus de trente ans. Si le livre de Dominique Bona est un régal par la fluidité de l’écriture qui donne au lecteur l’impression de vivre avec les personnages qu’il met en scène, il est avant tout poignant : le lecteur devient peu à peu le témoin consterné d’une véritable descente aux enfers provoquée par un déséquilibre amoureux faisant insidieusement perdre à Valéry ce qui le faisait vivre intellectuellement et lui donnait une énergie inouïe pour travailler comme un forçat malgré une santé toujours fragile, et en des temps particulièrement troublés. La stupéfaction attristée du lecteur est d’ailleurs confirmée par le parcours des “Lettres à Jean Voilier” (Gallimard, 2014), choix de lettres écrites par Valéry entre 1937 et 1945, tout au long d’un voyage amoureux dont la fin brutale et imposée a, à n’en pas douter, précipité la mort de l’auteur de “La jeune Parque”. On est peu à peu bouleversé par quelques vers exprimant pudiquement le désarroi grandissant, depuis  “Cette lucidité que l’amour environne/Se trouble d’ombre tendre à la source des pleurs” jusqu’à “Tu n’étais donc pas ce que je meurs de perdre”, tout en refusant de désespérer sur la passion du cœur malgré les ravages qu’elle commet parfois, autant chez les obscurs et les sans-grade que chez les plus grands, les rassemblant tous dans la même et fragile dimension humaine.

Dans ce billet, s’il fut question de deux hommes, n’oublions pas que d’autres égéries ont aussi laissé leur nom dans l’histoire, par leur œuvre bien sûr, mais aussi par les tourments qu’elles ont inspirés : que l’on se souvienne de Gala et du désespoir d’Eluard, de Marie Curie et de la triste fin de Pierre… En la matière, nul(le) ne saurait croire à une fatalité inscrite à l’origine dans la rencontre aléatoire de deux chromosomes différenciés…

Réseau de Bethe (arbre de Cayley)

Le réseau de Bethe, ou encore arbre de Cayley, est une arborescence sans boucle dont chaque nœud possède un nombre fixe (coordinance) de premiers voisins ; la figure montre à gauche un arbre de coordinance 3. Cet objet a priori purement géométrique est la base d’un grand nombre de modèles allant de la biophysique (réactivité des protéines) aux sciences bibliométriques (“rayonnement” (!) d’un chercheur selon la nature et le nombre de ses collaborations).

Une question importante, valant d’ailleurs pour tout type de réseau, est la pertinence du désordre : lorsque des liens sont brisés aléatoirement, quelle est la concentration faisant perdre au système sa connectivité à grande échelle ? Pour le chercheur, à en croire les “experts”, ce serait sa mort intellectuelle et sociale.

ArbreDeBetheAI

 

Il est intéressant de constater que cette structure géométrique se retrouve presque à l’identique dans la nature, comme en témoigne la photo ci-dessus à droite d’une euphorbia tirucalli, prise à l’exposition ELK qui s’est tenue en septembre à Blankenberge (Belgique). Cette manifestation annuelle rassemble des centaines d’exposants proposant aux passionnés de cactus, plantes à caudex,… des exemplaires rares dont chacun est un émerveillement et donne raison à Buffon s’extasiant devant l’infinie variété des spectacles de la Nature.