Mes dernières nouvelles de LSST datent un peu et beaucoup de choses se sont passées ! Caméra, télescope mais aussi le projet LSST dans son ensemble avancent. La première lumière sur le ciel n’est pas encore pour demain mais c’est en bonne voie. Le Vera Rubin Observatory se dresse sur la Cordilière des Andes.
LSST devient LSST
Le LSST a été rebaptisé. En fait il s’appelle toujours LSST (même si cet acronyme reste pas toujours très facile à prononcer), mais ces lettres ne signifient plus Large Synoptic Survey Telescope mais “Legacy survey of Space and Time”. Je trouve ce nouveau nom magnifique – mais aussi incroyablement ambitieux … La traduction de “legacy” est toujours délicate, mais on pourrait dire qu’il s’agit de réaliser une cartographie de référence de l’espace et du temps. Beau programme – un peu prétentieux peut-être, mais l’investissement humain et financier sur plus de deux décennies de ce projet légitime sa démesure.
LSST par le Vera Rubin Observatory
Mais ce n’est pas tout : le site se nomme désormais le Vera Rubin Observatory. C’est le premier observatoire à porter le nom d’une femme astronome. Cette scientifique a mis en évidence le problème de la vitesse de rotation des étoiles dans les galaxies, l’un des piliers du problème de la matière noire. En effet ces vitesses s’expliquent naturellement à condition d’englober le disque de la galaxie dans un halo de matière invisible qui s’étend bien au-delà de la partie visible. Si vous voulez en savoir plus sur cette brillante scientifique, cette émission sera parfaite !
Le télescope s’installe au Vera Rubin Observatory
Qu’en est-il concrètement ? La construction du dôme, suspendue quelques temps pour des raisons technico-administratives, avait bien repris. Le télescope lui-même était arrivé et ce puzzle géant était en cours d’assemblage. Jongler avec ces deux chantiers simultanément, efficacement, mais en toute sécurité était particulièrement complexe ! Mais ces activités n’étaient pas compatibles avec le télétravail et tout a été stoppé en mars dernier… Actuellement le site se réveille mais l’activité reste ralentie.
Le CNRS a produit une vidéo qui raconte comment le grand film de l’univers doit être réalisé par LSST et comment des laboratoires français participent à la construction.
De mon coté j’ai eu l’occasion de faire un podcast pour l’événement Imaginascience à Annecy, c’est ici : une interview par une étudiante en communication à partir d’un dessin de BD.
La caméra est achevée
Coté caméra, après plusieurs mois d’arrêt, la construction a pu être finalisée. 3,2 milliards de pixels, la plus grande caméra jamais construite. Nos collègues américains ont illustré cette caméra par un certain nombre de photos capables de couvrir 40 Pleine Lune en surface.
On m’a proposé d’être “marraine” d’un projet multi-média/science, qui s’est déroulé ce printemps à Grenoble. J’étais accompagné par le parrin, Éric Lewin, “cailloutologue”, spécialiste de Mars et des météorites – et hyper calé en science-fiction !
Notre rôle a été d’inspirer au début, puis de nourrir l’imagination fertile des participants. Mais le vrai travail est fait par l’équipe de la Casemate (CCSTI de Grenoble) et les professionnels du collectif “La Fabrique Média”. Ainsi, ce sont des soirées très dynamiques pour découvrir des artistes et leur mode d’expression et une aventure participative pour créer tout un univers de science-fiction qui ont eu lieu chaque semaine. Des participants de divers horizons et tout âge ont créé cette saga. Comme dans tout délire de science-fiction qui se respecte, nous avons essayé de maintenir un minimum de vraisemblance ! Tout est ensuite libre d’accès.
Compositeur, dessinateur, scénariste …
C’était vraiment un privilège de découvrir comment une scénariste parvient à créer une “bible d’univers” avec les idées d’une dizaine de personnes novices en la matière et avec des bagages très disparates (scientifiques, artistiques ou amateurs de science-fiction essentiellement). Ou encore comment un dessinateur transforme une suite de “consignes” en un personnage digne d’un film hollywoodien..
Technocrates et Mystiques vont confronter leur vision radicalement différente de l’énergie noire … Au départ j’ai simplement présenté quelques éléments sur cette énergie noire, responsable de l’accélération de l’expansion de l’espace et sujet majeur de LSST.
Ce personnage, Soraya, est une Terrienne cachée sur Mars. Ainsi, elle porte de grosses chaussures en plomb pour compenser la faible gravité, une sorte d’ombrelle métallique qui la protège du rayonnement cosmique puisque l’atmosphère martienne est trop ténue pour être assez efficace et arbore une sorte de coiffe, qui lui donne une allure guerrière et remplace la chevelure. En effet les Terriens ont évolué en perdant cheveux, cils, sourcils qui nuisaient à l’extrême propreté requise pour produire des vides de qualité suffisante pour exploiter l’énergie noire.
A faire vous aussi
Le dernier atelier a consisté en la finalisation de deux objets, un émetteur-récepteur et un transformateur-traducteur d’énergie noire. N’hésitez pas à en fabriquer pour vous : les liens vous donnent les plans et la marche à suivre. Il suffit d’aller dans un FabLab, d’avoir suivi les formations pour utiliser les machines, de s’appliquer … et d’avoir un peu d’imagination.
Et si vous avez envie de participer, une nouvelle saison consacrée à l’environnement se prépare, une nouvelle saga sera très probablement proposée au printemps 2020, à suivre sur EchoSciences.
J’attendais que notre webdocumentaire lamatierenoire.fr soit bien terminé pour en parler, mais c’est à présent chose faite depuis quelques mois !
Quoi, qui, comment
Quel est le sujet ? C’est la matière noire car elle nous nargue depuis près d’un siècle. Si les recherches ont permis d’éliminer un nombre toujours croissant de possibilités en ce qui la concerne, le mystère reste essentiellement intact, il est juste mieux défini …
Qui a conçu ce media ? Nous sommes un petit groupe de chercheurs et professionnels de la communication qui avons travaillé avec l’agence Canopée, avec laquelle je collabore depuis longtemps pour Planck. De Marseille, Annecy, Saclay et Grenoble, dans des laboratoires du CNRS, du CEA ou de l’ILL, nous traquons tous d’une façon ou d’une autre la matière noire. Ainsi notre objectif était de montrer ce que l’on sait, ce que l’on ne sait pas et comment on essaie de trouver sinon des réponses, du moins des indices. Bien-sûr le satellite Planck a un rôle de premier plan !
Pourquoi un webdocumentaire ?
Un “influenceur” sur YouTube aurait peut-être été plus porteur, mais ce n’était pas notre projet. Une exposition permet une interaction directe mais le nombre de personnes accessibles est limité. Une application est une option intéressante mais la nécessité de la décliner pour toutes les plateformes était trop coûteuse. Nous avons ainsi opter pour le webdocumentaire, un format accessible avec tout type d’écran et qui permet l’insertion de tout type de media. En effet les pages contiennent vidéos, jeux interactifs et bien-sur texte/image. Nous avons réutilisé des briques existantes lorsqu’elles correspondaient exactement à nos besoins. C’est économique et inutile de refaire ce qui est “parfait”. Nous avons également créer des médias lorsque c’était nécessaire.
Naviguer parmi les énigmes
Ce webdoc est inspiré de la toile cosmique et le visiteur navigue entre présentation du problème, candidats, moyens d’investigation, etc. Une véritable navigation 3D permet des explorations selon ses envies et le trou noir central recentre l’aventure quand on le souhaite. Néanmoins, on peut aussi naviguer avec le menu accessible en bas de l’écran, moins fun mais pratique.
Et pour découvrir qui vous guide dans ce voyage inédit, allez faire un tour sur la matierenoire.fr !
Je travaille maintenant dans la collaboration LSST, mais je suis attentive au futur de l’étude du rayonnement fossile en France avec une autre casquette.
On peut observer cette lumière primordiale depuis le sol, depuis un ballon stratosphérique ou depuis un satellite. Cette dernière option est naturellement la plus luxueuse ! Elle permet de voir la totalité du ciel à toutes les fréquences souhaitées. C’est aussi la version la plus onéreuse et la plus complexe … Pour participer à une expérience satellite, il faut soit porter un projet devant l’agence spatiale européenne, soit collaborer à un certain niveau d’implication (humain, technique et financier) dans un projet proposé à une autre agence. Dans tous les cas, l’agence spatiale française est bien-sur concernée.
Planck a pour le moment clos la question de la carte de la température du rayonnement fossile mais tous les regards se tournent vers la détection du signal en polarisation tensorielle censé être produit par les ondes gravitationnelles issues de l’inflation. Cette mesure “prouverait” la phase d’inflation primordiale car aucun autre scénario jusqu’à présent envisagé ne pourrait expliquer ce signal. Il donnerait également accès à l’échelle d’énergie de l’inflation, et donc à de la physique proche de l’échelle de Planck, proche de l’échelle supposée de Grande Unification des forces fondamentales – énergie des millions de fois supérieure à celle du LHC. Enfin le mécanisme d’émission de ces ondes prouverait le caractère quantique de la gravitation. Cette quête va donc en fait bien au-delà de la cosmologie.
La communauté française a mis en place un groupe avec des représentants de chaque laboratoire concerné pour définir le (ou les) projets le(s) plus attractif(s). Il y en a trois.
COrE++, la proposition européenne
Tout d’abord le projet européen, appelé COrEe++ (héritier de COrE et COrE+ …) :
COrEe++[] est directement le successeur de Planck, avec un concept similaire. Le plan focal sera équipé non plus de quelques dizaines mais de quelques milliers de détecteurs qui observeront le ciel non pas dans 9 mais dans une quinzaine de bandes de fréquence. Il a été proposé sans succès l’an dernier et sera re-proposé cette année. En théorie, c’est le projet avec la meilleure sensibilité au signal primordial en polarisation tensoriel de tous ceux en lice. Mais avec un lancement prévu en 2029-2030 si le projet est présélectionné en 2017 et sélectionné en 2019 typiquement …
PIXIE, la proposition américaine
Il y a d’un autre coté le projet porté par la NASA, également déjà proposé et également re-proposé cette année. Il s’appelle PIXIE :
Ce projet PIXIE [] se veut être le successeur de l’instrument FIRAS qui était à bord du satellite COBE il y a 25 ans. Cet instrument avait permis de montrer que le spectre de la lumière primordiale suivait “parfaitement” la loi de corps noir avec une température de 2,7255 kelvin. Faire mieux c’est détecter les écarts à la loi de corps noir, écarts prédits par la théorie et qui gardent l’empreinte de l’hélium primordial, du déroulement de la formation des atomes lors de la recombinaison ou de la réionisation par exemple.
PIXIE est un spectromètre, avec une sensibilité 1000 fois supérieure à celle de FIRAS, et non un imageur du rayonnement fossile. Il a une résolution angulaire de près d’un degré (contre quelques minutes d’arc pour Core++), et seulement 4 détecteurs. Mais ces derniers peuvent capter chacun des milliers d’informations “simultanément” et le fonctionnement de l’instrument permet d’obtenir 400 bandes de fréquence avec une mesure du flux très précise dans chaque bande dans chaque pixel de la carte. Avec ces informations uniques, il sera en mesure de séparer les émissions synchrotron et de la poussière galactique avec une efficacité inégalée et ainsi accéder plus précisément au rayonnement fossile même si la physique galactique s’avère complexe.
Ce projet est a priori premier dans la liste des priorités scientifiques de la NASA pour ce type de mission et devrait décoller en 2023 si tout se passe bien. Une possible contribution française est à l’étude.
LiteBIRD, la proposition japonnaise
Enfin il y a le projet porté par l’agence spatiale japonaise, la JAXA. Ce satellite se nomme LiteBIRD:
Le projet LiteBIRD [] est actuellement en phase AA au Japon, avec une contribution américaine déjà identifiée.
L’instrument est un imageur du rayonnement fossile, très similaire à COrEe++ en terme de nombre de détecteurs et de canaux en fréquence mais avec une résolution angulaire de l’ordre du degré. Par rapport au projet européen, il peut faire uniquement la physique du rayonnement fossile avec une moindre sensibilité (environ un facteur 10 sur le rapport tenseur-scalaire qui cherche à être mesuré) et pas de possibilité d’étudier l’effet de lentille gravitationnelle [] ou les amas par effet Sunyaev-Zeldovich [] en raison de sa moindre résolution angulaire. Mais la sélection semble quasi garantie pour un lancement en 2022 ou 2025, et non hypothétique pour un lancement en 2029-30 …
L’équipe LiteBIRD a été invitée par la JAXA à impliquer les Européens, en raison notamment de l’expérience acquise sur Planck et des discussions ont été initiées. Il faut vraisemblablement décider rapidement entre une demande Core++ ou une participation substantielle à LiteBIRD car ce sera une réponse au même appel à projet de l’ESA d’ici quelques mois.
L’avenir spatial de l’étude du rayonnement fossile en France se joue sans doute cette année, à suivre donc …
J’ai eu la chance d’être invitée par le Consulat de France à participer à la Nuit des Chercheurs à Hamilton au Canada.
Cet évènement reprend le principe de la Researcher Night européenne qui a lieu fin septembre dans plusieurs villes de France mais aussi d’Europe : une rencontre conviviale entre public de 10 à 110 ans et des chercheurs de tout domaine.
J’avais participé il y a quelques années à cette Nuit à Dijon avec un collègue. Le même scénographe Jean-François Desmarchelier métamorphose un espace, ici le MacMaster Innovation Park, pour créer une ambiance intrigante, poétique, propice aux échanges et au questionnement. L’organisatrice Florence Roullet, biochimiste, a déployé pour la seconde année une énergie formidable pour monter le projet, trouver les partenaires, diffuser l’information : bref tous les ingrédients d’un évènement culturel d’envergure. Et la lumière était à l’honneur.
En français parfois, en anglais surtout j’ai ainsi pu présenter l’écho lumineux du Big-Bang a un public très varié, toujours très chaleureux et enthousiaste, dans une ambiance sidérale :
L’organisation sans faille m’a permis d’en profiter pour rencontrer des chercheurs canadiens et présenter les principaux résultats de Planck au Perimeter Institute de Waterloo et au département d’astronomie de l’université de MacMaster à Hamilton. Le soutien de l’Université pour des collaborations permettra je l’espère de nouer de nouveaux contacts durables.
Certains modèles d’inflation ont été inventés par des chercheurs du “PI”, et ce laboratoire très prestigieux accueille des théoriciens parmi les plus brillants du monde. Bref, un peu impressionnant …
J’ai tout de même eu quelques heures pour me balader en fin de journée et découvrir, un peu, Hamilton situé au bord du lac Ontario.
Autre chose remarquable pour un Français : à une semaine de Halloween, un certain nombre de maison s arborent une décoration effrayante !
Mon séjour au Canada s’achève aujourd’hui avec un petit tour aux si célèbres chutes du Niagara avant de partir. Merci beaucoup à Florence, Jeff, Lionel, Cliff, Laura, Peter, Hélène, Sophie … pour ces quelques jours intenses et chaleureux !
Coté recherche, je ne suis plus que dans le projet LSST mais ma casquette “diffusion des connaissances” est toujours pour Planck. Et ce mois-ci, en résumé, je cause de Planck !
C’est parti d’un collègue de Planck qui nous a informé de cette possibilité : un ou deux mois dans un espace dédié dans le plus emblématique des lieux de culture scientifique français. J’avais toute confiance en mes collègues (parisiens surtout, c’est plus simple pour eux !) pour partager les séances d’animation. Mais il fallait quand même trouver comment s’insérer dans ce cadre particulier …
Au Palais de la découverte, on manipule, on expérimente et a priori notre expérience à nous est un peu loin de cet aspect. J’ai donc réfléchi à ce qu’on pouvait faire et repris, en plus ambitieux, un dispositif construit dans mon laboratoire pour illustrer la polarisation. C’était pour la grande exposition Planck lors de la fête de la science de 2009. Ce dispositif a d’ailleurs été utilisé pour illustrer la polarisation sur notre site planck.fr.
Grâce à la collaboration d’Asja, chargée de projet Planck sans qui je n’aurais sans doute pas entrepris cette aventure, nous avons mis au point un projet de base, trouvé un créneau libre et “intéressant” (je souhaitais fortement que ce soit pendant les vacances de la Toussaint). Une séance de travail avec l’équipe du Palais de la découverte a mis d’affiner et améliorer le projet qui se complète de deux conférences et bientôt d’un article dans leur revue (en janvier je crois). J’ai encore des améliorations à y apporter …
Ensuite, des ingénieurs et techniciens talentueux et inventifs du LPSC ont créé un dispositif à la fois “spectaculaire”, facile d’utilisation, complet, solide et esthétique :
J’ai trouvé un prestataire (trivision3d []) qui a su transformer nos faux reliefs en vrais volumes afin de mieux faire ressortir la troisième dimension apportée par la polarisation – des collègues ayaient auparavant fait des miracles pour créer ces faux reliefs ! Je les mettrai sur ce site ultérieurement, après l’exposition.
Nous avons 82 séances entre le 14 octobre et le 29 novembre, dont deux en langue des signes car un collègue est capable d’offrir cette possibilité. Satellite, bolomètre et manipulations basées sur la polarisation sont au rendez-vous, ainsi qu’une vraie visualisation 3D du rayonnement fossile (et bientôt de la Galaxie).
Planck a ajouté la polarisation à l’arsenal des outils pour la cosmologie de précision. Cette exposition je l’espère aidera petits et grands à en percevoir le potentiel et les premières leçons.
Depuis longtemps, depuis toujours presque, le CNES me fait rêver. Je reste toujours surprise quand je vois des adolescents ou des adultes qui ne savent pas que le CNES est le Centre national d’études spatiales … Heureusement le port spatial de Kourou ou le lanceur Ariane, tout le monde connait plus ou moins.
J’ai eu ma période astronaute, je voulais voler comme scientifique dans Hermès, la navette européenne alors en préparation, du moins en projet. Lorsqu’ils ont passé l’équipage de six à trois personnes, j’ai été vraiment déprimée … Le commandant et son co-pilote sont en général d’anciens pilotes de chasse – métiers incompatibles avec mes convictions, il restait une seule place. Bon j’ai aussi réalisé qu’ayant mal au cœur en voiture et étant sous-douée en sport, il était raisonnable de me rapprocher de l’espace par d’autres voies. Et puis la navette Hermès a été abandonnée.
Aujourd’hui j’ai la chance d’avoir comme métier de contribuer à comprendre comment fonctionne notre univers, avec en plus des occasions d’approcher le CNES, c’est déjà parfait.
Arrivée au CNES : déjà dans l’ambiance
Toulouse est une ville magnifique et le ciel y est vraiment omniprésent. Les avions, les antennes, les noms prestigieux bordent le chemin vers le centre de Toulouse, cœur du CNES. On est accueilli par une grande sculpture.
Bien-sur il faut être “invité”, donner son passeport et recevoir son badge … à coté d’Ariane 5 et de quelques satellites, comme il se doit.
Centres de commande du CNES : en direct de Mars
Des milliers de personnes travaillent au CNES. Parmi elles des ingénieurs qui préparent de nouvelles technologies, construisent des satellites, gèrent des projets et des ressources instrumentales etc. Ces photos donnent juste une idée des lieux, des installations, je ne voulais pas trop déranger les gens qui y travaillaient avec mon coté groupie …
La visite a commencé par la salle de commande de deux instruments à bord de Curiosity. Nous n’étions pas là aux heures de contact avec Mars – sinon on les aurait laissés travailleurs d’ailleurs ! Autour d’une maquette du rover martien étaient situés deux ensembles de postes de commande pour deux des instruments du rover. Ils ne travaillent pas vraiment “en direct” de Mars car les commandes transitent par le centre des opérations de la NASA. Schématiquement, chaque jour le rover se déplace de quelques mètres ou un peu plus et envoie un panorama à 360 degrés de son nouvel environnement.
Scientifiques de la mission et ingénieurs du CNES programment alors les cibles du laser qui pulvérise le sol pour une première série d’analyses qui permet de définir les meilleures roches pour des analyses plus approfondies. La matière doit être prometteuse et le tir faisable. Une dizaine de tirs en moyenne sont effectivement. Ce travail quotidien sur plusieurs années permet de mieux comprendre cette planète.
Centres de commande du CNES : en direct de Tchouri
La star du moment, pour moi, reste Tchouri. La sonde Rosetta et son acometisseur Philae accompagnent cette comète depuis près d’un an maintenant. Le SONC, Science Operation and Navigation Center, commande Philae et est là, au CNES, à Toulouse. Depuis cette salle dédiée, l’équipe en charge de Philae a calculé des millions de trajectoires de Rosetta vers la comète et aujourd’hui des études, des calculs sont toujours faits pour mieux savoir où est le petit robot et comment l’utiliser si le contact est rétabli. Son réveil est espéré, c’est bientôt la dernière chance car lorsque la comète passera au plus près du Soleil en août, le dégazage risque fortement d’endommager définitivement Philae. Rationnellement c’est inutile, mais j’envoie tout de même plein de pensées positives à Philae pour qu’elle retrouve assez d’énergie pour se réveiller, recevoir les nouvelles commandes qui lui permettront de mieux gérer son énergie et idéalement de nous envoyer quelques images et données supplémentaires …
En attendant Rosetta poursuit sa collecte de données uniques et ils estiment que Philae a accompli 80% de sa mission. On voudrait plus, mais c’est déjà extraordinaire !
Salle blanche du CNES : Microscope se construit
La visite s’est achevé par la visite (enfin la vue à travers la paroi vitrée de la salle blanche) de Microscope, un “micro-satellite” dédié à la physique fondamentale. Il doit partir en 2017, ils sont déjà passé en “planning étendu”, longue journée et samedi travaillé et ça s’avère insuffisant il reste les nuits et les dimanches. Tenir les plannings impose souvent d’utiliser une grande partie, voire la totalité des heures disponibles …
Ce cube abrite des masses-test qui seront en chute libre. Leur mouvement sera mesuré avec une précision diabolique pour vérifier si tous les corps chutent bien à la même vitesse. Pourquoi ? Certaines théories, la théorie des cordes en particulier, prédisent de minuscules déviations par rapport à ce principe de la Relativité. Ça mérite d’aller vérifier !
Nous avons aussi visiter un laboratoire d’électronique où des capteurs en tout genre, sont conçus ou modifiés, testés pour être “spatialisables”. La réussite d’une mission spatiale passe aussi par la résistance des éléments aux rayonnements cosmiques par exemple.
Commençons par l’actualité scientifique. Un nouveau communiqué ESA commun à Planck et Herschel a été très récemment publié à l’occasion d’un article Planck qui s’intéresse aux sources les plus lointaines détectées par Planck.
Du fait de sa faible résolution angulaire (environ 1/6 de Pleine Lune), déjà excellente pour étudier le rayonnement fossile mais pas fabuleuse pour faire de l’astrophysique, Planck ne détecte que quelques milliers de sources individuelles bien qu’il voit tout le ciel. En effet pour qu’une source soit identifiée il faut que sa luminosité soit grande devant le ciel moyen du pixel. Si la source est proche, elle va occuper une part importante du pixel et on la détectera facilement – les sources les plus proches comme l’amas de Virgo ou Coma sont même étendues, c’est-à-dire qu’elles occupent plusieurs pixels des cartes. Mais si la source est lointaine, elle ne sera visible que si la lumière qu’elle émet est vraiment particulièrement intense. Il y a alors deux possibilités : la source est intrinsèquement très brillante ou son éclat est amplifié par effet de lentille gravitationnelle. Les deux cas sont très intéressants mais Planck est incapable de distinguer les deux …
Les candidats “sources lointaines” sont alors cartographiés en détails par le satellite Herschel. Avec son miroir de 2m de diamètre concentrant la lumière sur seulement quelques arc-minutes carré, ce satellite, qui a partagé la coiffe d’Ariane avec Planck, peut distinguer les deux cas. Soit il s’agit d’un amas de galaxies, peut-être même un proto-amas, avec une formation stellaire très dynamique : Planck et Herschel voient alors le gaz prêt à faire une flambée d’étoiles, soit il s’agit d’un amas de galaxies ordinaire dont l’émission a été amplifiée : on peut alors étudier une source “ordinaire” mais lointaine, donc jeune, qui reste habituellement hors de portée.
Comme d’habitude, vous trouverez un peu plus de détails sur ces résultats ici. Ce travail a été dirigé par un collègue de l’IAS, Hervé Dole.
J’ai beaucoup écrit pour Planck ces temps-ci (j’ai eu aussi mon gros rapport “à 10 semestres” pour le CNRS …), donc j’ai un peu délaissé ce blog … Mais ca y est. Un peu de retard sur le calendrier très initial de juin 2014, mais la polarisation est enfin livrée. La “polarisation” signifie les cartes et les articles de la mission complète qui utilisent cette nouvelle observable de l’univers primordial. Tout n’est pas encore là en fait, car quelques articles ont quelques jours ou quelques semaines de retard et, surtout, il n’y a pas encore les données livrées en polarisation des canaux HFI polarisés hormis le canal à 353 GHz.
Mais la polarisation du rayonnement fossile est pour la première fois cartographiée sur tout le ciel :
Que nous apprend la polarisation ?
Si on regarde les résultats, on constate que les paramètres cosmologiques n’ont presque pas bougé. En quoi ce Graal de la cosmologie est donc si précieux ? C’est l’unique information autre que la température du rayonnement fossile de notre univers primordial qui nous soit accessible. On a deux informations indépendantes. C’est donc un outil très puissant pour vérifier, tester, contraindre les hypothèses et la physique du modèle. On dit que la température est reliée à la densité de matière. Mais c’est une interprétation de la mesure. On dit que la polarisation est reliée aux mouvements de cette même matière. C’est toujours une interprétation, dans le même cadre, avec la même physique. Est-ce que ca marche ? Oui, admirablement ! C’est la raison pour laquelle les paramètres cosmologiques sont si stables. Mais notre capacité à contraindre les hypothèses (propriétés des neutrinos ou de la matière noire par exemple) a sensiblement augmenté. L’édifice du “modèle cosmologique standard” est aujourd’hui d’une très grande stabilité. Bien-sûr on peut encore trouver des paramètres pour un 4ième neutrino compatible avec les observations par exemple si on le veut vraiment, il y a de (petites) barres d’erreur. Mais il n’y a aucun signe indiquant la nécessité de faire appel à de la “nouvelle physique”, même pas un petit signe …
La faute à Bicep
Pourquoi tant de retard ? Parce qu’on veut livrer des données fiables, aux erreurs systématiques maitrisées, et ca s’est avéré bien plus difficile que prévu. En tout cas pour les grandes échelles angulaires dès lors que l’on s’intéresse à la polarisation. C’est aussi un peu de la faute de BICEP : leur annonce nous a obligé à améliorer encore les résultats en polarisation sur la Galaxie et notre collaboration avec eux était un travail non prévu dans le planning au départ. Mais il est bien normal de s’adapter au contexte et Planck joue son rôle de “grand justicier”, pas désagréable au fond. Pour une fois que ce sont eux qui ont besoin de nous … Mais ce n’est pas très réjouissant cependant. En effet le signal galactique polarisé est présent partout et bien plus intense que ce qui était prévu. Ça complique sensiblement les plans de toutes les expériences qui cherchent les modes B primordiaux – dont Planck. Ça complique aussi la mesure du signal de la réionisation sur le spectre de puissance en modes E qui a été décalée de quelques mois …
En tout cas une immense qualité de la Galaxie est d’être particulièrement photogénique (grâce au travail acharné de quelques collègues) :
Je n’ai pas donné de nouvelles depuis un moment, mais j’ai beaucoup écrit pour Planck néanmoins !
Les résultats de la mission complète, y compris en polarisation étaient promis pour 2014. On y est, mais ca a été plus long et difficile que prévu. Et on garde les données de l’instrument haute fréquence en polarisation pour 2015, sauf à 353 GHz où ce n’est pas le rayonnement fossile mais l’émission des poussières froides de notre Galaxie qui domine. Ce n’est pas de l’égoïsme, c’est du “sérieux” : on a besoin d’encore un peu de travail pour être totalement sûr de livrer des données et des résultats fiables. Le niveau d’exigence est tel que c’est pas si facile, en fait … et le résultat mérite a priori ces efforts.
Un collègue (Marc-Antoine Miville-Deschenes à l’IAS) produit ces images somptueuses qui ont rencontré un certain succès (ici ou là) bien mérité !
Mais il faut chercher dans la précision accrue des mesures du rayonnement fossile les quelques pépites déjà disponibles : les neutrinos fossiles et la matière noire.
On ne s’étend pas aujourd’hui sur l’inflation : les résultats de 2013 sont confortés, et on attend la publication de l’article collaboratif Planck/BICEP2 pour revenir sur le sujet. C’est prévu aussi pour 2014, donc pour bientôt … En tout cas le “draft” est fini.
Ce qui est le plus fascinant, je trouve, ce sont ces 19 pics pour 6 paramètres. Ce n’est pas très idéal médiatiquement peut-être, pas plus que les contraintes sur les neutrinos ou la matière noire d’ailleurs, mais c’est magnifique. Le modèle “simple” de la cosmologie, avec 6 pauvres paramètres, rend parfaitement compte d’une immense quantité d’information : la température et la polarisation scalaire sur tout le ciel sur une gamme d’échelles angulaires couvrant trois ordres de grandeur … On peut tester les hypothèses du modèle précisément et tout colle. Il n’est aucunement besoin de faire appel à un ingrédient non prédit par le modèle standard de la physique des particules ou de la cosmologie (ce dernier incluant constante cosmologique et matière noire stable, qui ne sont pas dans le modèle standard de la physique des particules en revanche). Bien-sur on n’exclut pas totalement la possibilité d’une quatrième famille de neutrinos, on n’exclut pas du tout une matière noire qui s’annihilerait. Le champ des possibles, vu par les théoriciens, est immense et en croissance permanente. Le champ des possibles, vu par les observateurs, se restreint car les mesures sont de plus en plus précises. C’est une combinaison de vraisemblable, probable, possible, envisageable, improbable … Mais on progresse inéluctablement. Des réponses solides deviennent les bases de nouvelles questions légitimes. Le pré-Big-Bang par exemple, j’aime bien …
Il y aura le 22 décembre, a priori, les articles Planck soumis et en ligne, les données correspondantes disponibles, et une belle image du rayonnement fossile polarisé faite par l’ESA et la collaboration Planck. Notre cadeau de Noël (en plus des chocolats).
En attendant, un point complet est disponible ici sur futura-sciences !
Après vingt-cinq à attendre parler d’Atlas, ça y est, je l’ai vu !
J’ai assisté à des dizaines de séminaires et autres soutenances présentant les dimensions et caractéristiques impressionnantes du plus grand détecteur de physique jamais construit (ou de son alter-ego CMS). En vrai, c’est autre chose …
Il était temps : les ingénieurs du CERN referment les détecteurs car le faisceau sera opérationnel dans quelques mois avec l’énergie initialement prévue de 13 TeV. Déjà seul le “bouchon” d’Atlas est encore visible pour quelques jours.
Après la visite du détecteur, petit tour dans l’exposition du Globe. Une exposition très bien faite, pour tout public avec une belle esthétique. Ils s’approprient un peu trop le “Big-Bang” à mon goût, mais c’est quand même très réussi, et nous avons maintenant l’habitude … C’est gratuit, c’est ouvert à tous : aucune excuse pour ne pas s’arrêter si vous passer par Genève, voire faire un détour, le CERN le mérite bien …
Les expositions et manifestations art-science sont très à la mode, profitons-en ! Cette magnifique sculpture dévoile ses secrets ici.
Le CERN est une très belle réussite en termes de communication vers le public. C’est un devoir – c’est public et ses recherches appartiennent au citoyen, mais c’est un vrai défi car la physique des particules est autrement moins “sexy” que l’astrophysique ! Mais les efforts des chercheurs sont très importants pour mettre à la portée du plus grand nombre le sujet de leur recherche. Ce web-doc notamment est particulièrement réussi – on va essayer d’en faire un avec Planck en 2015 …
Voici un film que nous venons de rafraichir avec des vidéos des résultats de 2013 et un montage subtilement amélioré :
Cette vidéo a été en chantier pendant … 2 ou 3 ans ! Pas à temps plein heureusement mais il fallait un peu de temps pour mûrir le projet. L’objectif : présenter de la façon la plus accessible possible, en 5 minutes maximum (finalement 6 minutes …), la mission Planck de l’ESA avec sa problématique, ses objectifs scientifiques, ses moyens technologiques et humains. Donc de la cosmologie, de la cryogénie, du spatial ; bref tous les ingrédients pour explorer le rayonnement fossile.
Les images de cosmologie ont été puisées dans celles réalisées pour le film hémisphérique de l’exposition. Christophe Pichon, chercheur de l’IAP et membre du projet de simulation Horizon a réalisé une simulation complète de l’évolution des grandes structures, depuis les germes indiscernables dans la carte du rayonnement fossile jusqu’aux filaments très contrastés qui quadrillent notre environnement aujourd’hui. Ces images, précises et superbes sont très pédagogiques, donc il ne faut se priver de leur utilisation !
J’ai longtemps milité pour la création de la mascotte Max le photon, mais il est finalement un peu bicéphal. Créés par Canopée et leurs collaborateurs, Max est un petit bonhomme curieux qui explore l’univers et le photon nous aide dans les schémas optiques.
Après avoir enfin mis en place le synopsis, le texte exact il a fallu passer à la réalisation. Heureusement le CNRS abrite de nombreux talents et parmi eux Jean Mouette à l’IAP qui a réalisé le montage des images et du son.
Jean a également, par exemple, écrit et réalisé le film sur les 75 ans de l’IAP :
et il aura probablement l’honneur de réaliser l’interview du PI ou du coPI (nom officiel des deux grands chefs du consortium HFI) les grands chefs)de Planck pour les résultats 2014 !!!
Je n’ai aucune compétence particulière pour parler de cette mission mais son actualité est trop fascinante pour être ignorée !
En parallèle de la quête des origines des grandes structures, aventure dans laquelle Planck a bien-sûr un rôle majeur, il y a la quête des origines de la vie. La multiplication des exoplanètes identifiées permet d’envisager l’une des plus grandes découvertes de l’histoire de l’humanité – la preuve de vie dans d’autres systèmes stellaires- dans un avenir raisonnable. Mais les pièces du puzzle ne s’assembleront correctement qu’à la condition de comprendre mieux l’apparition de la vie sur Terre. Là, c’est Rosetta qui entre en scène.
Des acteurs communs
Individuellement, aucun chercheur ne travaille je pense sur ces deux projets car leurs thématiques scientifiques sont vraiment éloignées. Cependant les principales entités qui œuvrent sur ce projet sont les mêmes:
l’ESA, l’agence spatiale européenne. Elle coordonne le projet dans sa globalité, de l’appel d’offre à la communication des résultats scientifiques
le CNES, l’agence spatiale française est chargée du lancement, et coordonne les activités instrumentales dont elle a la responsabilité. Ces agences sont aussi en charge du lancement et des manœuvres. Dans le cas de Rosetta elles sont naturellement nombreuses, délicates et de première importance !
Le site du CNES est concis mais contient plein d’informations.
Vue d’artiste du satellite Rosetta approchant de sa comète.
Crédits CNES.
Côté laboratoire de recherche, l’IAS à Orsay, l’IPAG à Grenoble et l’IRAP à Toulouse et le LERMA à Paris sont impliqués dans Planck et dans Rosetta. L’été est actif entre Planck qui prépare intensivement la publication de ses résultats complets dans 2-3 mois et Rosetta qui commence son observation scientifique de la comète Tchouri (je me contente du “petit nom ” …).
Des calendriers entre-croisés
1993 : Rosetta est sélectionnée, le projet Planck répond à un appel de l’ESA
1996-2002 : période de construction des instruments, du satellite Planck (qui s’achèvera quelques années plus tard) et du vaisseau Rosetta. Rosetta ne peut se permettre de retard de toute façon, le calendrier est dicté par la comète …
2004 : lancement de Rosetta, voyage de 1,6 milliards de kilomètres dans le système solaire pour se positionner près de la comète
2009 : lancement de Planck. Voyage de 1,5 millions de kilomètres pour se positionner au point L2 d’observation. Ça fait un peu ridicule comparativement mais bon …
2011 : premiers résultats astrophysiques de Planck alors que Rosetta entre en hibernation
2014 : résultats cosmologiques, polarisation incluse pour Planck et réveil, approche, mise en orbite de Rosetta, “atterrissage” de Philae sur la comète
2015 : fin de la collaboration Planck avec une analyse finale, fin de la collaboration Rosetta après le passage au périhélie de la comète
De la théorie à la réalité
J’aime beaucoup ces deux images, l’une dite “d’artiste”, imaginée il y a des années et l’autre, bien réelle prise il y a quelques jours. La réalité dépasse la fiction …
Vue d’artiste du vaisseau approchant la comète.
Crédits ESa/ Ch. Carreau
Détails d’une zone du noyau de la comète. L’image a été prise le 6 août 2014 montrant en avant plan le plus petit des 2 lobes, la tête de la comète projetant son ombre sur la partie centrale, le cou, et le plus gros lobe, le corps.
Crédits ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA
Pour suivre cette aventure, il a le site de l’ESA (en anglais), des relais partout et futurasciences bien-sûr.
Le point de départ de cette page est de féliciter Jean-François Desmarchelier pour son prix Diderot-Curien 2014.
Jean-François est déjà présent sur ce blog puisqu’il est le réalisateur des vidéos sur Andrea, un collègue, et moi.
La médiation scientifique est le chaînon, indispensable, entre le “grand public” et les “acteurs de la recherche”.
De multiples activités
Revenons à l’exemple de Jean-François. Son métier, ou plutôt ses métiers : concepteur d’exposition, scénographe, réalisateur de documentaires et de web documentaires. Son site ataouk.com donne un aperçu de ses activités. Son travail artistique et ses compétences techniques sont essentiels pour une médiation efficace de la science. Donner envie, faire rêver, guider la découverte, aider à la compréhension. Ensuite libre à chacun d’aller plus loin avec des livres, des conférences plus spécialisées …
Je n’oublie bien-sur pas l’agence Canopée (Lionel, Amandine, Samuel Alexis …) sans qui notre exposition et notre site Planck (entre autres) n’auraient pas pu voir le jour. J’y reviendrai dans d’autres pages sans faute !
Rendre la science humaine et compréhensible
Au niveau d’une manifestion scientifique (Nuit des chercheurs à Dijon, Ouf d’astro à Vaulx-en-Velin), l’ambiance est travaillée : atmosphère sereine, juste ce qu’il faut de mystérieuse (car tout de même “on cherche” !) et propice à l’échange – les scientifiques sont des personnes comme les autres et prêtent à partager le pourquoi et le comment de leur travail.
Les secrets du bolomètre et du rayonnement fossile, Nuit des chercheurs 2013, Dijon. Crédits : Jean-François Desmarchelier.
L’autre défi est rendre les choses intelligibles … Ce n’est naturellement pas un cours, mais un partage impose un langage commun. Les acteurs de la médiation scientifique travaillent en étroite collaboration avec les chercheurs. Leur rôle est un peu d’accompagner le public vers les étoiles tout en ramenant les chercheurs sur Terre !
Éviter au maximum le jargon, identifier les mots et notions clés, se baser sur des savoirs ou des questions largement établis pour présenter les recherches en cours ou en projet, leurs objectifs et leurs moyens, tel est une partie de leur rôle.
Rendre la science belle
Évidemment avec l’astrophysique la base est déjà – en toute objectivité … – “belle” : les images sont très souvent somptueuses. Mais il faut reconnaitre que ce que les chercheurs trouvent “beau” c’est souvent plus ce qu’elles incarnent que leur aspect visuel. Le rayonnement fossile est archétypal. Ses petits grumeaux objectivement monotones sont plus émouvants que beaux. Il faut donc du talent et une mise en scène pour présenter l’image scientifique originelle, la rendre intelligible ET belle.
L’une de mes préférées est celle faite par l’un des infographistes de l’ESA :
Visuel emblématique des résultats cosmologiques de mars 2013. Crédits : ESA – collaboration Planck
L’uniformité est brisée par la superposition de la carte du rayonnement fossile et de l’image composite la carte “rose”, devenue un peu un symbole de Planck. Cette dernière représente essentiellement notre Galaxie, ainsi la mise en place des cartes explique que le rayonnement fossile est plus loin que notre environnement proche – et implicitement qu’il faut réussir à l’isoler et le soustraire pour accéder à l’image primordiale.
Une telle image est une base sur laquelle on peut expliquer presque tous les résultats de la mission Planck lors d’une exposition, quelques phrases ou bien plus selon l’intérêt, le temps disponible, les connaissances. Elle est agréable à regarder mais aussi intrigante : on a envie de savoir ce qu’elle veut dire …
Si vous n’avez pas en tête ce résultat majeur s’il était confirmé, vous pouvez faire un tour ici ou sur ce blog.
En très bref, la collaboration BICEP2 avait annoncé la détection d’ondes gravitationnelles primordiales. La détection semble très sérieuse, l’interprétation plus sujette à discussion: signature de l’inflation primordiale, ou juste émission thermique de la poussière galactique ? Le Nobel en dépend !
Depuis mi-mars, chercheurs, journalistes, grand public se demandent si c’est la découverte du siècle (enfin de la décennie, soyons raisonnable et laissons une place pour la matière noire …) ou une erreur – ou au moins un manque de prudence … Une chose est sûre : c’est une incroyable publicité pour Planck dont les résultats sont attendus comme le messie !
Bataille scientifique
Un journaliste m’a appris qu’une dépêche de l’APF annonçait que l’équipe de Princeton était très critique avec les résultats de l’équipe de Caltech et Harvard. Je n’étais pas au courant j’avoue – et je ne suis pas sûre que la presse soit le lieu idéal pour régler ses comptes entre instituts. Mais après l’annonce initiale en toute confiance, les propos sont à présent plus nuancés : l’article maintenant publié par l’équipe BICEP2 dans une revue scientifique est plus prudent quant à la précision de l’estimation de la part galactique du signal.
Cette évolution a été largement relayée (par exemple dans cet article).
Planck travaille sérieusement
La collaboration Planck est priée de donner le fin mot de l’histoire sur les avant-plans (au moins). Un premier pas a été fait.
Certains semblent estimer que Planck fait de la rétention d’information ou “se fait désirer”. Non, on essaie juste de donner un résultat fiable, tant au niveau du signal que de son erreur.
Le champ magnétique de la Voie Lactée vu par le satellite Planck. Les régions les plus sombres correspondent à une émission polarisée plus forte et les stries indiquent la direction du champ magnétique projeté sur le plan du ciel.
Crédits : ESA – collaboration Planck
Si c’était facile, on l’aurait déjà donné en 2013 ! Mais il faut maitriser l’ensemble des effets instrumentaux à un niveau tel que c’était impossible avant. Toute analyse est itérative : on enlève les effets principaux, on comprend les défauts résiduels, on trouve comment les corriger, on ré-analyse avec cette amélioration … et on recommence. On peut arrêter quand les défauts résiduels sont suffisamment faibles devant le signal attendu – et qu’on estime que l’on est suffisamment sûrs de cette affirmation.
Afin de s’assurer que ce processus s’arrête quand même un jour, les agences spatiales nous imposent des délais maximums. Délais repoussés dans les limites du raisonnable … et c’est ainsi qu’on arrive à octobre 2014. Toutes nos idées ne sont pas encore dans ces résultats – certaines encore en test, d’autres en cours d’implémentation. Ainsi de nouvelles publications basées sur une analyse encore plus raffinée sont prévues pour 2015.
Bref l’histoire est bien loin d’être finie, d’autant que BICEP2 et Planck ne sont pas seuls : au moins une demi-douzaine d’expériences au sol ou en ballon ont des mesures en cours d’analyse.
Quand on travaille sur l’analyse des données – entre autres, il faut nécessairement être dans une collaboration puisqu’il faut des données !
Après 3 ans sur EROS pour chercher de la matière noire, 3 ans sur CAT et 1 an sur HEGRA pour étudier les noyaux actifs de galaxies avec leur émission à très haute énergie, j’achève 14 années consacrées au rayonnement fossile – 4 essentiellement sur l’expérience embarquée en ballon Archeops et … 10 sur Planck. Il est temps de changer !
Certain(e)s se spécialisent dans un domaine, d’autres papillonnent un peu plus. En ce qui me concerne, j’aime bien changer. Après Planck, ma prochaine aventure – qui pourrait être encore plus longue que celle qui s’achève – s’appelle LSST.
Nom de code LSST
LSST signifie Large Synoptic Survey Telescope. Pas très joli à l’oreille et à peu près intraduisible. Ca commence pas très bien. Si on ne tente pas une traduction trop littérale, LSST signifie “un télescope pour tout voir”. Ça devient intriguant …
Ce que c’est : un télescope avec un miroir d’une surface équivalente à celle d’un 8 mètres de diamètre qui scrute tout le ciel visible du sol tous les 11 jours avec une caméra de plus de 3 milliards de pixels … Ses objectifs : tout. Des astéroïdes aux galaxies, des étoiles aux lentilles gravitationnelles. Naturellement il sera installé au Chili dans la Cordillère des Andes. Là, je ne peux pas résister !
Un bref aperçu en images :
Retour aux sources
En thèse, je travaillais dans EROS, plus précisément EROS 1 CCD. Un télescope de 40 cm de diamètre certes, mais à La Silla au Chili. Et la plus grande caméra CCD du monde, enfin la plus grande à l’époque bien-sûr, avec 16 CCD de 579 x. 400 pixels soit plus de 3,7 millions de pixels. Et la prouesse était de les lire en quelques minutes (2 je crois …) alors que d’autres instruments mettaient une quinzaine de minutes pour récupérer les informations de quelques centaines de milliers de pixels.
En 2022, trente ans plus tard, la plus grande caméra CCD du monde commencera ses observations scientifiques avec 1000 fois plus de pixels … lus en 2 secondes.
Un programme chargé
Que verra LSST ? Juste quelques milliards d’étoiles, quelques milliards de galaxies, quelques dizaines de millions d’exoplanètes. Et bien-sûr les astéroïdes qui risquent de menacer un jour la vie sur Terre ! Après tout, si l’astrophysique pouvait devenir utile, pourquoi s’en priver ?
Tous les champs de la discipline sont concernés puisque LSST va observer tout le ciel qui lui sera accessible. Un peu comme Planck, mais cette fois ce n’est pas dans le domaine submillimétrique mais tout “simplement” dans le visible.
LSST grand public
Vous voulez en savoir plus ? Le site www.lsst.org (en anglais) devrait vous plaire ! J’espère que nous proposerons bientôt un site en français, j’y travaillerai. En attendant je donnerai des nouvelles sur ce blog – sans oublier futura-sciences avec des articles sur site du Chili et le miroir notamment.
Le principe : Un chercheur / une manip. Donc ici c’est moi et l’expérience c’est, sans surprise !, Planck. Vous pouvez aussi retrouver celle consacrée à mon collègue Andrea Catalano : un autre chercheur mais toujours sur Planck :
“Plus le bleu est profond, plus il attire l’homme vers l’infini et éveille en lui la nostalgie du Pur et de l’ultime suprasensible. C’est la couleur du ciel, tel que nous nous le représentons, au son du mot ciel”
Extrait du Spirituel dans l’Art, et dans la peinture en particulier
J’ai découvert Kandinsky adolescente par une petite image dans mon dictionnaire des noms propres. Cette reproduction de quelques centimètres de cotés m’a “attrapée”. Des cartes postales et des posters, des livres et des expositions m’ont permis de découvrir son univers au fil des ans. Et depuis Kandinsky n’a jamais quitté ma chambre d’étudiante ou mon bureau … Ce n’est pas très original mais c’est ainsi !
Cette grande œuvre habite le mur face à mon bureau (pas la peine de préparer un cambriolage, c’est une belle affiche mais juste une affiche en vente au musée de Grenoble !) :
Un artiste “scientifique”
J’apprécie la rationalité de Kandinsky. Il a la liberté de l’artiste, mais elle s’appuie sur un ensemble solide de réflexions. Certes beaucoup de ses tableaux sont “agréables” mais leur impact va bien au-delà. Il écrit dans son livre Du spirituel dans l’art, et dans la peinture en particulier :
Action de la couleur
“Lorsqu’on laisse les yeux courir sur une palette couverte de couleurs, un double effet se produit :
1. Il se fait un effet purement physique, c’est-à-dire l’œil lui-même est charmé par la beauté et par d’autres propriétés de la couleur. Le spectateur ressent une impression d’apaisement, de joie, comme un gastronome qui mange une friandise.
…
Dans le cas d’un développement plus complet, cet effet élémentaire en provoque un plus profond qui entraine une émotion de l’âme.
2.
Dans ce cas, on atteint le deuxième résultat primordial de la contemplation de la couleur, qui provoque une vibration de l’âme. Et la première force, physique, élémentaire, devient maintenant la voie par laquelle la couleur atteint l’âme.”
Et c’est, je trouve …, similaire à ce que je ressens – comme beaucoup d’autres – devant une image de la nébuleuse d’Orion ou d’un champ de galaxies avec ses arcs gravitationnels. Ce n’est pas juste agréable, joli, poétique. Tout ce qui est contenu dans ces images les rend fascinantes, que ce soient les molécules complexes qui se forment dans des nuages pour ensemencer de futures planètes ou la matière noire trahie par la lumière d’un lointain quasar. L’astrophysique a toujours beaucoup de succès mais je pense que c’est encore plus par les portes qu’elle ouvre que par son esthétisme.
Art et science fondamentale : inutiles mais essentiels
La science fondamentale semble à certains du gâchis de temps et d’argent. D’autres estiment que subventionner les musées ou soutenir des artistes est inutiles. Il est vrai que les deux ne satisfont aucun de nos besoins physiques vitaux (sauf nourrir les artistes et les chercheurs bien-sûr).
Lors d’une fête de la Science un homme, cultivé et qui avait sérieusement réfléchit à son propos, m’a demandé à quoi servait dans le fond Planck, la cosmologie etc. Je lui ai d’abord répondu que nous avions besoin de comprendre et de toujours questionner pour aller plus loin, c’est dans notre nature humaine. Il insistait, franchement pas convaincu. Je lui ai alors demandé s’il aimait la musique. Oui il avait absolument besoin d’écouter de la musique ! A quoi cela lui servait-il ? … Il est reparti satisfait et plutôt heureux je pense.
Le rôle de l’artiste et du chercheur
Un autre extrait du livre de Kandinsky:
“L’artiste n’est pas un enfant du dimanche de la vie : il n’a pas le droit de vivre sans devoirs, il a une lourde tache à accomplir, et c’est souvent sa croix. Il doit savoir que chacun de ses actes, chacune de ses sensations, chacune de ses pensées est le matériau impalpable, mais solide, d’où naissent ses œuvres et que, pour cela, il n’est pas libre dans sa vie, mais seulement dans son art.”
En aucun cas je ne me comparerais à ce grand peintre, ni même à un artiste ! Mais l’art et la science fondamentale sont extrêmement proches. Leurs propres codes, toujours à réinventer. Leur inutilité essentielle. Leur nécessité impérieuse pour leurs acteurs. En revanche si la démarche artistique est très individuelle, la pratique scientifique est beaucoup plus collective. Mais au final il y a des courants, des groupes, des constructions collectives qui nous font avancer.
Je trouve les livres en pop-up absolument magiques … Donc quand je suis tombée par hasard sur le Big-Bang, je me devais de jeter un oeil !
Je suis pas vraiment fan de l’ “explosion” du Big-Bang (qui n’est pas une explosion), mais j’ai fait une exception car le genre s’y prête parfaitement et je suis rentrée chez moi avec ce bel ouvrage.
Notre histoire, du Big-Bang au Soleil, en quelques pages pleines de relief et de couleurs. Les grandes étapes s’animent avec poésie. Juste pour vous faire envie :
"Au fond de la nature pousse une végétation obscure, dans la nuit de la matière fleurissent des fleurs noires.” Gaston Bachelard