La déferlante BICEP2

Impossible d’y échapper, le sujet s’impose.

La nouvelle

Lundi matin (le 17 mars), on reçoit un mail d’un collègue de Planck avec le lien pour suivre la conférence de presse annonçant la présentation scientifique et la conférence de presse de BICEP2. Que dit la rumeur ? Le week-end, sur les réseaux, un “r=0.2” circulait, mais ça, on n’y croit pas !!!

Nous sommes à l’affut

On réserve une salle pour suivre ensemble la présentation, tout le groupe Planck et quelques autres cosmologistes sont là et il n’est pas encore 15h45 quand nous essayons de nous connecter. Ca ne marche pas. On re-essaie, un nouveau mail avec un autre lien arrive, ça ne marche toujours pas : visiblement ils sont victimes de leur succès. Ce n’est pas bien grave, ils ont effectivement mis en ligne, en parallèle, leurs articles.

Alors, qu’ont-ils trouvé ??

Que dit l’abstract, le résumé présent au début de chaque article ? Une détection à plus de 5 sigma (soit moins d’une chance sur un million environ que ce soit du hasard, c’est le seuil usuel pour considérer que l’on a une détection fiable). Ah quand même … Oui c’est mais peut-être un signal des avant-plans galactiques ? “r=0.2” est écrit, il signifie que l’amplitude du signal  laissé sur le rayonnement fossile par les ondes gravitationnelles primordiales serait vraiment très fort. On est toujours dubitatifs, nous regardons cartes et spectres. Les cartes en polarisation scalaire et tensorielle sont … impressionnantes … Les spectres, bon, il y a des barres d’erreur importantes mais la petite descente au bon endroit …. Il faut lire en détails mais le travail a l’air très complet et le résultat excitant/intrigant/étonnant. Évidemment leur faiblesse c’est de n’observer le ciel que dans une seule fréquence (une seule “couleur”). Ils le savent et font une batterie de tests pour mettre à l’épreuve l’origine cosmologique du signal. L’interprétation est, comme ils le disent eux-même, une première analyse rapide.  Vous trouverez un résumé j’espère bien accessible de leur article ici.

Extrait des cartes en polarisation publiées par la collaboration BICEP2 en mars 2014

Ces cartes vous semblent peut-être un peu petites, avec un résolution médiocre (comme celle à la Une) ? Elles viennent de leur article – je ne peux pas faire mieux. Et, surtout, il ne faut pas oublier ce qu’elles représentent : elles sont faites avec de la lumière qui a voyagé environ 13,8 milliards d’années et elles sont censées tracer les mouvements de la matière et les mouvements de l’espace sur un bout de ciel de la taille de deux pleine Lune . Donc c’est déjà vraiment impressionnant en fait !!!

Et maintenant, à nous de jouer

Nous sommes heureux de cette découverte : ce signal serait donc intense. Peut-être (sans doute ?) est-il un peu plus faible que cette première détection ne le laisse penser, mais il nous semble probable que “quelque chose” est bien là. Ce signal,  on va pouvoir l’étudier en détails et il va alors nous raconter durant ces prochains mois, ces prochaines années comment ce sont déroulés les tous premiers instants. L’enjeu est de comprendre quel mécanisme est à l’origine des structures. Le travail va se poursuivre, il faut confirmer (ou infirmer qui sait), affiner.

Nous sommes un petit peu jaloux aussi, forcément, mais Planck a d’autres atouts ! BICEP a été entièrement conçu pour traquer ce signal, rien que ce signal, et cette stratégie s’est révélée payante.
Nous n’avions bien-sur pas attendu les résultats de BICEP2 pour analyser les données de Planck en polarisation, mais la pression est montée d’un cran, voire de deux, c’est certain !