Une foule de résultats associés à la polarisation
J’ai beaucoup écrit pour Planck ces temps-ci (j’ai eu aussi mon gros rapport “à 10 semestres” pour le CNRS …), donc j’ai un peu délaissé ce blog … Mais ca y est. Un peu de retard sur le calendrier très initial de juin 2014, mais la polarisation est enfin livrée. La “polarisation” signifie les cartes et les articles de la mission complète qui utilisent cette nouvelle observable de l’univers primordial. Tout n’est pas encore là en fait, car quelques articles ont quelques jours ou quelques semaines de retard et, surtout, il n’y a pas encore les données livrées en polarisation des canaux HFI polarisés hormis le canal à 353 GHz.
Mais la polarisation du rayonnement fossile est pour la première fois cartographiée sur tout le ciel :
Que nous apprend la polarisation ?
Si on regarde les résultats, on constate que les paramètres cosmologiques n’ont presque pas bougé. En quoi ce Graal de la cosmologie est donc si précieux ? C’est l’unique information autre que la température du rayonnement fossile de notre univers primordial qui nous soit accessible. On a deux informations indépendantes. C’est donc un outil très puissant pour vérifier, tester, contraindre les hypothèses et la physique du modèle. On dit que la température est reliée à la densité de matière. Mais c’est une interprétation de la mesure. On dit que la polarisation est reliée aux mouvements de cette même matière. C’est toujours une interprétation, dans le même cadre, avec la même physique. Est-ce que ca marche ? Oui, admirablement ! C’est la raison pour laquelle les paramètres cosmologiques sont si stables. Mais notre capacité à contraindre les hypothèses (propriétés des neutrinos ou de la matière noire par exemple) a sensiblement augmenté. L’édifice du “modèle cosmologique standard” est aujourd’hui d’une très grande stabilité. Bien-sûr on peut encore trouver des paramètres pour un 4ième neutrino compatible avec les observations par exemple si on le veut vraiment, il y a de (petites) barres d’erreur. Mais il n’y a aucun signe indiquant la nécessité de faire appel à de la “nouvelle physique”, même pas un petit signe …
La faute à Bicep
Pourquoi tant de retard ? Parce qu’on veut livrer des données fiables, aux erreurs systématiques maitrisées, et ca s’est avéré bien plus difficile que prévu. En tout cas pour les grandes échelles angulaires dès lors que l’on s’intéresse à la polarisation. C’est aussi un peu de la faute de BICEP : leur annonce nous a obligé à améliorer encore les résultats en polarisation sur la Galaxie et notre collaboration avec eux était un travail non prévu dans le planning au départ. Mais il est bien normal de s’adapter au contexte et Planck joue son rôle de “grand justicier”, pas désagréable au fond. Pour une fois que ce sont eux qui ont besoin de nous … Mais ce n’est pas très réjouissant cependant. En effet le signal galactique polarisé est présent partout et bien plus intense que ce qui était prévu. Ça complique sensiblement les plans de toutes les expériences qui cherchent les modes B primordiaux – dont Planck. Ça complique aussi la mesure du signal de la réionisation sur le spectre de puissance en modes E qui a été décalée de quelques mois …
En tout cas une immense qualité de la Galaxie est d’être particulièrement photogénique (grâce au travail acharné de quelques collègues) :
Cette carte est si somptueuse que nous en avons fait une vidéo : une ballade dans tout le ciel.