Mon paysage
J’ai découvert Kandinsky adolescente par une petite image dans mon dictionnaire des noms propres. Cette reproduction de quelques centimètres de cotés m’a “attrapée”. Des cartes postales et des posters, des livres et des expositions m’ont permis de découvrir son univers au fil des ans. Et depuis Kandinsky n’a jamais quitté ma chambre d’étudiante ou mon bureau … Ce n’est pas très original mais c’est ainsi !
Cette grande œuvre habite le mur face à mon bureau (pas la peine de préparer un cambriolage, c’est une belle affiche mais juste une affiche en vente au musée de Grenoble !) :
Un artiste “scientifique”
J’apprécie la rationalité de Kandinsky. Il a la liberté de l’artiste, mais elle s’appuie sur un ensemble solide de réflexions. Certes beaucoup de ses tableaux sont “agréables” mais leur impact va bien au-delà. Il écrit dans son livre Du spirituel dans l’art, et dans la peinture en particulier :
Action de la couleur
“Lorsqu’on laisse les yeux courir sur une palette couverte de couleurs, un double effet se produit :
1. Il se fait un effet purement physique, c’est-à-dire l’œil lui-même est charmé par la beauté et par d’autres propriétés de la couleur. Le spectateur ressent une impression d’apaisement, de joie, comme un gastronome qui mange une friandise.
…
Dans le cas d’un développement plus complet, cet effet élémentaire en provoque un plus profond qui entraine une émotion de l’âme.
2.
Dans ce cas, on atteint le deuxième résultat primordial de la contemplation de la couleur, qui provoque une vibration de l’âme. Et la première force, physique, élémentaire, devient maintenant la voie par laquelle la couleur atteint l’âme.”
Et c’est, je trouve …, similaire à ce que je ressens – comme beaucoup d’autres – devant une image de la nébuleuse d’Orion ou d’un champ de galaxies avec ses arcs gravitationnels. Ce n’est pas juste agréable, joli, poétique. Tout ce qui est contenu dans ces images les rend fascinantes, que ce soient les molécules complexes qui se forment dans des nuages pour ensemencer de futures planètes ou la matière noire trahie par la lumière d’un lointain quasar. L’astrophysique a toujours beaucoup de succès mais je pense que c’est encore plus par les portes qu’elle ouvre que par son esthétisme.
Art et science fondamentale : inutiles mais essentiels
La science fondamentale semble à certains du gâchis de temps et d’argent. D’autres estiment que subventionner les musées ou soutenir des artistes est inutiles. Il est vrai que les deux ne satisfont aucun de nos besoins physiques vitaux (sauf nourrir les artistes et les chercheurs bien-sûr).
Lors d’une fête de la Science un homme, cultivé et qui avait sérieusement réfléchit à son propos, m’a demandé à quoi servait dans le fond Planck, la cosmologie etc. Je lui ai d’abord répondu que nous avions besoin de comprendre et de toujours questionner pour aller plus loin, c’est dans notre nature humaine. Il insistait, franchement pas convaincu. Je lui ai alors demandé s’il aimait la musique. Oui il avait absolument besoin d’écouter de la musique ! A quoi cela lui servait-il ? … Il est reparti satisfait et plutôt heureux je pense.
Le rôle de l’artiste et du chercheur
Un autre extrait du livre de Kandinsky:
“L’artiste n’est pas un enfant du dimanche de la vie : il n’a pas le droit de vivre sans devoirs, il a une lourde tache à accomplir, et c’est souvent sa croix. Il doit savoir que chacun de ses actes, chacune de ses sensations, chacune de ses pensées est le matériau impalpable, mais solide, d’où naissent ses œuvres et que, pour cela, il n’est pas libre dans sa vie, mais seulement dans son art.”
En aucun cas je ne me comparerais à ce grand peintre, ni même à un artiste ! Mais l’art et la science fondamentale sont extrêmement proches. Leurs propres codes, toujours à réinventer. Leur inutilité essentielle. Leur nécessité impérieuse pour leurs acteurs. En revanche si la démarche artistique est très individuelle, la pratique scientifique est beaucoup plus collective. Mais au final il y a des courants, des groupes, des constructions collectives qui nous font avancer.