Le 18 novembre 2016, s’est déroulée la restitution, selon les termes de l’Education Nationale et moi je dirais le bilan, sous forme de quatre exposés du voyage d’études sur l’île d’El Hierro aux Canaries des onze lycéens de l’établissement Jean Monnet de Montpellier. Cette restitution fait écho au “journal de bord” de la visite d’avril et mai 2016. Dans l’enceinte de la géode du Lycée Jean Monnet de Montpellier, il y a eu en fait deux restitutions : l’une pour les autres élèves, ceux qui ne purent pas participer au voyage d’études ; et une autre destinée aux parents des lycéens ayant fait la mission de découverte sur l’île d’El Hierro aux Canaries, soutenue aussi par le Club Jeunes IRD.
En mai 2016, avait été mis en ligne un compte-rendu de la journée du 2 mai d’herborisation sur El Hierro sur le site du Lycée Jean Monnet de Montpellier. Deux jeunes femmes s’y étaient particulièrement impliquées Dounia Tabouche et Emma Rozis, à ce jour, étudiantes en 1ère année respectivement à l’école d’ingénieurs Polytech Montpellier et en biologie marine à l’Université de Marseille. C’est le premier apport sur El Hierro dans la forêt de données recueillies sur “Tela Botanica” au sujet de la flore du Monde entier.
Je vous demande un brin de patience lors de l’utilisation des outils de “Tela Botanica” parce que, conçus à une échelle mondiale, ces derniers sont lourds. Quand vous serez en attente de téléchargement, une fleur verte virtuelle tournera à gauche et en haut de l’écran. Quand vous pointerez une localité (en bleu) , une petite main ouverte apparaitra en attente. Lorsqu’il sera possible de cliquer une seconde fois afin d’ouvrir l’herbier virtuel, un doigt pointera la localité choisie par vous. Il est à noter qu’apparaît, pour El Hierro, le nom de Dominique Chirpaz car cette professeure encadrante du Lycée Jean Monnet avait ouvert le portail afin d’introduire les données au sujet de cette île.
Derrière son portail, qu’est “Tela Botanica” ? Une association, née en 1999, pratiquant la botanique participative grâce à un réseau collaboratif de dizaines de milliers d’amateurs francophones. Elle a été créée à Montpellier, une ville de grande tradition dans l’étude des plantes grâce notamment à Pierre Magnol, Marie-Auguste Brousonnet, Augustin P. de Candolle et, au XXe siècle, Yves Delange et Francis Hallé. “Tela Botanica” commença de manière très modeste en décembre 1999. Toutefois, elle regroupait, dès le premier jour, des scientifiques de métier, une société savante largement centenaire (la Société Botanique de France reconnue d’utilité publique depuis 1875), et des associations de passionnés – en fait des amateurs éclairés venus de larges horizons – dont est issu son président-fondateur, Daniel MATHIEU.
L’association “La Garance Voyageuse”, l’un des trois membres fondateurs du portail “Tela Botanica”, évoque mes vertes années ; j’avais publié dans sa revue du même nom en 1993 un de mes premiers articles sur l’arbre fontaine d’El Hierro avec deux gardes forestiers des Canaries.
J’avais aussi connu la cheville ouvrière ou plutôt le rédacteur en chef de “La Garance Voyageuse” François Breton qui était technicien du Parc National des Cévennes et qui vivait tout au bout d’un chemin de terre avec son épouse à Saint-Germain-de-Calberte, un gros village du sud de la Lozère. Aujourd’hui, plus de vingt années après, François Breton travaille depuis longtemps déjà au Parc National du Mercantour en tant que garde-moniteur du secteur de l’Ubaye soit une tâche qui le laisse en contact intime avec la nature.
“La Garance Voyageuse” qui était l’équivalent pour les plantes de “La Hulotte” a su se transformer partiellement en un puissant vecteur de la botanique participative. Afin de vous donner une idée du changement d’échelle de l’impact des avancées botaniques, “La Garance Voyageuse”, née en 1988, avait grâce au sérieux de son travail 3 500 abonnés en 1999 et “Tela Botanica”, créée en 1999, regroupe plus de 36 000 inscrits en 2016.
En France, un autre support puissant en sciences participatives est le portail Vigie-Nature qui est coordonné par le Muséum National d’Histoire Naturelle (MNHN) de Paris qui anime aussi un blog spécifique. Par exemple, le suivi des populations de deux passereaux communs en France, le bruant jaune et le bruant zizi, nous éclaire, par ses conclusions, sur les impacts rapides du changement climatique en cours. Ce n’était pas du tout l’objet de la création de cet outil en sciences participatives qu’est Vigie-Nature et plus précisément le programme STOC (Suivi Temporel des Oiseaux Communs). Toutefois, le Muséum de Paris et la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) pensaient travailler à faire un suivi rigoureux des oiseaux, grâce à un fichier de données homogènes, pour le comparer aux modifications du tissu urbain, des pratiques culturales, etc. Bref, d’abord cela restait un travail classique d’observatoire dans le cadre balisé des études de la biodiversité et de la protection de la nature. Cet effet de surprise est la marque de la qualité de Vigie-Nature qui certes produit de bonnes données expérimentales mais surtout qui permet d’aboutir à des résultats inattendus et donc nouveaux pour la science.
En conclusion, deux éléments importants dans les sciences participatives sont réunis : la connaissance fine du terrain, souvent par des locaux, et un contrôle a posteriori des apports par les scientifiques avec la possibilité d’un dialogue en ligne en cas d’incertitude quant à la détermination d’une espèce. Nous retrouvons la force de la météorologie, dès le XIXe siècle, organisée par Le Verrier : une police pacifique quadrillant le territoire mais de nos jours, hors des gardes-guides forestiers des Parcs Nationaux, sans l’aspect hiérarchisé de celle-ci ; le contrat entre observateurs et scientifiques est seulement moral car basé sur le volontariat et que in fine il n’ y a pas d’argent ni de carrière en jeu.
Cet éloge des sciences participatives passe mieux auprès des Collègues scientifiques en ces temps de rigueur c’est-à-dire de coupures budgétaires. De plus, beaucoup de techniques fines se sont démocratisées : télétransmission des données dont celles photographiques par téléphonie portable, fonction de localisation par GPS, photographie par drones, etc. Les conditions étaient réunies afin que la science sorte de sa tour d’ivoire. Des disciplines traditionnelles, telles la botanique et la zoologie, évitent également leur marginalisation vis-à-vis de branches plus à la mode qui recrutent davantage et qui sont dévoreuses de crédits, telles la biologie et les biotechnologies. Il s’ajoute la force du lien social par rapport à ces dernières, confinées dans des laboratoires ne seraient-ce que pour des question de sécurité.