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La “lumière” gravitationnelle (3/4) : l’événément GW150914

Suite du billet précédent : De la barre à l’interféromètre

L’annonce historique de la première détection directe des ondes gravitationnelles a bel et bien été faite le jeudi 11 février 2016 par les équipes de chercheurs travaillant sur les interféromètres LIGO et VIRGO.

Il y a eu tant d’articles, billets de blog et autres interviews délivrés depuis dans les médias du monde entier que je ne vais pas développer longuement mon point de vue sur la découverte elle-même. Son intérêt majeur (on fera l’impasse sur les titres idiots du genre “Einstein avait raison”) n’est pas la détection en soi, prédite et attendue, mais:
1/ la confirmation directe de l’existence des trous noirs, vivement décriée par certains,
2/ non pas la fin d’une grande aventure scientifique comme c’était le cas avec la découverte du boson de Higgs-Englert (qui mettait un point final au modèle standard de la physique des particules, sans aller au-delà), mais au contraire le début d’une nouvelle ère pour l’astronomie expérimentale. Les fabuleuses prouesses technologiques mises en œuvre dans les interféromètres LIGO et VIRGO ont permis d’ouvrir enfin la fenêtre de l’astronomie gravitationnelle, avec vue à venir sur d’immenses territoires encore inconnus.

Au moment de l’annonce j’étais en voyage au Maroc. Je n’ai donc pas  pu assister à la conférence de presse, encore moins répondre aux nombreuses demandes d’interviews pour la presse écrite, la radio et la télévision.  Peu importe, de nombreux chercheurs l’ont fait et très bien fait, notamment mon ancien collègue à l’Observatoire de Paris Thibault Damour dans cette excellente interview pour le journal Le Monde. Ayant été l’un des premiers théoriciens à calculer les courbes d’émission gravitationnelle issue de la coalescence de trous noirs, Damour mériterait de figurer sur la liste des physiciens nobélisables, au même titre que son homologue américain Kip Thorne ou que le directeur du programme LIGO, David Reitze. Hélas, l’histoire montre que les prix Nobel de physique sont rarement donnés aux théoriciens qui prédisent tel ou tel phénomène, ils sont très généralement attribués aux expérimentateurs qui confirment la prédiction (à cet égard  le prix Nobel attribué à Higgs et Englert a été une heureuse exception).

Pour ma modeste part, je n’ai jamais travaillé directement sur le sujet des ondes gravitationnelles, mais je l’ai souvent évoqué dans des interviews (ci-dessous, sur ma chaîne youtube)

Pour en savoir beaucoup plus...

ainsi que dans mes articles et livres de vulgarisation. J’ai mis à profit les deux nuits blanches passées dans mon hôtel de Casablanca pour rédiger les deux billets de blogs précédents, ici et ici, qui reprenaient pour l’essentiel (en les actualisant légèrement) des éléments du chapitre que j’avais consacré à “La lumière gravitationnelle” dans mon livre de 2006, Le Destin de l’Univers : trous noirs et énergie sombre. Dans ce troisième billet je quitte le livre pour délivrer mes premières impressions sur la découverte annoncée jeudi. Dans un quatrième et dernier billet, je discuterai du futur de l’astronomie gravitationnelle. Continuer la lecture

La “lumière” gravitationnelle (2/4) : de la barre à l’interféromètre

Suite du billet précédent  Principes de base

Nouvelles lucarnes

Un mot un seul mot suffit
à perturber l’espace
Jean-Marc Debenedetti

Pour capter la lumière, il faut des télescopes. Comment concevoir un télescope gravitationnel ?

Le principe est simple. De même que les ondes électromagnétiques font vibrer une antenne réceptrice, les ondes gravitationnelles font vibrer d’une certaine façon la matière qu’elles rencontrent ; les « rides de courbure » faisant légèrement onduler le tissu élastique de l’espace-temps allongent ou raccourcissent les distances sur leur passage. Si, par exemple, le détecteur est un bloc de matière solide, ses différentes parties sont enclines à se mouvoir dans différentes directions à la traversée de l’onde gravitationnelle. Remarquons que, en raison de la traversée permanente d’ondes gravitationnelles, aucun corps matériel, aussi rigide soit-il, n’est strictement indéformable.

Une collision de deux trous noirs stellaires au centre de la Galaxie se traduirait par un déplacement de 10–14 millimètre des extrémités d’un détecteur ayant la forme d’une barre de 1 mètre de long. L’amplitude correspondante, qui est le rapport entre le déplacement et la taille du détecteur, est donc de 10–17. Le même phénomène se déroulant dans l’amas de galaxies de la Vierge, à 60 millions d’années-lumière, ne nous offrirait plus qu’une amplitude de 10–20.

À titre de comparaison, lorsqu’une onde gravitationnelle de cette nature traverse notre planète, elle ne fait varier le diamètre du globe (12 700 kilomètres) que de la largeur d’un atome. La construction d’un détecteur d’ondes gravitationnelles est donc un véritable défi technologique.

Joseph Weber et sa barre gravitationnelle en 1965
Joseph Weber et sa barre gravitationnelle en 1965

En 1965, Joseph Weber fit construire à l’université du Maryland un grand cylindre d’aluminium de 50 centimètres de diamètre pour 2 mètres de long, censé répondre par une oscillation de ses extrémités aux ondes gravitationnelles en provenance du centre galactique. Quand une onde gravitationnelle traverse le cylindre, l’effet de marée qui en résulte tend à éloigner puis à attirer les deux extrémités de la barre métallique. Weber crut avoir observé des effets positifs et l’annonça avec fracas ; mais, comme l’ont montré diverses expériences analogues, réalisées par la suite dans plusieurs pays (dont une, en France, à l’observatoire de Meudon), il s’agissait d’une interprétation incorrecte d’erreurs expérimentales. En effet, une explosion de supernova dans le centre galactique produirait au mieux une onde d’amplitude 10–18, alors que la meilleure des barres de Weber ne pourrait détecter qu’une amplitude 10 milliards de fois plus grande. De plus, la détection gravitationnelle d’une supernova dans le centre de la Galaxie relèverait d’un hasard invraisemblable : dans l’ensemble de la Galaxie, il ne doit pas exploser plus d’une supernova tous les dix ans, et l’impulsion gravitationnelle d’une explosion ne dure qu’une fraction de seconde. Continuer la lecture

La “lumière” gravitationnelle (1/4) : principes de base

Je voudrais poser une question à monsieur Einstein, à savoir, à quelle vitesse l’action de la gravitation se propage-t-elle dans votre théorie ?
Max Born, 1913

Dans la théorie de Newton, la gravitation est une force agissant instantanément entre les corps massifs. Cette idée était inadmissible aux yeux de nombreux physiciens, Newton compris, et un siècle plus tard Laplace proposait une modification de la théorie dans laquelle l’interaction gravitationnelle se propageait à vitesse finie. L’idée fut vite abandonnée, car elle soulevait immédiatement une question à laquelle personne ne savait répondre : lorsqu’un corps massif est violemment perturbé, le champ gravitationnel qu’il engendre doit s’ajuster de proche en proche à la nouvelle configuration du corps ; sous quelle forme se propage le réajustement ?

La théorie de la relativité générale d’Einstein permet d’organiser en un schéma cohérent les intuitions sur la propagation de la gravitation. Einstein s’était demandé si une masse en mouvement accéléré pouvait rayonner des ondes de gravité, de la même façon qu’une charge électrique en mouvement accéléré rayonne des ondes électromagnétiques. Dès 1916, il découvrit effectivement des solutions de ses équations du champ gravitationnel représentant des ondulations de la courbure de l’espace-temps se propageant à la vitesse de la lumière. Il venait d’inventer la  “lumière gravitationnelle”.

Good Vibrations

Et quel vent d’outre-monde emporte au gré des ondes
la promesse de toutes les germinations?
Charles Dobzynski

L’analogie entre ondes gravitationnelles et ondes électromagnétiques est utile pour la conception du phénomène, mais elle ne conduit guère plus loin. La structure d’une onde gravitationnelle et ses effets sur la matière sont bien plus complexes que ceux de l’onde électromagnétique. Une première différence notable vient du fait que la gravitation est purement attractive ; la masse, c’est-à-dire la « charge gravitationnelle », a toujours le même signe. Il en résulte qu’un oscillateur gravitationnel élémentaire, constitué de deux masses vibrant aux extrémités d’un ressort, ne rayonne pas le même type d’ondes que deux charges électriques de signe opposé. Dans le cas électromagnétique, le rayonnement est du type dipolaire, dans le cas gravitationnel il est du type quadripolaire.

La nature quadripolaire des ondes gravitationnelles. La figure montre l’effet d’une onde gravitationnelle parvenant perpendiculairement au plan d’un anneau de particules test. Selon la relativité générale, les ondes gravitationnelles peuvent adopter deux motifs particuliers, ou états de polarisation. La polarisation du haut, dite "plus", dilate et contracte alternativement l’anneau sans changer la direction de ses axes principaux ; la polarisation du bas, dite "en croix", tourne de 45° les directions de compression et d’étirement.
La nature quadripolaire des ondes gravitationnelles. La figure montre l’effet d’une onde gravitationnelle parvenant perpendiculairement au plan d’un anneau de particules test. Selon la relativité générale, les ondes gravitationnelles peuvent adopter deux motifs particuliers, ou états de polarisation. La polarisation du haut, dite “plus”, dilate et contracte alternativement l’anneau sans changer la direction de ses axes principaux ; la polarisation du bas, dite “en croix”, tourne de 45° les directions de compression et d’étirement.

Une autre complication vient de ce que le graviton, l’hypothétique particule médiatrice de l’onde gravitationnelle, transporte une charge gravitationnelle associée à son énergie, tandis que le photon, particule médiatrice de l’interaction électromagnétique, ne transporte pas de charge électrique. Par conséquent, l’onde de gravitation produite par une masse accélérée est elle-même source de gravitation : la gravitation gravite. En termes techniques, on dit qu’elle est non linéaire. Cette non-linéarité introduit des difficultés considérables dans la résolution des problèmes apparemment les plus simples, comme le calcul du champ gravitationnel engendré par deux corps en mouvement. Continuer la lecture

La saga des constantes cosmologiques

L’étude de l’univers dans son ensemble, c’est-à-dire la cosmologie, requiert la connaissance  de certaines constantes fondamentales, même si certaines – comme la constante de Hubble –  peuvent varier sur de très longues périodes de temps.

couvIBB2014La cosmologie a émergé en tant que science il y a moins d’un siècle après la publication des premiers articles d’Einstein, Friedmann et De Sitter vers 1920, puis la découverte de l’expansion de l’Univers par Lemaître et Hubble. Jusqu’alors, beaucoup pensaient même que l’Univers se limitait à la Voie lactée et que les « nébuleuses spirales » étaient de simples nuages de gaz qui en faisait partie. Depuis, on a découvert que l’Univers – du moins celui que nous pouvons observer – a un diamètre un million de fois plus grand que celui de la Voie Lactée, qu’il est né il y a quatorze milliards d’années et qu’il est en expansion depuis, qu’il a une géométrie de courbure proche de zéro, et qu’après s’être ralentie, son expansion s’accélère depuis quelques milliards d’années. Mais toutes ces découvertes ne se sont pas faites sans mal, et elles ont été accompagnées de violentes controverses et de remises en cause parfois douloureuses. Continuer la lecture

Un mini-trou noir au CERN ? Absurde !

Les trous noirs artificiels

Qu’est-ce qui arrive dans ces machines atomiques ? La matière se réduit en bouillie, vous y mettez du gruyère et il en sort du quark, des trous noirs, de l’uranium centrifugé ou que sais-je encore ?
Umberto Eco, Le Pendule de Foucault

 Après deux années de travaux intenses de maintenance et de consolidation et plusieurs mois de préparation en vue du redémarrage, le Grand collisionneur de hadrons (LHC) du CERN, le plus puissant accélérateur de particules du monde, est de nouveau en service. Il fonctionnera à une énergie sans précédent, près de deux fois l’énergie obtenue lors de la première campagne qui avait conduit à la découverte du boson de Brout-Englert-Higgs. Les collisions proton-proton de 14 TeV attendues avant l’été permettront aux expériences LHC d’explorer de nouveaux territoires de la physique.
Mais déjà les titres absurdes fleurissent dans les médias : “mini-trou noirs et univers parallèles : ce que nous réserve le CERN”, “LHC can help detect parallel universes”, etc., pour ne pas parler des délires dignes d’un asile d’aliénés, type :   “ouverture imminente des portes de l’enfer”, “black hole doomsday”, etc.

Cette psychose du désastre n’est pas nouvelle; elle est même profondément ancrée dans l’esprit humain, ou tout au moins dans certains esprits à tendance paranoiaque. Déjà, dans son édition du 18 juillet 1999, l’hebdomadaire britannique Sunday Times annonçait la mise en chantier du nouvel accélérateur de particules du laboratoire de Brookhaven (États-Unis) d’une manchette tonitruante : « La machine à big-bang pourrait détruire la Terre ». Suivait un commentaire fantaisiste, suggérant que le risque d’engendrer, lors d’une collision de particules à haute énergie, un mini-trou noir capable d’aspirer la Terre n’était pas négligeable. Malgré les démentis des physiciens, l’émoi provoqué par ce titre fut planétaire – ce qui était bien l’effet recherché.
En 2007, rebelote et surenchère avec la mise en œuvre du LHC. Comme aucun mini-trou noir n’a évidemment pointé son nez, les médias se sont un peu calmés. Et maintenant, cela recommence de plus belle avec la remise en service de l’accélérateur qui s’est effectuée cette semaine, et la montée en puissance prévue pour l’été. Continuer la lecture

Une nova dans le Sagittaire

Une étoile devenue visible à l’œil nu le 21 mars dans la constellation du Sagittaire fait l’actualité astronomique du moment. Repérée pour la première fois le 15 mars par un astronome amateur australien, sa luminosité a augmenté pour atteindre la magnitude maximale de 4,3 (donc repérable à l’œil nu dans de bonnes conditions d’observation). Son éclat s’est mis alors à diminuer, mais elle reste bien visible avec une paire de jumelles.

Champ d'étoiles avant et après l'apparition de la nova Sagittarii 2015/2. ©Valvasori
Champ d’étoiles avant et après l’apparition de la nova Sagittarii 2015/2. ©Valvasori

Elle a été baptisée Nova Sagittarii 2015 No. 2. Il s’agit en effet de ce que les astrophysiciens appellent une nova, étoile dont l’éclat augmente brutalement durant quelques jours. Retour et explications sur ce remarquable phénomène astrophysique. Continuer la lecture

Un trou noir à Hollywood (3) : Pile et face

Suite du billet précédent : Retour aux bases

Le calcul de la trajectoire des rayons lumineux autour d’un trou noir suppose une bonne connaissance de la nature de la source lumineuse. Si les trous noirs existent réellement dans la nature (et il semble bien que ce soit le cas), ils ont de bonnes chances d’être éclairés par des sources extérieures de lumière. Une situation intéressante est celle où la source d’éclairage est une série d’anneaux matériels en orbite autour du trou noir. On pense que de nombreux trous noirs sont entourés de telles structures, nommées disques d’accrétion. Les anneaux de la planète Saturne sont un exemple célèbre de disque d’accrétion ; ils sont constitués d’un amalgame de cailloux et de glace qui réfléchit la lumière du Soleil lointain.

La planète Saturne et ses anneaux. On considère que le disque d'accrétion d'un trou noir, bien que constitué de gaz, a une forme similaire, c'est-à-dire des anneaux circulaires et une faible épaisseur.
La planète Saturne et ses anneaux. On considère que le disque d’accrétion d’un trou noir, bien que constitué de gaz, a une forme similaire, c’est-à-dire des anneaux circulaires et une faible épaisseur.

En revanche, dans le cas d’un trou noir, les anneaux d’accrétion se composent d’un gaz chaud qui rayonne lui-même. Ce gaz tombe peu à peu en spirale dans le trou noir, de façon analogue au mouvement de l’eau entraînée dans un tourbillon. Sa chute s’accompagne d’une élévation de sa température et d’une émission de rayonnement. Voilà donc une bonne source d’éclairage : les anneaux d’accrétion brillent et illuminent le trou noir central. On peut alors s’interroger : quelle est l’image apparente du disque d’accrétion autour d’un trou noir ? Continuer la lecture

Interstellar : un trou noir à Hollywood (1)

Certains d’entre vous auront sans doute noté une certaine effervescence médiatique à la veille de la sortie (le 5 Novembre) du film Interstellar. Fruit de la collaboration entre le réalisateur Christopher Nolan et mon collègue physicien Kip Thorne, Interstellar raconte les aventures d’un groupe d’explorateurs qui utilisent un trou de ver pour parcourir des distances jusque-là infranchissables et trouver une nouvelle planète habitable à coloniser pour l’humanité. A noter que Kip Thorne, conseiller scientifique du film mais aussi producteur exécutif, avait déjà été consulté dans les années 1980 par Carl Sagan lorsque ce dernier, pour son roman Contact (ultérieurement adapté au cinéma), cherchait une méthode scientifiquement plausible pour faire voyager ses héros dans l’hyperespace ; Thorne, spécialiste de la relativité générale et des trous noirs, lui avait alors suggéré ces hypothétiques racourcis de l’espace-temps que sont les trous de ver.

Mais pour espérer emprunter un trou de ver, encore faut-il d’abord pouvoir naviguer dans les parages d’un trou noir géant (comme celui qui réside au centre de notre Voie lactée, dont la masse est estimée à 4 millions de fois celle du Soleil) et y plonger. A quoi donc ressemblerait visuellement un tel panorama cosmique, vu par le hublot d’un vaisseau spatial ? Continuer la lecture

Un premier pas raté vers l’exploitation minière des astéroïdes

Le démonstrateur Arkyd-3, embarqué sur le vol du Cargo Cygnus le 28 octobre.
Le démonstrateur Arkyd-3, embarqué sur le vol du Cargo Cygnus le 28 octobre.

Hier 28 octobre à 22h20 TU, la start-up Planetary Resources, basée à Seattle, espérait lancer  avec succès son premier engin spatial en orbite terrestre – une étape préliminaire dans l’ambitieux projet de la compagnie privée visant à l’exploitation des ressources minières des astéroïdes (métaux, hydrogène, oxygène, glace d’eau). Baptisé Arkyd-3, le nano-vaisseau spatial (33 centimètres de longueur sur 10 cm de large)  était embarqué sur une fusée Antarès aux côtés du cargo spatial Cygnus, chargé d’assurer le ravitaillement de la Station Spatiale Internationale en pièces de rechange et consommables.

Lanceur et cargo spatial ont tous deux été développés par la société privée Orbital Sciences Corporation, sélectionnée par la NASA pour assurer une partie des taches jadis prises en charge par la Navette spatiale américaine jusqu’à son retrait en 2012. Quant au nano-satellite Arkyd-3 développé par Planetary Resources, son objectif est de tester la technologie que la compagnie projette d’utiliser pour sa future flotte de télescopes spatiaux consacrés à la détection des géocroiseurs, c’est-à-dire les astéroïdes circulant sur des orbites proches de la Terre, donc aussi facilement accessibles que la Lune. Continuer la lecture

La galaxie éventrée

La galaxie spiral ESO 137-001 "éventrée" lors de son passage à travers le cœur de l'amas Abell 3627.
La galaxie spirale ESO 137-001 “éventrée” lors de son passage à travers le cœur de l’amas Abell 3627. © ESA/NASA

Sur cet extraordinaire cliché publié le 14 mars 2014 par l’Institut du Télescope Spatial Hubble (cliquez dessus pour l’agrandir), la galaxie spirale ESO 137-001 se répand en lumineuses traînées bleues, qu’elle laisse derrière elle en traversant les régions centrales de l’amas de galaxies Abell 3627. L’Agence américaine, toujours friande de formules spectaculaires, a titré : “Une galaxie spirale perd son sang et ses tripes”.  Qu’arrive-t-il donc réellement à cette malheureuse ?

Les traînées contiennent une multitude de jeunes étoiles (d’où la couleur bleue), nées dans la galaxie et confinées dans un flux de gaz, mais arrachées à leur environnement, tandis que l’ensemble se déplace dans le gaz surchauffé présent au  centre des amas riches de galaxies. La région centrale d’ESO 137-001, colorée en brun, est repoussée de la même manière, mais là ce sont de fines particules de poussière obscure qui sont arrachées, résultat des forces de pression exercées par le gaz de l’amas sur l’ensemble. Après son passage, ESO 137-001 sera appauvrie en gaz froid nécessaire à la formation de nouvelles étoiles. Continuer la lecture

Où s’arrête le système solaire ?

Pour en finir (momentanément) avec ma petite saga sur le Système solaire, auquel j’ai consacré récemment les billets Le Soleil dans tous ses états et Le royaume magnétique du Soleil, ce petit billet d’humeur concerne les récentes déclarations selon lesquelles la sonde américaine Voyager 1, lancée en 1977, aurait “passé la frontière du système solaire, devenant le premier objet envoyé par l’homme à atteindre l’espace intersidéral”. C’est ainsi que le 12 septembre 2013, la Nasa a une nouvelle fois annoncé que sa sonde Voyager 1 était sortie de la sphère d’influence du Soleil. Je dis bien “une nouvelle fois”, car ne manquant jamais une occasion de faire mousser ses exploits technologiques, l’agence spatiale américaine n’en était pas à son coup d’essai. La sonde Pioneer 10 était déjà censée être sortie du Système solaire en… 1983, alors qu’elle avait à peine dépassé l’orbite de Neptune (autant dire la porte à côté). Même antienne en 2010 et en 2012 avec Voyager 1 & 2.  Alors cette fois, est-ce la bonne ? Nullement, comme je le démontre plus loin.

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Le royaume magnétique du Soleil

Le 25 février dernier, une énorme tache solaire de 200 000 km de diamètre, présente depuis janvier sur l’hémisphère sud de notre étoile, a relâché une puissante éruption dite de classe  X5. La puissance d’une éruption en rayons X est classée selon une échelle linéaire : une éruption solaire de classe X2 est deux fois plus puissante qu’une éruption de classe X1, etc. La plus puissante éruption jamais enregistrée, datée du 4 novembre 2003, a été estimée à X28.

L’éruption du 25 février 2014 s’est toutefois  produite lors d’un cycle solaire particulièrement peu actif. Comme rappelé dans un billet précédent, un cycle solaire dure en moyenne  11,2 ans et atteint un pic d’activité magnétique durant ce qu’on appelle un maximum solaire. Le degré d’activité se mesure par le nombre de taches qui sont observées sur le disque solaire. Les taches elles-mêmes sont causées par les lignes de champ magnétique émergeant dans la photosphère – la “surface” du Soleil.  Plus l’activité magnétique est grande, plus le nombre de taches solaires est élevé. Continuer la lecture

Tintin au pays des astéroïdes

Depuis quelque temps je suis constamment sollicité par les médias – presse, radio, télévision – pour donner mon avis sur le degré de dangerosité des astéroïdes dits “géocroiseurs”. En témoignent notamment l’émission de Michel Alberganti intitulée “Astéroïdes : comment éviter la fin du monde?”,  diffusée le 28 février dernier à l’antenne de France Culture (podcast ici), celle de Stéphane Paoli sur France Inter que j’ai enregistrée ce matin et qui sera diffusée dimanche 16 mars, ou ma petite interview de deux pages qui vient de paraître dans le numéro de mars du magazine Sciences & Avenir.

couv-asteroidesIl est vrai que j’ai imprudemment commis en 2012 un  ouvrage au titre provocateur, Astéroïdes : la Terre en danger.  Assertion que j’aurais d’ailleurs voulu transformer en question interrogative à laquelle répondre  dès la quatrième de couverture  par un rassurant “non, pas vraiment” , mais – impératifs commerciaux obligent -, c’est l’affirmation  exagérément alarmiste qui avait été retenue par l’éditeur.

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Le Soleil dans tous ses états

L’observatoire solaire SDO (Solar Dynamics Observatory), mis en orbite par la NASA il y a quatre ans, observe et photographie le Soleil en continu au rythme de 4800 images par heure.  L’extraordinaire vidéo qui suit montre en accéléré l’activité fébrile de notre étoile – taches solaires, éruptions, protubérances – au cours des douze derniers mois – 2013 fut en effet l’année du maximum d’activité solaire dans son présent cycle d’activité de 11 ans.

Il a fallu les observations combinées des trois instruments du télescope SDO et l’addition de vingt-cinq images individuelles pour mettre en évidence les régions les plus turbulentes de notre étoile.
© NASA/GSFC/SDO/S. Wiessinger
Pour mieux comprendre cette vidéo, voici quelques rappels simples.

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Des étoiles aux quasars : le programme de Gaïa

Cet article reprend une interview que j’ai donnée pour la revue “Une saison en Guyane”, agrémentée de quelques images…

On parle d’un milliard d’étoiles cartographié par Gaïa, cela ne représente que 1% du nombre d’étoiles de la Voie lactée ? Ça paraît peu…

C’est la question qui vient lorsqu’on pense qu’il y a au moins 100 milliards d’étoiles dans la Voie lactée ! Mais 1 milliard c’est énorme pour nous. On a un échantillon extrêmement significatif tout simplement parce qu’on a une assez bonne idée de la structure de notre galaxie, donc l’échantillon est homogène. J’aime bien comparer la Voie lactée à une forêt pour décrire le travail de Gaïa, au lieu d’avoir des arbres vous avez des étoiles. Un botaniste qui rentre dans une forêt qu’il ne connaît pas trop  va observer les arbres à différents stades de leur évolution, des jeunes pousses, des arbres en pleine maturité, des arbres qui commencent à vieillir et des arbres morts. A partir de là il va reconstituer l’histoire individuelle des arbres, puis l’histoire de l’ensemble de la forêt grâce à cet échantillon significatif des arbres à tous les degrés de leurs existences.  Hé bien c’est un peu ça que va faire Gaïa avec ce milliard d’étoiles, en étudiant le spectre et les couleurs, les luminosités de ces étoiles, en déterminant quelles sont les étoiles adultes, quelles sont les vieilles étoiles, où et quand elles se sont formées. On va reconstituer  l’histoire entière de la Voie lactée.

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Mon rêve de scientifique : la découverte de la vie extraterrestre

Cela fait 25 siècles, depuis Epicure, que l’homme s’interroge sur la pluralité des mondes habités. La question, jugée hérétique par l’Eglise, a fini par atterrir dans l’escarcelle des scientifiques, après avoir fait un détour par la Science-Fiction. Anticipant la possible découverte d’une vie extraterrestre, qui contredirait par exemple le concept de dieu rédempteur ayant créé l’homme à son image et envoyé son fils unique sur la Terre pour le sauver, le père jésuite José Funes, directeur de l’Observatoire du Vatican, a expliqué qu’il existait  sans doute d’autres humanités, mais que seule l’espèce humaine avait commis le péché originel, les extraterrestres n’ayant eux pas besoin de rédemption !

La recherche d’une vie extraterrestre a cessé d’être une utopie il y a une quinzaine d’années avec l’exobiologie, qui est désormais l’une des grandes branches de l’astrophysique. Encore faut-il d’abord comprendre comment la vie a pu apparaître sur notre planète Terre. En 1996 je résumais les différentes hypothèses dans le petit documentaire qui suit:

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Télescope Gaia J+3 : impressions personnelles

Le lancement du télescope Gaia, qui s’est déroulé le 19 décembre depuis le Centre Spatial Guyanais de Kourou, a été une totale réussite. Je ne reviendrai pas dessus, l’événement ayant été amplement décrit et commenté dans la presse, voir par exemple les billets de Futura-Sciences ici et ici. Je me contenterai de livrer quelques impressions personnelles. Voir aussi mon post précédent sur le sujet.

Bien que n’étant aucunement impliqué dans le programme scientifique de Gaia, j’ai eu la chance d’être l’invité « VIP » de la direction d’Arianespace, et j’ai donc assisté pour la première fois à un lancement  de fusée (une Soyuz en l’occurrence ;  le télescope Gaia pesant à peine plus de 2 tonnes ne nécessitait pas une mise en orbite par une puissante Ariane 5).

Une centaine de passagers  dans l'avion spécialement affrété par Arianespace : personnel des agences spatiales, ingénieurs,  scientifiques, politiques, journalistes.
Une centaine de passagers dans l’avion spécialement affrété par Arianespace : personnel des agences spatiales, ingénieurs, scientifiques, politiques, journalistes.

Le programme n’était cependant pas de tout repos. Départ le 18 décembre matin de l’aéroport Charles de Gaulle à bord d’un Boeing spécialement affrété par Arianespace, en compagnie  d’une cinquantaine d’invités.

Après 10 heures de vol, nous arrivons au-dessus de la Guyane. Depuis le hublot, au lueurs du soleil couchant, les plus beaux paysages nuageux que j’aie jamais vu, voir ma galerie d’images formations nuageuses.

Arrivée à l’aéroport de Cayenne à 18 h heure locale (22h à Paris).

maquette grandeur nature au Centre Spatial de Kourou
Maquette grandeur nature d’Ariane5 à l’entrée du Centre Spatial Guyanais

Température agréable, autour de 28°C. Le Centre Spatial Guyanais (CSG) se trouve à Kourou, à une soixantaine de km de l’aéroport. Une petite heure de bus nous y amène.

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