La “lumière gravitationnelle” (4/4) : le futur est dans l’espace

Suite du billet précédent : L’événement GW150914

Pour détecter des ondes gravitationnelles de moindre amplitude ou de plus basse fréquence que celles accessibles à la génération d’interféromètres au sol comme LIGO et VIRGO, il faudra envoyer les détecteurs dans l’espace. C’est tout l’enjeu du projet phare de l’ESA baptisé eLISA (bel acronyme signifiant en anglais european laser interferometric space antenna, soit « antenne spatiale interférométrique à laser »). Il s’agit d’expédier trois satellites en orbite autour du Soleil, disposés chacun aux sommets d’un triangle équilatéral de 5 millions de kilomètres de côté et reliés par des faisceaux laser. Sur une aussi grande longueur, le passage d’une onde gravitationnelle de basse fréquence devrait engendrer une fluctuation significative de la distance entre les satellites, mesurable par les lasers embarqués. Reste bien sûr à stabiliser les distances entre les satellites avec une précision jamais atteinte, ce qui suppose de compenser par exemple la pression du vent solaire et autres influences parasites. C’est pour tester cet élément décisif que l’Agence Spatiale Européeenne a lancé fin 2015 la sonde “d’éclairage” LISAPathfinder, qui en janvier 2016 est parvenue au point de Lagrange L1, à 1,5 millions de km de la Terre et a libéré deux masses-étalon séparées seulement de 38 cm.  Il s’agit de s’assurer qu’en l’absence d’onde gravitationnelle, cette distance ne varie pas de plus d’un millionième de l’épaisseur d’un cheveu humain, auquel cas le passage d’une onde gravitaitonnelle serait détectable.   Si tout fonctionne, l’interféromètre complet eLISA pourrait être placé en orbite en … 2034. Un peu de patience est donc requise…

Le schéma de principe de l’observatoire eLISA consiste en trois satellites en formation équilatérale, séparés chacun de 5 millions de kilomètres, l’ensemble tournant autour du Soleil.

Le schéma de principe de l’observatoire eLISA consiste en trois satellites en formation équilatérale, séparés chacun de 5 millions de kilomètres, l’ensemble tournant autour du Soleil.

eLISA et les interféromètres au sol LIGO et VIRGO seront complémentaires ; leurs domaines de fréquences n’étant pas les mêmes, les sources observables seront différentes. Affranchi des ondes sismiques, eLISA travaillera dans les basses fréquences, comprises entre 0,0001 et 1 hertz – domaine intéressant pour capter les trous noirs massifs.

Les instruments au sol VIRGO et LIGO ne seront pas rendus obsolètes par l’interféromètre spatial LISA, car leurs domaines de fréquences et de sensibilité seront différents. VIRGO et LIGO détecteront les effondrements de supernovae en trous noirs, et les coalescences d’étoiles à neutrons et de trous noirs stellaires. LISA fonctionnera dans la gamme des sources X binaires situées dans notre galaxie, et celle des couples de trous noirs géants dans les galaxies lointaines.
Les instruments au sol VIRGO et LIGO ne seront pas rendus obsolètes par l’interféromètre spatial LISA, car leurs domaines de fréquences et de sensibilité seront différents. VIRGO et LIGO détecteront les effondrements de supernovae en trous noirs, et les coalescences d’étoiles à neutrons et de trous noirs stellaires. LISA fonctionnera dans la gamme des sources X binaires situées dans notre galaxie, et celle des couples de trous noirs géants dans les galaxies lointaines.

L’observation d’une coalescence de trous noirs massifs par eLISA sera spectaculaire. Pour un couple de trous noirs de 1 million de masses solaires chacun, eLISA surveillera les 40 derniers jours de leur phase spiralante, soit 600 orbites, et l’amplitude du signal atteindra 10–17 à la distance fabuleuse de 3 milliards d’années-lumière. Environ 10 000 fois supérieur au bruit, cet intense signal fournira une localisation extraordinairement précise d’un événement, et l’identification optique de l’amas de galaxies où il sera produit déterminera avec une précision du pour cent les paramètres clés des modèles cosmologiques, comme le taux d’expansion de l’Univers et sa densité d’énergie moyenne. On pourra alors confirmer ou non si notre Univers est essentiellement rempli d’une forme d’« énergie noire », dont l’effet accélérateur sur l’expansion cosmique modifierait le destin de l’Univers tout entier.

Malgré l’observation de quelques galaxies géantes à double noyau actif associées vraisemblablement à des couples de trous noirs géants, le phénomène de fusion de tels trous noirs massifs se produit rarement. En revanche, tapi au cœur d’une galaxie, un trou noir massif célibataire capture plus souvent des étoiles. Nous avons vu au chapitre précédent que, lorsqu’elles sont de type solaire, c’est-à-dire peu denses, les étoiles sont détruites par les forces de marée en s’approchant du trou noir. Cependant, les astres compacts comme les étoiles à neutrons et les trous noirs de masse stellaire perdurent sans être brisés et chutent en spiralant jusqu’à l’horizon du trou noir. eLISA détectera les ondes gravitationnelles émises par ce phénomène et assistera à la dernière année de la vie d’une étoile compacte chutant en spirale dans un trou noir de 1 million de masses solaires, et ce jusqu’à une distance de plusieurs centaines de millions d’années-lumière.

La galaxie active Markarian 315 possède un noyau double, résultant de la fusion de deux galaxies. Chaque noyau abrite vraisemblablement un trou noir massif, en orbite l’un autour de l’autre. Actuellement distants de 6 000 années-lumière, ils finiront par fusionner et par produire une bouffée d’ondes gravitationnelles de forte amplitude mais de basse fréquence, détectable par un interféromètre spatial.
La galaxie active Markarian 315 possède un noyau double, résultant de la fusion de deux galaxies. Chaque noyau abrite vraisemblablement un trou noir massif, en orbite l’un autour de l’autre. Actuellement distants de 6 000 années-lumière, ils finiront par fusionner et par produire une bouffée d’ondes gravitationnelles de forte amplitude mais de basse fréquence, détectable par un interféromètre spatial.

L’enregistrement du signal gravitationnel durant cette année de chute permettra de cartographier la structure de l’espace-temps autour du trou noir massif. On comparera alors cette structure observée à la solution mathématique de Kerr qui décrit les trous noirs en rotation. Cette solution prédit une forme de la courbure de l’espace-temps spécifique aux trous noirs : ni étoile ni amas d’étoiles ne peuvent courber l’espace-temps de cette manière. On pourra alors conclure définitivement à l’existence des trous noirs dans l’Univers.

L’histoire récente de l’astronomie a prouvé que, chaque fois que l’homme a scruté le ciel par d’autres yeux que les siens, de nouvelles merveilles lui sont apparues, le forçant à réviser ses conceptions et améliorant un peu plus sa compréhension de l’Univers.

Avec la détection de l’événement GW150914 en septembre 2015, la fenêtre gravitationnelle vient juste d’être ouverte. Maintenant que les premiers signaux directs sont captés, l’information sur le mouvement et la nature des sources reste encore noyée dans beaucoup de bruit parasite. Mais, animés de la certitude que l’astronomie gravitationnelle est celle des siècles futurs, nous lancerons bientôt dans l’espace de gigantesques interféromètres parfaitement isolés des secousses telluriques et de l’agitation humaine…

12 réflexions sur “ La “lumière gravitationnelle” (4/4) : le futur est dans l’espace ”

  1. C’est une aventure fantastique, exaltante, encourageante, belle et spirituelle. Et en même temps c’est aussi tout le contraire ailleurs. Il y a tout dans l’univers, le pire et le meilleur, et c’est étrange et merveilleux de pouvoir accomplir le meilleur, de réussir des gestes qui peuvent se déployer du fond d’un rêve jusqu’entre les étoiles…

    1. Certains jours, on a l’impression qu’il y a de l’intelligence sur Terre. Merci aux chercheurs et surtout à ceux qui communiquent les découvertes.

      1. Ces jours deviennent hélas de plus en plus rares. Merci en tout cas pour votre commentaire.

  2. Je me demande quel type de corrélation faut-il espérer entre la carte du rayonnement cosmique gravitationnel et celle du rayonnement électromagnétique. Faut-il aussi espérer une polarisation du rayonnement gravitationnel ? C’est aussi intéressant de noter que notre propre galaxie ne sera plus un obstacle opaque, nous liberant de la necessité des extrapolations arrisquées qu’on pratique actuellement.
    Merci, Dr. Luminet, par vos explications, toujours si faciles à comprendre.
    Manuel Cabedo
    Barcelone

    1. Le rayonnement gravitationnel d’origine primordiale (engendré par exemple peu après le big bang dans des transitions de phase violentes de type inflation) sont censées produire une polarisation du rayonnement électromagnétique émis lors du découplage matière-rayonnement 380 000 ans après le Big bang et que nous captons aujourd’hui sous forme du rayonnement cosmologique fossile. Cette polarisation a cru avoir été trouvée en 2014 par l’expérience américaine BICEP2 et annoncée à grand renfort de publicité, mais les données plus précises du télescope européen Planck sur la polarisation ont invalidé leur interprétation. Il faudra attendre des expériences bien plus fines pour mesurer les ondes gravitationnelles cosmologiques.

  3. Tout d’abord merci mr Luminet pour toutes ces explications. Toutefois j’aurai voulu une précision sur la chronologie de l’hypothèse de l’univers ouvert avec proton stable. Dans” le destin de l’univers” vous indiquez qu’il faut 10 exp 1500 années pour arriver à l’âge de fer et ” seulement “10 exp 1076 ans pour l’âge des trous noir qui semble devoir se produire après, même si entre trous noir et effet tunnel je suppose que la ligne du temps est grandement perturbée j’avoue ne pas comprendre (ce qui au contraire n’est pas surprenant), d’avance merci.

    1. Bonjour et merci de me lire. Il y a peut-être une coquille typographique dans l’édition que vous avez, car l’âge des trous noirs n’est pas 10 exp 1076 ans, mais 10 exp(10exp76) ans, ce qui change du tout au tout!

      1. Merci, effectivement petite coquille dans l’édition folio essai. En tout cas cela me laisse le temps de lire d’autres de vos œuvres. 🙂
        Cordialement

  4. Un immense merci, Monsieur Luminet, de m’ouvrir les yeux sur ce champ de possibles. Je vous ai découvert lors d’une émission radio, et j’ai de plus en plus l’impression que la lyre et le télescope sont finalement deux merveilles, aptes à nous faire découvrir le “froufrou des étoiles”. Je découvre votre blog et suis émerveillée. Je vais continuer à lire vos publications avec attention; l’émerveillement en ces heures sombres est si rare et précieux qu’il demande à être prolongé. Merci pour cette appréhension de l’espace en constante expansion.

  5. Bonjour Monsieur…
    Une prose…. rêvée.
    Agréable journée
    Après quelques jours…. de concentration, d’écriture… de partage, de découverte aussi… mon compagnon de plume et moi vous invitons à une lecture en musique afin de vous imprégner du texte…. bon voyage…. dans le temps…. l’espace…. frontières ….
    ( Radioactive… images dragons Harp cover par Amélie guiboux youtube, essayez la lecture avec, si le texte vous plaît….)

    merci à toi Laurent Orsucci

    ©Laurent Orsucci/Gaëlle-Bernadette Lavisse

    Les âmes vagabondes

    Nous sommes les voleurs de temps
    nous sommes partout de par les mondes,
    à chaque instant, chaque seconde.
    Nous étions là dans l’avant-jour,
    nous sommes les voleurs de jours

    Nous sommes les premiers nés de l’univers
    bien au-delà de la matière.
    Ça vous rend fou, oui Mr Planck !
    c’est par avant mur où l’on se planque.
    Nous sommes les voleurs de nuits

    Nous parcourons, années lumières
    les étoiles, les galaxies.
    Nous prenons un peu d’avance
    les tunnels, trous de vers blanc.
    Raccourcis, lumière devance
    un côté jour, un côté nuit
    Mais nous ne sommes pas là lumière,

    nous sommes les voleurs de temps

    Nous sommes les bâtisseurs d’avant,
    nous prenons au présent pour le mettre au futur
    l’équilibre gardé et l’univers plus sûr.
    Les écrivains poètes, la prose de l’expansion
    l’écrivons de nos mains, mais aussi en chanson.
    Façonneurs de l’après, nous sommes le refrain
    créateurs de jours, aussi les lendemains,

    Nous sommes les voleurs de temps

    Ici sur terre
    nous grapillons partout.
    Par terre
    en l’air.
    Objets perdus !
    ce temps passé,
    à les chercher
    merci pour nous.
    Les files d’attentes
    merci la poste
    et la sécu,
    aussi mc do
    pour ce cadeau.
    Aux abris bus,
    retard airbus
    RATP, SNCF
    grèves CGT
    à nous bonus !
    Retards boulots
    les rendez-vous,
    Zou !
    Merci à vous
    les malpolis,
    les étourdis.
    Montres en retard
    Secondes perdues,
    minutes et heures !
    notre quatre heure.
    Etc.…etc…
    Vous avez tous instants
    perdus pour rien.
    on laisse un blanc
    écrivez les,
    on est malins……

    On passe après
    pour récolter !
    Merci à vous
    de recharger
    le sablier.
    nous sommes les voleurs d’horloges.
    et Pierre Desproges… !

    Nous sommes les voleurs du couchant
    de ces jours balancements
    métronomes réguliers
    les gardiens templiers
    L’astre musique d’âmes solitaires
    l’hymne lunaire des poètes oubliés

    nous sommes le cycle journalier

    Nous sommes les voleurs de charme
    Saisons des rires et des larmes
    Sur la peau rides et sillons
    traces sagesse floraison.
    La force moisson de l’onyx
    monnaie temps d’oraison.
    fleuve des os, vers l’horizon

    nous sommes les passeurs du Styx

    Nous sommes ce symbole habité,
    jardins des Hespérides.
    L’arbre de vies reliées
    le fruit cycle d’or,
    la fertilité terres arides.
    Porteurs des écrits de ce monde
    dont l’exaltation vous inonde
    La jouvence éternelle
    nous sommes l’essence-ciel

    nous sommes les pommes d’or

    Nous sommes les voleurs de terre
    Des instants éphémères,
    les récupèrent.
    Le sable fin
    ses petits grains.
    Moments perdus
    fines poussières.
    Coule sablier
    rendons au flux
    souvenirs passés
    présents futurs
    des âmes pures

    nous sommes voleurs d’instants conjugués.

    Nous sommes capteurs de rêves
    des artistes espérance
    dont nous prenons la sève,
    couleurs persévérance.
    Dans les lignes mémoires
    vos contes et vos histoires
    de celle des jours anciens.
    Culture miroir, de l’avant-temps
    dans le désir demain
    d’arts magies d’un présent,
    créons nouvel an.

    nous sommes les voleurs rêvant.

    L’entre choix de vivre, blessures d’hier
    paradis promis, où vos enfers.
    L’antre des guerres, l’inter-espace
    centre douleurs convertisseur,
    pour les victimes de vos cœurs glace.
    L’échangeur d’âmes, l’Eden passé
    Présent-futur nouvelles lueurs
    transforment les pleurs, en larmes paix

    Nous sommes prismes de vos guerres las

    Nous sommes voleurs de voix
    les murmures d’autrefois.
    Messagers solitaires
    saisissant tous les airs.
    Les funestes poussières
    nous redonnons prières
    nous marcheurs des lumières.
    Le présent chaotique
    l’onde convergente
    remettons diapason,
    les chants cantiques.
    harmonique concordante
    l’avenir à l’unisson.

    nous sommes synchronicité

    Nous sommes les recaptures d’amour
    Passé-présent des prochains jours.
    Ce temps perdu, d’amours déçus
    temps du chagrin, tant de tristesse.
    Nous le prenons à toute vitesse
    et Cupidon, nouvelle promesse.
    Aimants d’après, amants cœurs purs

    nous sommes voleurs, d’amour perdure

    Ce temps qui file et qui vous fuit
    tourbillonnent, boules de loteries.
    Un jour perdant, que l’on devance
    un jour gagnant, trois coups d’avance
    Qu’un jour s’arrête notre cœur
    Dans un millième ou un centième
    Serait pour vous plus grand malheur.
    La grande faucheuse de l’univers
    sonnera l’heure, rideau lumière.

    Nous sommes l’antepénultième

    Alors en attendant,
    vivez, moments
    profitez de chaque présent
    la vie est belle
    Dans chaque lueur
    brille l’étincelle
    dans les doux yeux
    des amoureux
    magie du cœur
    naître l’enfant
    futur aimant.

    Riez, dansez
    chantez, priez
    mangez, bougez,
    Et voyagez
    Mais
    Surtout vivez
    Sans vous souciez
    C’est notre métier
    Pour vous tisser
    Fils destinée.
    chaque jour compte
    Votre décompte
    vous de le savourer
    et nous rendre les contes.

    Tic-tac tic-tac
    de vos montres
    Nous sommes tisserands
    des champs
    du par-delà,
    de l’au-delà
    delà pré-fin

    Nous sommes les parques chemins

    Nous sommes les grands-parents
    des elfes du pré -temps.
    Ceux, qui les heures d’avant
    sont entrés dans la danse.
    Viennent, riant et chantant
    et toujours vous devancent.
    Vous faire petites misères
    mettre de la poussière
    sur le sol là par terre.
    Petits actes manqués,
    le vase qui est tombé
    ramasse la serpillière !
    Égaré trousseau clés
    faudra bien les chercher.
    Chuchoter les pensées
    l’amour dans un bouquet,
    inspire les petits cœurs
    au foyer le bonheur.

    Nous sommes parents du temps comblé

    Passagers clandestins, bord du chemin
    auto-stoppeurs, croisée des routes,
    pouces levés, vous qui cherchez
    Sens à vos vies, prenons les doutes
    Gare de triage des destinées
    Changeurs de route d’êtres fragiles
    l’aire d’autoroute des sèves d’argiles

    nous sommes aiguilleurs du destin

    Nous sommes les voleurs des mondes
    nés de la perfection féconde
    courant l’avant, chaque seconde.
    Le bref ins-temps, d’espaces frontières,
    l’entre moment des parallèles
    les avant-tout de l’éphémère.
    Nous sommes félicités, le maintien universel
    à la lumière présente de l’éternel
    la dimension, demain pluriels

    Nous sommes les âmes vagabondes

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