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Pérou, Lima : “La Tante Julia et le scribouillard” de Mario Vargas Llosa

Dans le brouillard et donc sous un ciel plombé – les gens de Lima disent de couleur “ventre d’âne” -, les amours contrariées puis triomphantes d’une dame d’un certain âge, la Tante Julia, et de son neveu. En même temps à cette éducation sentimentale, s’ajoute celle du neveu au journalisme par un homme de plume et surtout de radio pittoresque : le scribouillard. La Tante Julia et le scribouillard viennent des hautes Andes de Bolivie et ils font souffler le vent de la liberté sexuelle et intellectuelle dans la société assoupie de la capitale péruvienne, au rythme provincial, qu’était alors Lima.

Conséquence de cette liberté : c’est un livre heureux où l’on rit beaucoup y compris le lecteur. Un récit largement autobiographique et un tableau truculent de la société péruvienne essentiellement urbaine des années 50 – plutôt toutefois les classes aisées . Un livre digne de Balzac le maître de Llosa qui tardivement a été couronné par le Nobel de littérature en 2010. A mon sens, un bijou ou mieux un gâteau à déguster telle la Tanta Wawa.

Exposition de Tanta Wawa, gâteaux  de fête préparés, lors de celle de Morts, pour ces derniers. Concours de la Casa de la cultura, Huacavelica, Hautes Andes, Pérou. Cliché : A. Gioda, IRD.
Exposition de Tanta Wawa, gâteaux de fête préparés, lors de celle de Morts, pour ces derniers. Concours de la Casa de la cultura, Huacavelica, Hautes Andes, Pérou. © A. Gioda, IRD.

P.S. : Les amours contrariées par la famille dans le livre de Llosa font irrésistiblement penser, selon mon épouse, au roman de Manzoni “Les fiancés du XIXème siècle dans lequel un seigneur empêche l’union des amants, au milieu de mille péripéties. Dans les deux romans, l’amour finit par triompher et le mariage célébré.

Japon : « Eloge de l’ombre », un bref essai de Jun’ichiro Tanizaki

 « Eloge de l’ombre »  de Jun’ichiro Tanizaki est une lecture marquante de ma jeunesse, dans les années 70. Ce bref essai de 1933, était alors seulement disponible chez les Editions Orientalistes de France. Il vient heureusement d’être réédité en 2017. Sa lecture explique peut-être pourquoi j’ai commencé à apprécier encore plus l’ombre, sachant que ma peau très blanche avait toujours craint le soleil.
Jun’ichiro Tanizaki l’un des écrivains majeurs du Japon du XXème siècle, explique bien que l’ombre y devient de plus en plus rare, avec l’occidentalisation croissante de son pays – depuis 1868 et donc l’ère Meiji. Il y a maintenant un culte de la lumière et blancheur par le biais de la recherche exacerbée de la propreté. S’effacent doucement du Japon, dans cette première moitié du XXème siècle, la lueur des bougies, la laque et métaphoriquement ses valeurs anciennes…
En Occident, on dirait que s’effacent le romantisme, le culte de la nature et du rêve dont l’émerveillement face au brouillard et aux cimes, le respect de la mort et le souvenir des Chers disparus. On ne retrouve l’amour de ces thèmes, au-delà de la mode gothique, que chez les plus jeunes qui sont toujours en quête du merveilleux et du surnaturel, d’un univers poétique. Cet essai de Jun’ichiro Tanizaki est « à penser comme le rassemblement [de thèmes anciens], d’étoiles polaires trop faibles, trop singulières, pour être perçues dans le bruit assourdissant de notre temps », en reprenant puis en l’adaptant un beau texte de Claire Laloyaux qui ouvre son blog littéraire L’aquarium vert.

Traduction de haut niveau effectuée par le grand René Sieffert pour le texte publié, la première fois, en français en 1977. Vous l’avez compris : je vous le recommande chaleureusement. Pas cher car pas  épais. Aux Presses Orientalistes de France (créées par René Sieffert et son épouse Simone), pour la première édition, et maintenant, à nouveau disponible, chez Dominique Picquier, Arles.