Archives pour la catégorie Loisirs

Un remake du chat de Schrödinger ?

Depuis quelque temps, une photo fait florès sur la Toile et provoque de vifs débats. Elle montre un chat sur un escalier et la question enflammant les foules est : le chat monte-t-il ou descend-il l’escalier ?

ChatMonteDescendDe fait, au premier coup d’œil, on est quasi certain de voir ce que fait le félin mais, à force de fixer l’image, l’impression s’inverse : si d’abord il descendait à coup sûr, voilà qu’au bout d’un moment on se persuade du contraire. Une fois l’incertitude installée, on ne cesse d’osciller entre une chose et son contraire, un peu comme dans les dessins d’Escher où les escaliers descendent, mais non, ils montent, mais non ils descendent, tout comme l’escalier de Penrose figurant dans la galerie des objets impossibles.

Schrödinger aurait sûrement trouvé un malin plaisir à commenter cette photo, disant même peut-être “Je vous l’avais bien dit, le chat peut à la fois monter et descendre, tout comme la Mécanique quantique, je vous l’affirme, permet au chat d’être à la fois mort et vivant”.

Et d’ailleurs, eut-il peut-être ajouté, ce chat qui semble à la fois monter et descendre, est-il mort ou vivant ???

 

“L’amour et les forêts”

Dans la noirceur des temps présents (et la grise froidure parisienne), il est des nouvelles quelque peu roboratives. J’ai ainsi appris avec grand plaisir que le livre d’Eric Reinhardt “L’amour et les forêts” (Gallimard, 2014), déjà  récompensé par un prix littéraire qui s’il ne fait pas la fortune de son auteur salue néanmoins un ouvrage exceptionnel, venait de recevoir une nouvelle distinction, le Prix Roman France Télévisions.

L'amourEtLesForets

L’unicité de ce roman vient d’abord de son histoire, celle d’une rencontre improbable entre un écrivain et une lectrice bouleversée par la lecture de son précédent ouvrage. On imagine aisément le flot de messages que reçoit un auteur déjà reconnu : pourquoi E. Reinhardt a-t-il donc réagi à la sollicitation de cette femme qu’il nomme Bénédicte Ombredanne ? Le romancier s’en explique dès le début en rendant hommage au style remarquable de la longue lettre qu’elle lui avait envoyée.

Ce français admirable qui a séduit E. Reinhardt se révèle être seulement l’impetus qui déclenche un processus : on comprend très vite que les toutes premières mais pudiques confidences de Bénédicte ont profondément troublé l’écrivain, celle-ci lui révélant par petites touches une vie que l’on croit d’abord faite d’anicroches quotidiennes avant de découvrir peu à peu que Bénédicte subit en fait le harcèlement impitoyable et permanent d’un mari dont le comportement hystérique est symptomatique d’une lourde pathologie psychiatrique.

Il  est difficile de faire la part entre le vrai et le faux, entre la fiction et la réalité, tant le traitement subi par Bénédicte et admirablement décrit par Reinhardt ne peut être que l’œuvre d’un monstre auquel on peut (veut ?) refuser de croire qu’il puisse exister (tout comme le personnage interprété par Isabelle Huppert dans le film “La pianiste”). Cette incertitude n’enlève rien à l’emprise qu’exerce à son tour sur le lecteur ce récit halluciné dont le style flamboyant ne s’autorise des écarts que pour introduire ici quelques notes scabreuses, là des images baroques et anachroniques, et ailleurs quelques rares bouffées d’espoir faisant penser à des îles perdues à la dérive.

On ne sort pas indemne de ce livre déchirant, tant s’y dévoile le spectacle sans fard ni artifice d’une autre forme de barbarie ne pouvant connaître qu’une seule issue, souhaitée peut-être, délibérée parfois, providentielle de toute façon. Les dernières pages, que chacun comprendra avec sa sensibilité propre, sont comme le point d’orgue sur une partition inédite, exprimant tout à la fois l’intensité du récit et l’amertume du souvenir lumineux d’un moment de grâce où le temps a refusé de se suspendre.

Le nouvel auditorium de Radio – France

AuditoriumInauguré récemment, le nouvel auditorium de la Maison de la Radio est une grande salle de concert (près de 1500 places) à l’architecture surprenante puisque le public est réparti dans un vaste espace circulaire autour de la scène. La décoration intérieure est très belle, réalisée dans divers bois précieux et l’on note les irrégularités aléatoires des parois, destinées à maîtriser les réflexions parasites résonnantes, sans doute un peu à la manière d’un billard de Sinaï.

Les premiers concerts auxquels j’ai assisté ont toutefois confirmé les craintes que le bon sens peut susciter : sauf à se trouver dans les gradins face à l’orchestre, permettant une perception auditive à la fois naturelle et traditionnelle, les places latérales n’offrent qu’une audition assez décevante pour des raisons évidentes, les différents pupitres de l’orchestre étant fortement déséquilibrés malgré la présence en hauteur d’un diffuseur acoustique sensé rétablir, avec plus ou moins de bonheur, ce que la morphologie de la salle inévitablement dénature. A ce déséquilibre au niveau des masses orchestrales s’ajoute le fait que le soliste est parfois quelque peu inaudible, comme ce fut le cas le 19 décembre dans le concerto pour violoncelle de Dvorak, alors que la partition du compositeur tchèque est un modèle d’œuvre concertante où l’instrument et l’orchestre dialoguent dans une splendide harmonie mélodique où l’équilibre sonore est à tout instant maîtrisé.

Déception ? Oui, au moins jusqu’à présent, mais avec l’espoir que ces défauts seront vite corrigés si c’est possible. Sinon, un conseil s’impose : quitte à choisir les places  les plus onéreuses ou à s’éloigner un peu de la scène, s’assurer impérativement que l’on se trouve face à l’orchestre et non exilé en hauteur dans l’une des loges latérales !

Réseau de Bethe (arbre de Cayley)

Le réseau de Bethe, ou encore arbre de Cayley, est une arborescence sans boucle dont chaque nœud possède un nombre fixe (coordinance) de premiers voisins ; la figure montre à gauche un arbre de coordinance 3. Cet objet a priori purement géométrique est la base d’un grand nombre de modèles allant de la biophysique (réactivité des protéines) aux sciences bibliométriques (“rayonnement” (!) d’un chercheur selon la nature et le nombre de ses collaborations).

Une question importante, valant d’ailleurs pour tout type de réseau, est la pertinence du désordre : lorsque des liens sont brisés aléatoirement, quelle est la concentration faisant perdre au système sa connectivité à grande échelle ? Pour le chercheur, à en croire les “experts”, ce serait sa mort intellectuelle et sociale.

ArbreDeBetheAI

 

Il est intéressant de constater que cette structure géométrique se retrouve presque à l’identique dans la nature, comme en témoigne la photo ci-dessus à droite d’une euphorbia tirucalli, prise à l’exposition ELK qui s’est tenue en septembre à Blankenberge (Belgique). Cette manifestation annuelle rassemble des centaines d’exposants proposant aux passionnés de cactus, plantes à caudex,… des exemplaires rares dont chacun est un émerveillement et donne raison à Buffon s’extasiant devant l’infinie variété des spectacles de la Nature.